mercredi 30 décembre 2015

Pour 2016, le parti communiste appelle à arrêter de "propager la peur"

Pour 2016, le parti communiste appelle à arrêter de "propager la peur"

l'Humanité.fr avec AFP
Mardi, 29 Décembre, 2015

Le PCF appelle ce mardi politiques et médias à "arrêter de propager la peur", critiquant dans une vidéo en forme de voeux pour 2016 "ceux qui surfent sur les angoisses" et "s'efforcent d'aiguiser la haine".
Dans un montage vidéo d'une minute trente, posté mardi sur Youtube, le PCF reprend les propos polémiques de Maïtena Biraben, qui avait évoqué sur Canal+ fin septembre "le discours de vérité" du Front national mais aussi ceux de David Pujadas parlant sur France2 d'"un musulman marié à une Française", ou encore de Manuel Valls estimant que "les Roms ont vocation à revenir en Roumanie".
Puis il cite Nicolas Sarkozy affirmant sur France Inter que "10 millions de Syriens espèrent venir en France, enfin pas en France, en Europe". Et pêle-mêle, Marine Le Pen parlant de "migrants terroristes" ou prononçant plusieurs fois le terme "guerre" dans le même discours, ou Florian Philippot, numéro 2 du Front national, répétant de la même manière dans une même interview les mot "armée", "gangrène" ou "islamistes".
Alors que la musique de la scène introductive de "l'Armée des ombres" de Jean-Pierre Melville, montrant les Allemands défiler sur les Champs Elysées, retentit en fond: "STOP", intime le parti communiste dans un encart noir. "Et si en 2016 on arrêtait de propager la peur pour reconstruire l'espoir et la fraternité!", ajoute-t-il. Le film s'achève sur des images de manifestations de militants communistes avec force drapeaux rouge, sur la chanson "On lâche rien" de HK et les Saltimbanks, hymne de la campagne du Front de gauche à la présidentielle de 2012.

Depuis sa prison, le message de Can Dündar à l’Humanité

Depuis sa prison, le message de Can Dündar à l’Humanité

Rédacteur en chef du journal Cumhuriyet, détenu dans la prison Silivri d’Istanbul. Par Can Dündar,
Mardi, 29 Décembre, 2015
L'Humanité
  
Photo AP
Emprisonné par le régime turc depuis le 26 novembre, le rédacteur en chef du journal d’opposition Cumhuriyet nous écrit de sa cellule.
À l’Humanité.
Isolé dans ma cellule, en taule, je lis la biographie de Frédéric Joliot-Curie (physicien communiste – NDLR)… Il vivait dans les années où toute l’Europe faisait face au fascisme. En tant qu’homme de science, en tant qu’intellectuel, il avait écrit : « M’enfermer dans mon laboratoire a été toujours séduisant pour moi. Mais je me demandais en même temps, qui peut avoir intérêt à mes découvertes ? J’avais donc compris, en travaillant tranquillement dans mon coin, qu’il fallait que la science ne puisse pas servir des buts sales, les préparatifs de guerre, qu’il fallait qu’elle serve la paix. Dès lors, je devais être dans les rangs de ceux qui luttaient pour la paix (1). »
En fait, j’ai moi-même été parfois séduit par la pensée de m’enfermer dans ma bibliothèque afin de pouvoir écrire mes livres. Mais cette même prise de conscience qu’a eue Joliot-Curie nous a poussés, moi et mes collègues, vers la lutte dans les rangs démocrates.
Puis-je laisser mon pays entre les mains d’un régime totalitaire ?
Pouvons-nous nous enfermer dans nos bureaux, au lieu de travailler sur les dossiers sur lesquels nous avons enquêté, découvrant la corruption du pouvoir, la politique de guerre civile, le trafic d’armes ?
Parce que nous avons répondu « non » à cette option, et parce que nous avons poursuivi la voie de Frédéric Joliot-Curie, parce que nous avons pris le parti de la paix, parce que nous sommes contre le despotisme et sa censure, nous nous retrouvons en prison et isolés dans nos cellules.
Par la leçon et l’expérience françaises, nous savons très bien qui gagnera à la fin.
C’est pour cela que nous résistons avec ténacité et croyance.
Nous sommes solidaires de tous nos collègues qui, dans les différents coins du monde, luttent pour les mêmes causes.
Nous croyons que c’est cette solidarité qui peut libérer l’humanité de la haine, de l’oppression et de la guerre.

110 journalistes ont été assassinés en 2015

110 journalistes ont été assassinés en 2015

Mardi, 29 Décembre, 2015
Humanite.fr

Au terme de l’année 2015, le bilan est accablant : 110 journalistes ont été assassinés en raison de leur métier ou sont décédés de morts suspectes. Ils sont au moins 787 à avoir été tués dans l'exercice de leur profession depuis 2005. Établi chaque année depuis 20 ans, le bilan annuel des exactions contre les journalistes constitue un des piliers essentiels du travail de RSF, aux côtés de celles et ceux qui risquent leur vie pour nous informer.
Le nombre très élevé de reporters tués au cours de l’année, qui porte à 787 le total des journalistes tués dans l’exercice ou en raison de leurs fonctions depuis 2005, est imputable à une violence de plus en plus délibérée contre les journalistes. Il révèle aussi un échec des initiatives en faveur de la protection des journalistes. Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon affirmait dans son rapport annuel sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité le 6 août 2015 : “je suis profondément inquiet par l’incapacité à réduire la fréquence et l’ampleur des violences ciblées auxquelles sont confrontées les journalistes et l’impunité presque absolue pour de tels crimes.”
 
Des groupes non-étatiques perpètrent des exactions ciblées tandis que de trop nombreux États ne se conforment pas aux obligations assignées par le droit international. Le 27 mai 2015, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, appelait à la création d’un mécanisme d’application concret du droit international sur la protection des journalistes. Sans quoi il est à craindre que la résolution 2222, comme la 1738 adoptée en 2006, soit simplement… une bonne résolution. En 2014, deux tiers des reporters tués dans le monde l’avaient été en zones de conflits. En 2015, la proportion s’est complètement inversée : deux tiers des journalistes tués l’ont été “en temps de paix”.
 
Même dans les capitales éloignées des conflits armés, les journalistes peuvent être frappés, comme ce fut le cas le 7 janvier avec l’attaque de Charlie Hebdo à Paris. Le 8 octobre, le directeur de Charlie Hebdo, Riss, déclarait : “Nous n’avons quasiment jamais envoyé de journalistes en zone de guerre (...). Le 7 janvier, c’est la guerre qui est venue à nous”. Homicides liés ou non à leur profession ? Les motifs de la mort de 43 reporters au cours de l’année demeurent indéterminés, en raison du manque d’enquêtes officielles impartiales et approfondies, du fait de la mauvaise volonté des États ou de la difficulté dans des régions instables ou de non droit. Ces « motifs indéterminés » reflètent le problème de l’impunité des crimes commis contre les journalistes dans de nombreuses régions du monde (Amérique latine, Asie-Pacifique, Moyen-Orient et Afrique sub-saharienne).
 
L’attaque contre Charlie Hebdo fait de la France le troisième pays le plus meurtrier pour les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions en 2015. Une tragédie inédite : jamais un pays occidental n’avait connu une telle hécatombe. Depuis le mois de janvier, les journalistes ou collaborateurs de Charlie-Hebdo vivent sous haute protection. Certains se voient encore aujourd’hui contraints de changer régulièrement de logement. La journaliste chargée des questions de religion et d’islamisme expliquait en mai dernier qu’elle vivait tantôt à l’hôtel tantôt chez des proches. Elle insistait sur la difficulté d’exercer son métier avec de telles menaces, et notamment sur l’impossibilité de faire des reportages sous escorte policière. 

Ariège. 1.000 hectares brûlés, les feux en régression

Ariège. 1.000 hectares brûlés, les feux en régression

l'Humanité.fr avec AFP
Mardi, 29 Décembre, 2015
  
Photo AFP
Les incendies, qui ont brûlé environ 1.000 hectares de végétation depuis une semaine sur les hauteurs de l'Ariège, étaient en régression mardi du fait d'un retour de l'humidité sur le département, a-t-on appris auprès de la préfecture.
"La situation des feux est stabilisée et même en réduction dans le département", a déclaré la préfète de l'Ariège, Marie Lajus. Cinq points étaient toujours vivaces dans des broussailles et des forêts d'altitude, contre 7 la veille, et "un seul de ces points est nouveau, les 4 autres étant déjà surveillés ces derniers jours", a précisé Mme Lajus. "On constate une absence de pluie mais une montée très nette du taux d'humidité qui a sans doute permis de réduire les feux d'activité", a-t-elle ajouté.
Quatre vingt pompiers étaient toujours mobilisés, avec un renfort venu du département voisin de Haute-Garonne, ainsi que la gendarmerie pour la "prévention et la répression" des incendies. Les feux n'ont occasionné "aucun dégât notable", selon la préfète.
Les foyers se sont multipliés depuis une semaine dans le département, favorisés par une météo exceptionnellement clémente en cette période de l'année. La pratique de l'écobuage - brûlis à visée agricole - qui pourrait en être à l'origine a été temporairement interdite par arrêté préfectoral. Dans le département des Hautes-Pyrénées, plus à l'ouest dans la chaîne pyrénéenne, un feu qui semble lié à un "acte de malveillance" a ravagé 100 hectares près du camp militaire du Ger, ont indiqué les pompiers du département, mobilisés sur l'incendie de 18H00 à 4H00 du matin. Un autre incendie était par ailleurs "sous surveillance" au-dessus de la commune de Campan depuis trois jours, venant s'ajouter à "une dizaine de feux d'écobuage" ayant touché une cinquantaine d'hectares depuis Noël, a précisé le capitaine Bruno Bille. L'arrêté interdisant l'écobuage dans ce département devrait cependant être levé mardi à 19H00.

lundi 28 décembre 2015

Claire Bretécher à l’honneur à Beaubourg

Claire Bretécher à l’honneur à Beaubourg

Lucie Servin
Lundi, 28 Décembre, 2015

La Bibliothèque publique d’information (BPI), à Paris, retrace le parcours de la dessinatrice 
des Frustrés et d’Agrippine. Une exposition gratuite, jusqu’au 8 février.

Erri de Luca « Notre classe dirigeante sera issue de Lampedusa »

Erri de Luca « Notre classe dirigeante sera issue de Lampedusa »

Michaël Melinard
Dimanche, 27 Décembre, 2015
Humanité Dimanche

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Marco Bertorello/AFP
L'écrivain, poète et traducteur italien a été jugé et acquitté de l'accusation d'incitation au sabotage de la ligne ferroviaire à très grande vitesse LyonTurin. Militant de Lotta Continua dans les années 1970, ancien ouvrier, le Napolitain Erri De Luca, devenu montagnard dans le val de Suse, chante les louanges des migrants, force régénératrice de son pays.
HD. Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir écrivain ?
Erri DE Luca. Dès l’adolescence, écrire était une façon de me tenir compagnie. J’ai écrit mon premier récit à 11 ans. Je fais une grande différence entre le moi-même qui lit et le moimême qui écrit. Celui qui lit est une autre personne. Mes écrits ne viennent jamais de choses lues mais toujours de choses vécues. La séparation est totale.
 
HD. Pourquoi écrivez-vous vos livres à la main ?
E. D. L. J'écris sur des cahiers en laissant la page gauche blanche. Je peux ainsi revenir sur ce que j'écris et rajouter des choses. Ma page de gauche est celle qui redresse la droite.
 
HD. Mais pourquoi écrire à la main à l'heure de l'ordinateur ?
E. D. L. J'ai appris dans le siècle où l'on écrivait encore à la main. Vers 30 ans, lorsque j'étais ouvrier, je me suis aperçu que la main allait à la vitesse de la tête. Si j'avais commencé sur ordinateur, jamais je ne serais passé à la main. Il est beaucoup plus rapide. Mais la main a pris de l'importance. Elle est devenue comme le chef d'orchestre, celui qui bat le temps de l'écriture. Elle me permet d'être plus exact.
 
HD. N'est-ce pas la poursuite d'un travail manuel ?
E. D. L. L'écriture n'est pas un travail. Vendre ma force de travail pour un salaire en était un. L'écriture est le contraire. Quand j'étais ouvrier, l'écriture était le petit temps sauvé, parfois quelques quarts d'heure arrachés à la journée. Ils avaient la valeur ajoutée d'un temps de rachat de la journée vendue. Dans mon cas, l'écriture ne peut pas être associée au verbe travailler.
 
HD. Qu'a changé pour vous le fait d'être publié ?
E. D. L. Cela n'a rien changé à ma vie d'ouvrier. J'ai continué 7 ans après la sortie de mon premier livre. Le changement s'est produit au moment où j'ai pu abandonner mon travail et gagner ma vie avec cette imposture. Je suis un imposteur. Quelqu'un qui vend des mots est un imposteur. Je suis bien sûr un imposteur autorisé. Je le suis moins qu'un politicien qui ne vend pas seulement des mots mais des actions c onséquentes. Quand quelqu'un me demande quel métier fais-tu ? Je réponds : « J'écris des histoires. » On me rétorque : « Oui, mais quel métier fais-tu » ? Quand il comprend que je gagne de l'argent en écrivant, il me prend pour un escroc.
 
HD. Comment est né votre engagement ?
E. D. L. J'ai grandi au milieu de livres. À travers eux, je pouvais m'approcher de la moitié du XXe siècle que je n'avais pas connue et qui avait laissé des traces de son passage écrasant dans les vies des personnes, dans celles de mes parents. Je me formais une éducation sentimentale face à l'histoire. Je suis d'une génération d'insurgés. Un peu partout dans le monde, elle a été la dernière génération révolutionnaire du monde. Je me suis retrouvé avec des contemporains dans les luttes. La seule autre possibilité était de déserter. Donc, je suis descendu du trottoir pour aller au centre de la rue avec eux. C'était la convocation d'une génération à laquelle j'ai adhéré. Après, je n'ai pu appartenir à rien d'autre.
 
HD. Que vous inspirent les images de la chemise déchirée du dirigeant d'Air France ?
E. D. L. J'ai été ouvrier. J'ai moi aussi été licencié avec beaucoup d'autres.
J'ai été expulsé de mon lieu de travail, pas parce que nous faisions mal notre travail mais parce que ceux qui nous expulsaient l'avaient mal fait. Être licencié dans cette circonstance, c'est subir une honte, une injustice. En plus, on justifie notre licenciement parce que nous serions superflus.
C'est une honte supplémentaire. C'est mal de revenir à la maison avec une chemise déchirée. Mais c'est pire de revenir à la maison et devoir dire aux enfants et à sa femme qu'on a été renvoyé. Je suis avec ceux qui sont les renvoyés plutôt qu'avec les renvoyeurs.
 
HD. Vous avez été relaxé de l'accusation d'incitation au sabotage. Comment vivez-vous le fait de pouvoir continuer à vous exprimer librement ?
E. D. L. Je n'étais pas inquiet sur mal iber té d'expression. Même condamné, j'aurais continué à défendre mes positions comme je l'ai déclaré spontanément avant le verdict. Ce n'était pas un défi. J'assumais entièrement mon rôle de coupable. Ce verdict encourage les autres. Il me donne une autorisation légale. C'est un effet positif sur l'ensemble de la société italienne qui a suivi ce procès. Des personnes qui n'avaient jamais lu et ne liront jamais une ligne de moi ont apprécié mes arguments. Ce n'est pas une promotion littéraire mais une promotion comme citoyen italien.
 
HD. Quels souvenirs conservez-vous de l'époque où vous étiez ouvrier ?
E. D. L. Je me souviens d'avoir travaillé au marteau-piqueur pour la première fois pour la démolition du vieux stade de Colombes en 1982 . Le patron de l'entreprise a donné des chèques en bois et cessé de payer les ouvriers.
On a passé Noël 1982 dans son bureau. À la fin, l'État français a payé nos salaires. C'était un travail dur mais il a été considéré digne par l'organisation de l'État qui a soutenu les ouvriers. J'ai des souvenirs très précis de cette courte période de moins de deux ans passée en France.
 
HD. Il y avait une différence entre être ouvrier en France et en Italie...
E. D. L. La différence est qu'en France, j'étais le seul Italien. On était tous étrangers de l'Afrique, de la Turquie, de la Yougoslavie. C'était un chaudron de mauvais Français. On apprenait à entendre un français très varié, multicorps, dit par un Slave ou un Algérien. En Italie, j'étais parmi les miens. À l'époque, il n'y avait pas d'étrangers sur les chantiers.
 
HD. Que vous inspire l'arrivée de tous ces gens venus d'ailleurs ?
E. D. L. L'Italie est une espèce depont jeté dans la Méditerranée vers le sud-est, à moitié entre l'Asie et l'Afrique. C'est un pont et un point de passage. Maintenant, on reçoit les gens qui constituent matériellement notre richesse. Ils paient nos retraites. Ils viennent renouveler les forces d'une nation affaiblie. Le pouvoir parlait de vagues d'arrivées. L'emploi du mot « vague » est mensonger. Il ne sert qu'à susciter une réaction de défense. Contre les vagues, la côte met des barrages. Le mot juste est flux. Il ne vient pas à l'idée d'étrangler le flux, cette nouvelle énergie de vies qui vient réanimer les fibres d'une communauté ancienne, qui fait les travaux les plus durs. C'est du bonheur de voir le renouvellement des fibres de mon pays. J'ai commencé à écrire sur cette question en 1997, quand le gouvernement italien avait arraisonné un bateau albanais dans la mer adriatique. Mon engagement a été pour Lampedusa, le centre de la civilisation en Méditerranée. Quand l'Italie a fait des lois pour empêcher les pêcheurs de sauver des vies humaines en les punissant pour immigration clandestine et en séquestrant les bateaux, j'étais à leurs côtés. Ils ont saboté cette loi parce qu'ils ne pouvaient pas s'empêcher de sauver des naufragés.
 
HD. Que vous inspire la thèse du « grand remplacement » ?
E. D. L. Ces thèses n'existent pas encore en Italie. Les États-Unis sont déjà une nation à majorité hispanique.
Sont-ils foutus, moins américains, plus faibles, le dollar est-il moins fort qu'avant ? Au contraire, ils sont plus forts. Ils ont surmonté la crise. La légalisation de millions d'immigrés irréguliers par Obama leur a donné plus d'élan. J'ai prophétisé que nous aurions une classe dirigeante de descendants de ceux qui ont débarqué à Lampedusa.
 
HD. Vous vivez dans le val de Suse. Quel rapport entretenez-vous avec la montagne ?
E. D. L. C'est là où mon corps s'exprime le mieux. J'ai découvert cette capacité à 30 ans. C'est une façon pour le corps de jouir, d'être heureux. La montagne m'offre cette possibilité avec des endroits restés intacts malgré la présence de l'être humain. C'est un désert magnifique. Monter sur une paroi est un acte de liberté. Je monte sur un sommet pour être le plus loin possible du point de départ. Le fait que cet exercice soit inutile apporte de la valeur ajoutée. Nous sommes dans un système où les actes doivent servir à quelque chose. En montagne, cela ne sert à rien et cela me convient très bien.
 
HD. Que représente la ville de Naples dont vous êtes originaire ?
E. D. L. Cette ville a formé mon éducation sentimentale. J'y ai expérimenté la compassion, la colère, la honte, qui sont pour moi les sentiments qui forment une personnalité. C'est une ville de hasards fondée à côté d'un volcan catastrophique, sur une zone sismique. Nous avons une relation de terreur avec la beauté. La beauté n'est pas une décoration, une peinture de fond, c'est une force qui vient du fond de la terre et qui peut se débarrasser de nous à chaque moment sans possibilités de prévisions. Nous avons un sentiment de précarité. Même saint Xavier, le saint protecteur de la ville, est spécialisé dans les éruptions. Même notre sentiment religieux est plus tellurique que terrestre. Mon système nerveux est très napolitain. Je suis prêt à bondir. Je suis aussi indifférent, insensible aux insultes sauf si on m'insulte en napolitain. En italien, je suis invulnérable, c'est comme jeter des pierres sur une ombre. Naples m'a donné son système d'immunité.

Juliette Gréco, une «Jolie môme» en liberté

Juliette Gréco, une «Jolie môme» en liberté

Victor Hache
Dimanche, 27 Décembre, 2015
Humanite.fr

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DR/ France 2
France 2 diffuse le 30 décembre le documentaire «Juliette Gréco, une femme libre». Un portrait sensible et émouvant qui retrace le parcours de l’icône de la chanson, pour finir l’année 2015 en beauté.
Parviendra-t-on un jour à percer le mystère Gréco?  Le  documentaire «Juliette Gréco une femme libre»*  diffusé le 30 décembre sur France 2, tente de cerner la personnalité d’une artiste qui a placé sa vie sous le signe de la liberté.
« C’est peut-être parce que je ne m’attendais à rien que tant de choses me sont arrivées » dit elle en ouverture de ce portrait où se mêlent images d’archives, extraits de chansons et témoignages de proches.
 A 88 ans, l’icône de la chanson garde le sourire d'une jeune fille. Elle l'est restée dans sa tête et force l'admiration de Stéphane  Bern qui raconte le parcours de la muse de Saint-Germain-des-Prés. Le parti pris de la liberté qui traverse ce documentaire émouvant et sensible traduit bien la philosophie d'une femme et d'une artiste qui n'aura jamais cédé au conformisme. Gréco depuis ses débuts n'en n'a fait qu'à sa tête, comme ça, pour le plaisir de se sentir pleinement exister.
Bien sûr il y a des blessures, celles de l'enfance. Juliette entretenait des rapports complexes avec sa mère : « Je suis une enfant pas du tout désiré » raconte-t-elle. Elle n’était pas faite pour l’amour maternel lui demande-t-on? «Non. Elle était faite pour l’armée, pour le combat, pour l’héroïsme, sans savoir que les mères de famille, elles, sont héroïques aussi. C’est une mère absente ».
Enfant, Juliette était timide, toujours dans son monde et parlait peu. Elle rêvait de devenir danseuse : « Je suis entrée à l’Opéra comme rat ! » sourit-elle. Ses parents étant séparés, élevée avec sa sœur aînée Charlotte par ses grands-parents maternels près de Bordeaux, elle se souvient de l’amour de sa grand-mère et de son grand-père pour qui elle avait une immense affection: « C’était un homme généreux, un homme tendre. Je comptais sur lui tout le temps. Le jour où il est parti, il a emporté mon enfance avec lui ».
En 1939, c’est la guerre et sa mère s’engage dans la Résistance. Elle sera arrêtée en 1943 ainsi que sa sœur, puis déportées dans les camps de Ravensbrück, dont elles ne reviendront qu’en 1945,  tandis que Juliette, en raison de son jeune âge, sera envoyée à la Maison d’arrêt de Fresnes. A sa sortie, elle a 16 ans. Seule et sans argent, elle trouve refuge auprès d’une amie de sa mère, la comédienne Hélène Duc qui avait été sa professeur de Français à Bergerac. Une période où elle va suivre des cours de théâtre, sans même imaginer qu’elle deviendrait chanteuse un jour.  A la Libération, à Paris, c’est l’effervescence et avec elle l’envie de la jeunesse de se sentir vivre. Juliette découvre le bouillonnement culturel de la rive gauche et fréquente le Café de Flore, les deux  Magots et les nombreux cabarets de  Saint-Germain. Cheveux longs, frange au carré pull et pantalon noirs, elle fascine par son allure, sa manière originale et hors normes de se comporter. Charles Trenet, Léo Ferré, Georges Brassens, Jacques  Brel… tous  rêvent d’écrire pour elle. A l’image de  Serge Gainsbourg qui lui  offre la chanson «La  javanaise». Elle chantera aussi la sensuelle et provocante «Déshabillez-moi», titre phare de son répertoire écrit en 1967 par  Robert Nyel et Gaby Verlor, qu’elle continue d’interpréter avec humour : « Je trouve ça marrant et qui plus est, ça me donne l’impression à moi, d’être tranquillement impudique ».
Vous étiez coquine remarque Stéphane Bern, « Moi ? Je ne suis pas coquine, je suis infernale ! ».  Tour à tour, amante, maitresse et éternelle amoureuse, à 19 ans, elle rencontre le champion automobile Jean-Pierre Wimille, qui se tuera quelques temps après lors d’une course en Argentine. Elle partagera  la vie du comédien Philippe Lemaire avec qui elle aura une fille Laurence, du Jazzman Miles  Davis, du producteur américain Darryl Zanuck qui lui donna les plus beaux rôles au cinéma aux Etats-Unis, de l’acteur Michel Piccoli et connut une amitié très complice avec Françoise Sagan. Marié avec l’ancien pianiste de Jacques Brel, Gérard Jouannest, son partenaire de scène depuis  47 ans, elle n’a jamais cessé, depuis ses débuts au cabaret Le Bœuf sur le toit, de vouloir servir les textes des plus grands auteurs, de Jean-Paul Sartre, Merleau-Ponty à Jacques Prévert ou Boris Vian. « Mon métier, c’est interprète de luxe ! » s’amuse celle qui s’est toujours considérée comme la «servante» des mots des autres. 
Libre, rebelle, femme engagée et magnifique interprète, après 70 ans de scène, elle a entamé une tournée  d’adieux baptisée «Merci». Merci à son public,  à la poésie, à la chanson, à l’amour et au miel de la vie. Un dernier tour de chant commencé au printemps 2015 qui se poursuivra en 2016 avec plusieurs grands rendez-vous, à l’Auditorium du Louvre (5 et 6 février), au Théâtre de la Ville à Paris (7 février), au Casino de Paris (17 avril)  mais aussi au Japon ou à Londres en juin. Chapeau et respect Juliette!
 
«Juliette Gréco, une femme libre»* de Valérie Inizian et  Jérôme Bréhier, diffusion mercredi 30 décembre sur France 2, 23h20

Abandon définitif du projet initial de barrage à Sivens

Abandon définitif du projet initial de barrage à Sivens

Dimanche, 27 Décembre, 2015
Humanite.fr
  
RÉMY GABALDA / AFP
Quatorze mois après la mort de Rémi Fraisse, tué par la police lors d'une manifestation contre le projet de barrage, la version initiale de celui ci a été définitivement abandonnée vendredi par un arrêté des préfets du Tarn et du Tarn et Garonne.
C'est par un tweet sans retenue du sénateur du Tarn et Garonne François Bonhomme que l'information a filtré. 
 
 
"Quand l'Etat signe un arrêté d'abandon de la retenue de Sivens en catimini", a tweeté le sénateur divers droites, parlant de "gâchis", de "capitulation" et de "Noël de la lâcheté".
 
Cet arrêté abroge la déclaration d'intérêt général du projet de barrage,mais est susceptible d'un recours devant le tribunal administratif de Toulouse, précise le texte. lire ici  ap_abrogation_24122015.pdf
 
Ce barrage a suscité une vive controverse et a été à l'origine de manifestations avec des heurts lors desquels le militant écologiste Rémi Fraisse a été tué par une grenade offensive lancée par un gendarme le 26 octobre 2014.
Le 11 décembre, le conseil départemental du Tarn a adopté l'accord transactionnel proposé par l'Etat sur une compensation de 3,4 millions d'euros sur l'abandon du projet: 2,1 ME pour les dépenses en pure perte et 1,3 ME pour réhabiliter la zone humide.
 
Un autre projet, avec une retenue d'eau réduite de moitié, est à l'étude et devrait être lancé prochainement. Il est défendu par les syndicats agricoles pour des questions d'irrigation. Surnommé le "Sivens light", il est combattu par les zadistes qui estiment que le barrage est inutile et que les petites retenues d'eau collinaires alentours sont suffisantes aux besoins d'irrigation.

Rojava : le barrage de Tichrine repris à l'EI par une coalition arabo-kurde

Rojava : le barrage de Tichrine repris à l'EI par une coalition arabo-kurde

Samedi, 26 Décembre, 2015
Humanite.fr

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Une coalition militaire arabo-kurde a pris samedi aux jihadistes de l'Etat Islamique un barrage stratégique de l'Euphrate, dans le nord de la Syrie.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS) "ont libéré le barrage de Tichrine" a indiqué leur porte-parole, le colonel Talal Sello, précisant cependant que "les affrontements se poursuivent dans la zone où se trouvent les logements de fonction des employés, autour du barrage". D'autres sources confirme la poursuite des combats sur la rive ouest du fleuve.
"Nous avons libéré la région à l'est du barrage" a également indiqué le porte-parole de cette coalition, formée principalement des Unités de protection du peuple kurde (YPG) et des combattants arabes. Les forces kurdes avaient chassé en juillet l'EI de Sarrine, localité sur la rive est de l'Euphrate.
 
Mercredi, les FDS avaient lancé une offensive contre plusieurs localités aux mains de l'EI, sur cette rive est. L'objectif, selon leur porte-parole, était de "libérer" les régions au sud de Sarrine et d'atteindre le barrage. des raids ont été effectués le 23 décembre contre des positions tenues par l’EI dans la province d’Alep. « Un centre logistique » de l’organisation jihadiste y a été « détruit ».
Il s'agissait de la deuxième grande opération de la coalition fondée en octobre, qui a repris à l'EI quelque 200 villages dans la province de Hassaké (nord-est). Après avoir réussi à couper une route d’approvisionnement entre la Syrie et l’Irak utilisée par Daesh dans la province d’Hassaké, les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui rassemblent des combattants kurdes et arabes, continuent de reprendre du terrain à l’organisation jihadiste.
 
Le barrage de Tichrine est une prise stratégique car il permet d’alimenter en électricité plusieurs régions de la province d’Alep. Il avait été pris par l'EI en 2014 qui en avait chassé plusieurs groupes rebelles syriens, dont la milice Ahrar al-Cham.
 
Apparemment, l’objectif des FDS est de couper les voies utilisées par Daesh pour faire transiter ses combattants entre les provinces d’Alep et Raqqa, sa « capitale ». Pour cela, cette coalition arabo-kurde nouvellement créée est appuyée par des frappes de la coalition anti-jihadiste emmenée par les États-Unis.
 
Soutenues par les États-Unis qui leur ont fourni des armes, les FDS regroupent notamment des miliciens kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) ainsi que divers groupes armés arabes et assyriens. Elles sont également et conseillées par une cinquantaine de membres des forces spéciales américaines.
 
Malgré leurs récents succès militaires, l'EI contrôle toujours de vastes territoires sur la rive ouest de l'Euphrate, allant de Raqa à Jarablus, à la frontière turque. Et si la province de Deir Ez-Zor est contrôlée dans sa quasi-totalité par Daesh, ce n’est pas le cas de la capitale, qui porte le même nom, pour moitié encore aux mains des forces gouvernementales syriennes. D’où son objectif de chasser ces dernières. D'ailleurs,  les combattants de l'EI ont pris le contrôle d’un quartier résidentiel de la ville, au terme de plusieurs attaques suicides et de combats intenses contre les forces du régime syrien.

Des abandons et des calculs qui ne passent pas

Des abandons et des calculs qui ne passent pas

Adrien Rouchaléou
Lundi, 28 Décembre, 2015
L'Humanité

La volonté de l’exécutif d’inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité pour les binationaux convaincus de terrorisme creuse un fossé d’une profondeur inédite au sein de la gauche.
«Une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs. » C’est ainsi que, dans le Journal du dimanche, Manuel Valls juge ceux qui, de plus en plus nombreux et de plus en plus fort, s’opposent à l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution française et à son extension à tous les binationaux. Provenant d’un premier ministre qui, à longueur de discours, prétend défendre les « valeurs républicaines » menacées – « Les valeurs républicaines n’ont jamais été aussi indispensables », a-t-il déclaré le 19 février 2015 à l’Assemblée nationale, à moins qu’il n’évoque un « combat de valeurs, un combat de civilisations » entre la France et Daech, comme le 16 novembre dernier sur RTL (parmi une bonne centaine d’autres occurrences) –, l’argument peut surprendre. La défense de Manuel Valls est d’autant plus absurde que lui-même, à la sortie du Conseil des ministres mercredi dernier, reconnaissait que « l’efficacité n’est pas l’enjeu » d’une telle mesure qui, selon lui, revêt plutôt « un caractère hautement symbolique ».
 

Le fait est que la provocation accélère la fracture à gauche

Pour le premier ministre, ce qui préside à cette décision, c’est « le contexte, notre état de guerre et le discours du président devant le Congrès ». Sauf que le principe même d’une Constitution est de se situer bien au-delà du « contexte » auquel elle a vocation à survivre. Quant au discours du président devant le Congrès, il est de notoriété publique qu’il ne consistait qu’en un coup tactique pour contraindre la droite à le soutenir.
Tout cela, Manuel Valls le sait. Sa fuite en avant ne peut donc être innocente, lui qui n’a jamais caché sa volonté d’en finir avec la gauche historique, pour y substituer un centre « démocrate » à l’italienne ou à la britannique époque Blair.
Le fait est que la provocation accélère en effet la fracture à gauche. « Je crois que l’impudeur de cette phrase dit tout de la gravité de ce qui se passe », a réagi l’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot. « Les valeurs sont ce qui structure une civilisation. Les considérer comme subalternes en y préférant tactique et cynisme, c’est les abjurer. » Au Front de gauche, Éliane Assassi, présidente du groupe CRC au Sénat voit dans la volonté de l’exécutif « une honte » qui « porte en elle le germe de l’exclusion et du soupçon ». Au premier ministre, elle répond : « Je vous rassure Monsieur Valls, je ne suis pas perdue, mais alors pas du tout du tout ! » Autre ancien ministre, socialiste cette fois, Benoît Hamon abonde, dans le JDD : « Commencer le quinquennat par la promesse du droit de vote aux étrangers aux élections locales et le terminer sur la déchéance de nationalité des binationaux, une telle transhumance politique et intellectuelle déboussole. Cette proposition va provoquer un schisme au sein du peuple de gauche mais aussi dans la communauté nationale. » La rue de Solférino en est déjà à compter les départs de militants et les « mises en congés » d’élus.
 

La grogne ne se limite plus du tout « aux frondeurs »

Si Benoît Hamon est plutôt classé à la gauche du PS, la grogne ne se limite cette fois plus du tout aux « frondeurs ». Ainsi des députés comme le vice-président de la commission des finances, Pierre-Alain Muet, ou le prédécesseur de Manuel Valls à Matignon, Jean-Marc Ayrault, ont publiquement affirmé leur opposition à la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité ces dernières heures.
Restent en défense du gouvernement l’aile la plus droitière du PS, avec des députés comme Christophe Caresche ; ou les élus les plus suivistes, ceux que l’on n’entend que pour relayer la parole de l’exécutif. À ceux-là, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Bruno Le Roux (qui, la veille du Conseil des ministres, s’opposait encore au principe de la déchéance de nationalité), a fait parvenir un « argumentaire », reprenant les mêmes idées que celles développées par les membres du gouvernement.
« La détermination est totale, nous irons jusqu’au bout, affirme Valls au JDD. Que chacun à gauche en soit convaincu. » La droite, elle, n’est plus à convaincre.

Indivisibles

Indivisibles

Par Michel Guilloux
Lundi, 28 Décembre, 2015
L'Humanité
  
L'éditorial de Michel Guilloux : "Valls et Hollande disent adieu à la gauche comme à une certaine idée de la France, ainsi que le disait un déchu de sa nationalité en 1940."
L’année 2015 aurait pu se terminer sur la dignité et la tristesse requises par la mémoire des morts de janvier puis de ce 13 novembre. Mais tout fait ventre pour ceux dont l’appétit de pouvoir est l’unique horizon. Le redécoupage de nos régions à des dimensions soumises à un projet européiste qui ne dit pas son nom a été l’occasion d’un hold-up démocratique. En ce début décembre, l’émergence continue du FN a été alimentée pour saper les fondements d’une droite républicaine elle-même travaillée au fer rouge des idées extrêmes. Le tout en continuant de susciter une abstention record d’un électorat de gauche dégoûté de voter, voire de la politique par les reniements sans fin depuis 2012.
État d’urgence, COP21 et régionales sont ainsi devenus les ingrédients d’une soupe politicienne visant autant à la division du pays qu’à une recomposition du champ politique encore plus vers la droite. Plus la démocratie, la voix et le pouvoir du peuple seront affaiblis voire dévoyés, mieux iront les affaires. Côté Medef, on salive.
Vouloir inscrire la division au cœur même de la Constitution a été salué comme il se doit par le Front national. Ce « symbole », selon les dires mêmes du premier ministre, n’est pas sans portée. La mise à sac d’un local de prière à Ajaccio, assortie d’une tentative d’autodafé survenant en « réponse » aux agissements d’une bande de voyous, en dit long sur ce que les racistes et extrémistes de droite, s’expriment-ils en une langue régionale, se croient permis aujourd’hui, en Corse comme ailleurs. Cela annonce aussi ce qu’encourage l’intention affichée cette semaine de graver dans le marbre une nationalité à deux vitesses. Valls et Hollande disent adieu à la gauche comme à une certaine idée de la France, ainsi que le disait un déchu de sa nationalité en 1940. Hier comme aujourd’hui, l’honneur sera toujours du côté de ceux qui disent non et l’avenir à ceux qui parient sur l’égalité, la liberté et la fraternité. Indivisibles.

L'armée irakienne annonce la "libération" totale de Ramadi

L'armée irakienne annonce la "libération" totale de Ramadi

l'Humanité.fr avec AFP
Lundi, 28 Décembre, 2015
  
Photo Ahmad Al-Rubaye / AFP
Les forces irakiennes ont repris à Daech la ville de Ramadi, à l'ouest de Bagdad, et levé le drapeau national sur le complexe gouvernemental, a indiqué un porte-parole du commandement irakien des opérations.
Les forces irakiennes tentent lundi de désamorcer les bombes laissées dans les rues dévastées de Ramadi, un jour après avoir reconquis cette grande ville à l'ouest de Bagdad dans une victoire majeure face au groupe jihadiste Etat islamique (EI). Même si des jihadistes pourraient être encore présents dans certains quartiers, les forces irakiennes affirment ne rencontrer aucune résistance depuis que les combattants de l'EI ont abandonné dimanche un complexe gouvernemental stratégique au coeur de la cité. "Les forces de sécurité contrôlent maintenant toutes les rues. Il n'y a pas de résistance de Daech (acronyme en arabe de l'EI)", a déclaré un responsable de la sécurité pour la province d'Al-Anbar, la plus vaste d'Irak, dont Ramadi est la capitale.
Des Irakiens sont descendus dans les rues de plusieurs villes du pays pour célébrer ce qui est considéré comme la plus grande victoire des forces armées fédérales depuis que l'EI a conquis de vastes pans du territoire irakien en 2014. Les forces armées avançaient prudemment vers le siège du gouvernement en raison des pièges explosifs laissés par les jihadistes. Les équipes de déminage font face à une tâche titanesque pour désamorcer les milliers de bombes laissées par les combattants de l'EI dans cette grande ville sur les bords du fleuve Euphrate.
Quasiment tous les civils ont quitté le centre de Ramadi dévasté par les combats. Certains ont pu être évacués mais d'autres ont été utilisés comme boucliers humains par les jihadistes pour couvrir leur fuite vers l'est de la ville, selon plusieurs témoignages. Il y a une semaine, les responsables irakiens estimaient que l'EI disposaient encore de 400 combattants à Ramadi. Il était impossible lundi de déterminer combien ont été tués dans les combats et combien ont pu fuir. Du côté des forces irakiennes, les autorités n'ont pas divulgué de bilan des pertes mais des médecins ont indiqué à l'AFP qu'une centaine de soldats blessés ont été hospitalisés à Bagdad pour la seule journée de dimanche.
 
La coalition internationale contre l'EI menée par les Etats-Unis et à laquelle participent notamment la France et la Grande-Bretagne, a félicité les forces irakiennes pour leur victoire à Ramadi. Elle a appuyé leur avancée par des raids aériens - 600 depuis juillet dans cette zone - mais également en leur fournissant armes et entraînements. Le président du Parlement irakien, Salim al-Joubouri, a félicité les forces fédérales pour "cette magnifique victoire contre Daech". "Elle représente une rampe de lancement pour la libération de (la province) de Ninive", a-t-il affirmé. Mossoul, deuxième ville du nord irakien, est le chef-lieu de la province de Ninive. C'est depuis cette cité que le chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, avait proclamé son "califat" s'étendant sur une partie de l'Irak et de la Syrie, il y a un an et demi.
 
Depuis, l'EI a toutefois perdu un certain nombre de places fortes. Il y a une semaine, le ministre irakien de la Défense Khaled al-Obeidi avait affirmé que les forces irakiennes ont reconquis plus de la moitié du territoire perdu face à l'EI en 2014. Les forces irakiennes parfois aidées des paramilitaires chiites ou des combattants kurdes ont notamment repris Tikrit, Baiji, au nord de Bagdad et Sinjar, dans le nord-est du pays.
Il faudra toutefois beaucoup de temps pour que la vie normale reprenne dans la cité. Des habitants ont à peine commencé à revenir dans les quartiers périphériques, reconquis par l'armée il y a plusieurs jours, pour évaluer les dégâts, selon un photographe de l'AFP. D'après l'Organisation internationale des migrations, les habitants de la province d'Al-Anbar représentent un tiers des 3,2 millions d'Irakiens forcés de quitter leur foyer en raison des combats depuis 2014.

Palestine. Israël prévoit de construire plus de 55.000 logements dans des colonies

Palestine. Israël prévoit de construire plus de 55.000 logements dans des colonies

l'Humanité.fr avec AFP
Lundi, 28 Décembre, 2015

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Photo Ahmad Gharabli/AFP
L'ONG anticolonisation La Paix Maintenant dénonce la volonté du gouvernement israéliens de relancer et d'étendre des plans de construction de logements en Cisjordanie occupée, notamment à proximité de Jérusalem dans une zone ultra-sensible du territoire palestinien.
La Paix Maintenant, organisation israélienne anticolonisation, révèle dans un rapport, selon des informations communiquées par le gouvernement, que les autorités israéliennes cherchent à construire plus de 55.000 logements dans des colonies, dont plus de 8.300 dans la zone dite E1 entre Jérusalem et la colonie de Maalé Adoumim, au nord-est de la Ville sainte.
Les Palestiniens accusent Israël d'avoir pour but de couper en deux la Cisjordanie en tentant de créer une continuité territoriale, via les constructions dans la zone E1, entre Jérusalem et Maalé Adoumim, et d'enterrer ainsi de facto la possibilité d'un Etat palestinien. Au total, le ministère israélien du Logement cherche à construire 55.548 nouveaux logements en Cisjordanie, dans des colonies existantes et dans deux nouvelles colonies, selon le rapport de La Paix Maintenant.
"La zone de (la colonie de) Maalé Adoumim et de E1 est l'une des plus sensibles quant il s'agit d'évoquer les chances d'arriver à la solution à deux Etats", palestinien et israélien, écrit La Paix Maintenant dans son rapport. "C'est pour cela, qu'à chaque fois qu'un dirigeant israélien essaye de relancer les plans (de construction) de E1, la communauté internationale les condamne fermement".
"Les plans d'Israël d'étendre son entreprise de colonisation et d'étrangler le peuple palestinien et sa terre conduisent à la fin d'une solution à deux Etats", a estimé Hanane Achraoui, membre de la direction palestinienne, réagissant au rapport. La communauté internationale considère la colonisation israélienne comme illégale et y voit le premier obstacle à la paix. Actuellement, près de 400.000 colons vivent en Cisjordanie, ainsi que 200.000 autres à Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la Ville sainte occupée et annexée par Israël, ce que la communauté internationale condamne.
En 2013, face aux pressions internationales, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait opposé son veto à la construction de 1.200 logements en zone E1 mais La Paix Maintenant révèle que le ministère du Logement a mandaté des architectes pour qu'ils présentent de nouveaux plans. Début décembre, le secrétaire d'Etat américain John Kerry estimait que "la multiplication des colonies qui se poursuit pose de sérieuses questions sur les intentions d'Israël sur le long terme et rend la séparation des Palestiniens plus difficile encore".

La Corse, miroir d’une France gangrenée par le racisme

La Corse, miroir d’une France gangrenée par le racisme

FRÉDÉRIC DURAND, GÉRALD ROSSI, AURÉLIEN SOUCHEYRE ET DOMINIQUE WIDEMANN
Lundi, 28 Décembre, 2015
L'Humanité

Les discours guerriers et les mesures empruntées au FN par l’exécutif, loin d’apaiser le climat social et politique, l’exacerbent. En Corse, violences et amalgames xénophobes se succèdent depuis cinq jours.
Ni conférence de presse, ni visite sur place, c’est par un simple tweet que Manuel Valls a commenté les événements qui bousculent la Corse depuis le 24 au soir : « Après l’agression intolérable de pompiers, profanation inacceptable d’un lieu de prière musulman. Respect de la loi républicaine », sermonne le premier ministre sur les réseaux sociaux. Prompt à dénigrer le prétendu angélisme de tous ceux qui refusent l’escalade sécuritaire, l’exécutif, loin de contenir les dérives antirépublicaines, semble désormais les nourrir. Répétant à l’envi que la France est en état de guerre – « Une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs en oubliant le contexte, notre état de guerre… », assenait encore le locataire de Matignon, dimanche, pour justifier l’inscription dans la Constitution de la déchéance de la nationalité –, il a plus sûrement ouvert les vannes d’un désordre latent que la voie de l’apaisement.
C’est dans ce contexte extrêmement tendu que les agressions de deux pompiers et d’un policier perpétrées par des délinquants, jeudi, dans le quartier des Jardins de l’Empereur, cité pauvre d’Ajaccio (Corsedu- Sud), ont donné prétexte à un déferlement de haine raciste sans précédent dans l’île et dans le pays. Au slogan de « Arabi fora » (les Arabes dehors), des manifestants ont fi ni, vendredi, par saccager une salle de prière musulmane et brûler des exemplaires du Coran. « On sait (…) qu’il y a un certain nombre de groupuscules d’extrême droite qui s’agitent en Corse depuis quelques mois.
Ça nous inquiète parce que c’est une idéologie qui est importée, qui ne devrait pas avoir droit de cité en Corse », a justifi é, hier, le leader indépendantiste et nouveau président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni. « La plupart des gens qui ont sympathisé avec ceux qui ont dévasté le centre de culte sont des gens qui ne votent pas pour le nationalisme, qui ne soutiennent pas les nationalistes, ce sont des gens qui à notre avis votent plutôt Front national », ajoute le responsable politique. La Corse n’est plus à l’abri de la montée du Front national Symbole de cette évolution, le 28 février 1992, alors que Jean-Marie Le Pen se rend en Corse, son avion est empêché d’atterrir à Bastia, il se verra ensuite contraint d’annuler son meeting à Ajaccio. Exactement vingt ans plus tard, la fille du fondateur du FN trouvera pour sa campagne de l’élection présidentielle de 2012 un accueil chaleureux dans l’île et, surtout, obtiendra 24,4 % des suff rages.
Soit un score de 6 points supérieur à celui réalisé sur l’ensemble du territoire français. Même si les 10,5 % du premier tour des dernières élections régionales ont placé le FN insulaire loin derrière les chiff res continentaux, longtemps à l’abri de la montée de l’extrême droite, la Corse est aujourd’hui incontestablement touchée par ce phénomène d’ampleur nationale. Lors des régionales, en 2010 comme en 2004, le FN affi chait encore des scores très modestes, entre 3,7 % et 4,8 %. Dans l’Assemblée de Corse (conseil régional disposant de plus de pouvoirs que les régions métropolitaines), l’extrême droite dispose désormais de 4 sièges, contre zéro auparavant. Et, si lors des départementales d’avril 2015, en Haute-Corse, il n’était pas parvenu à se qualifi er pour le second tour, en Corse-du-Sud en revanche, le parti frontiste avait engrangé 8,3 % dès le premier tour, et totalisera 28,5 % des suff rages au second, dans un duel face à l’UMP.

samedi 26 décembre 2015

Cinq semaines d’état d’urgence, 2 700 perquisitions et… une mise en examen


Cinq semaines d’état d’urgence, 2 700 perquisitions et… une mise en examen

ALEXANDRE FACHE
MARDI, 22 DÉCEMBRE, 2015
BILAN. En un peu plus d’un mois, l’état d’urgence a permis à la police de saisir des armes et de la drogue, mais pas de mettre à jour de nouveaux réseaux djihadistes. Une seule mise en examen pour terrorisme a été prononcée.
Voté très largement dans la foulée des attentats du 13 novembre, l’état d’urgence a-t-il, au-delà même des atteintes aux libertés qu’il contient, été efficace dans la lutte contre le terrorisme ? On peut en douter. Certes, aucune nouvelle attaque n’a été perpétrée sur le territoire national après le déploiement de forces policier, l’interdiction des manifestations, les 2700 perquisitions administratives menées entre le 14 novembre et le 16 décembre, ou encore les 360 assignations à résidence mises en place par le ministère de l’Intérieur. Mais aucune n’a semble-t-il été déjouée grâce à ce branle-bas de combat sécuritaire.
A ce jour, une seule mise en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste a été prononcée à l’encontre d’un ressortissant tchétchène de 27 ans, qui avait été assigné à résidence à Tours. Lors d’une perquisition administrative à son domicile, les policiers avaient notamment mis la main sur une vidéo dans laquelle il faisait allégeance à l’Etat islamique. Pendant sa garde à vue, l’homme a bien reconnu avoir mis en ligne ladite vidéo mais nié toute volonté de mener une action terroriste. Au total, trois enquêtes antiterroristes ont été déclenchées à la suite de ces perquisitions, dont celle concernant ce ressortissant tchétchène, arrivé en France à l’adolescence avec sa famille.
S’ils n’ont pas démantelé de nouveaux réseaux djihadistes, les policiers n’ont toutefois pas perdu leur temps. « 431 armes, dont 41 armes de guerre, ont été saisies en trois semaines, ce qui représente un tiers des saisies d'une année », avançait le 15 décembre Bernard Cazeneuve. 488 procédures judiciaires ont été engagées, dont 167 pour infraction à la législation sur les stupéfiants. « Saisir des armes ou de la drogue, c’est très bien, mais cela a peu avoir avec la lutte antiterroriste », souligne Me Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme. Peu habitués à communiquer, la conférence nationale des procureurs de la République a, elle, tiré la sonnette d’alarme vendredi, évoquant une justice en surchauffe depuis les attentats du 13 novembre. Iles procureurs ont d’ailleurs annoncé vouloir mettre entre parenthèse certaines de leurs activités, comme la prévention de la délinquance ou la participation à la politique de la ville, pour se concentrer sur les actions « présentant un intérêt opérationnel ». Sans réaction pour le moment du côté de la Chancellerie.

Optimisation fiscale : la CGT et Eva Joly montent au créneau


Optimisation fiscale : la CGT et Eva Joly montent au créneau

JEUDI, 24 DÉCEMBRE, 2015
HUMANITÉ DIMANCHE

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Photo : LAHCÈNE HABIB
Pour défendre les salariés victimes de la stratégie d’optimisation fiscale de leur entreprise, les syndicats de McDonald’s France ont choisi Eva Joly pour avocate.
Tout est parti d'un syndicaliste CGT de McDonald's Ouest parisien (900 salariés et 16 restaurants), qui s'étonne que les comptes présentés par la direction soient dans le rouge, alors que les fast-foods ne désemplissent pas. Un prétexte pour ne pas augmenter les salaires et refuser toute participation aux bénéfices. Et pour cause : les bénéfices partent dans une holding défiscalisée située... au Luxembourg, via une redevance imposée aux franchisés. Un pays plutôt généreux avec les impôts des multinationales... Au CE de l'entreprise, les élus CGT et UNSA demandent un audit financier, qui fait apparaître la manipulation et un bénéfice annuel d'environ 20 %. Le 17 décembre, ces élus ont donc décidé de déposer plainte contre leur employeur pour « blanchiment de fraude fiscale » et ont choisi pour avocate Eva Joly, impliquée depuis de nombreuses années dans la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales.
Depuis 2011, le fisc, à Bercy, enquête également sur « McDo » et il est seul habilité à lancer des poursuites pour « fraude fiscale ». Souvent, une transaction négociée arrête les poursuites. Avec cette plainte, les salariés de McDonald's Ouest parisien espèrent une procédure pénale. Même sujet, autre lieu : le gouvernement a fait revoter les députés pour rejeter un amendement dit « reporting » qui, précisément, oblige les multinationales à fournir les données financières de chaque filiale dans chaque pays d'implantation. Un outil indispensable contre l'optimisation fiscale. Une mesure que le gouvernement juge prématurée, en attendant des discussions européennes.

Déchéance de nationalité : Quand le gouvernement s’installe sur le terrain de la droite extrême


Déchéance de nationalité : Quand le gouvernement s’installe sur le terrain de la droite extrême

ADRIEN ROUCHALEOU
JEUDI, 24 DÉCEMBRE, 2015
L'HUMANITÉ

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Jamais un gouvernement socialiste n’avait repris à son son compte une mesure emblématique du Front national.
Photo : Ivan Autet
Contre toute attente, et contre toute l’histoire et les valeurs des républicains de gauche, le gouvernement 
a décidé de permettre la déchéance de nationalité des binationaux nés en France, créant ainsi deux catégories de citoyens aux droits distincts. La droite et l’extrême droite applaudissent, la gauche suffoque.
Nombreux sont ceux qui, à gauche, auront ressenti les annonces du premier ministre hier comme un violent uppercut dans le foie. Ainsi, la possibilité de déchéance de nationalité sera fi nalement élargie dans la Constitution à l’ensemble des Français ayant la (mal)chance de posséder deux nationalités. Quatre millions de Français (et eux seuls) pourraient donc demain faire l’objet d’une sanction spécifi que à leur statut. Le chef de l’État et le gouvernement socialiste en ont décidé ainsi. « L’effi cacité, ici – et tout le monde l’aura compris –, n’est pas l’enjeu premier », a d’emblée expliqué Manuel Valls. « C’est une mesure à caractère hautement symbolique. » Oui, mais de quoi ? Politiquement en tout cas, le symbole est absolument désastreux : non seulement le dernier à avoir voulu inscrire dans la loi une extension de la déchéance de nationalité était Nicolas Sarkozy en 2010, pour les binationaux ayant acquis après leur naissance la nationalité française (provoquant alors une levée de boucliers de toute la gauche, Valls compris – lire page 6) ; mais avant cela personne n’avait osé toucher à la nationalité depuis les drames de la Seconde Guerre mondiale, quand le ministre de la Justice du gouvernement de Vichy, Raphaël Alibert, déclarait que « les étrangers ne doivent pas oublier que la qualité de Français se mérite ». Seul le Front national osait encore s’y attaquer. 
Jusqu’à l’annonce à la sortie du Conseil des ministres hier, tout le monde s’attendait à ce que la déchéance de nationalité soit exclue de la proposition de loi de révision constitutionnelle. À peu près tous s’accordaient à voir dans la demande d’avis transmise par le gouvernement au Conseil d’État, une manœuvre de la part de l’exécutif s’attendant à un avis négatif. Le gouvernement aurait pu continuer de se targuer de « prendre toutes les propositions » d’où qu’elles viennent (comme le chef de l’État l’avait promis au Congrès de Versailles) et faire porter sur la seule institution du Palais-Royal la responsabilité du refus d’inscrire la mesure dans le texte. Ce choix paraissait d’autant plus improbable que la garde des Sceaux, Christiane Taubira, elle-même avait annoncé sur une station de radio algérienne lors d’un déplacement que « le projet de révision constitutionnelle qui sera présenté en Conseil des ministres ne retient pas cette disposition », ajoutant que « pour (sa) part, (elle était) persuadé(e) que c’est une décision qui ne peut avoir d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme ».
C’est un boa constrictor qu’a avalé hier matin la ministre de la Justice. Manuel Valls, avec qui ses désaccords de fond sont anciens et connus, en profite pour enfoncer le clou (en sa présence), l’assignant à la défense inconditionnelle d’un texte auquel elle a affirmé ne pas croire : Christiane Taubira elle-même boit la coupe jusqu’à la lie : « La parole première est celle du président de la République. Elle a été prononcée au Congrès à Versailles. La parole dernière est celle du président de la République, elle a été prononcée ce matin en Conseil des ministres et c’est le point final. »

À gauche le malaise est profond, pour beaucoup, c’est la consternation

La droite, qui se réjouit de l’annonce autant qu’elle est gênée de voir le gouvernement jouer ouvertement sur son terrain, en profite pour demander la tête de la garde des Sceaux, dans un raid de tweets trop coordonné pour ne pas être concerté : « Un énorme désaveu pour Taubira et une humiliation publique », pour Éric Woerth ; « Christiane Taubira qui combat cette mesure doit quitter le gouvernement », selon Éric Ciotti ; « Mais comment peut-elle rester au gouvernement ? » feint de s’interroger Thierry Mariani, quand son collègue Olivier Marleix juge que « La France ne peut pas être “en guerre contre terrorisme” et avoir un ministre de la Justice si peu combatif (usage du masculin compris). »
Les voix des « Républicains » devraient donc finalement se porter en faveur de la révision constitutionnelle, lors du Congrès qui doit se tenir à Versailles en début d’année prochaine. Celles de l’UDI ne devraient pas manquer non plus, son président Jean-Christophe Lagarde ayant déjà fait part de son adhésion à la mesure. Entre sénateurs et députés, et à défaut d’abstentions, ces deux partis représentent déjà 407 parlementaires sur les 555 nécessaires au gouvernement pour obtenir la majorité des trois cinquièmes nécessaires à une révision constitutionnelle. Ce à quoi il faut rajouter les deux sénateurs et trois députés affiliés au Front national.
En effet, à l’extrême droite aussi l’heure est à la célébration : « Le gouvernement préfère Marine à Christiane. Encore une victoire idéologique ! » se réjouit Florian Philippot, quand du côté de Marine Le Pen le sentiment de victoire est encore plus franc : « Déchéance de nationalité : premier effet des 6,8 millions de voix pour le Front national aux élections régionales », écrit-elle sur Twitter.
À gauche, par contre, le malaise est profond. Certes, Valls et Hollande ont reçu les soutiens de leurs habituels inconditionnels en recherche de postes, comme Jean-Vincent Placé, ou éternels suivistes comme le chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux (qui se disait pourtant la veille opposé à la déchéance de nationalité). Mais pour beaucoup, c’est la consternation. « La déchéance de nationalité pose atteinte aux principes d’égalité de tous les Français, ne lutte en rien contre l’endoctrinement et le terrorisme, jette la suspicion sur certains compatriotes et fait en outre porter sur d’autres pays la responsabilité de prendre en charge les “échecs” français », estime, par exemple, le député socialiste Pouria Amirshahi. Pour son collègue communiste Jean-Jacques Candelier, « outre le fait que la menace de déchéance de nationalité ne saurait dissuader un jihadiste fanatique de passer à l’acte, cette mesure issue du corpus idéologique de l’extrême droite est dangereuse car elle divise et hiérarchise les Français. Cet amalgame honteux entre terrorisme et binationalité fait régner un air de suspicion malsain sur certains de nos compatriotes ». De leur côté, les écologistes appellent les parlementaires « à refuser en conscience cette insupportable atteinte aux principes d’égalité et de fraternité ».

Selon plusieurs députés socialistes une « ligne rouge » a été franchie

C’est incontestablement une rupture majeure que vient d’opérer l’exécutif, même si les velléités de se rapprocher d’une partie de la droite et de se couper de la gauche historique sont visibles depuis longtemps. Jamais encore un gouvernement socialiste n’avait repris à son compte une mesure emblématique du Front national. Une « ligne rouge » a été franchie, selon les mots repris par plusieurs députés socialistes. Hélas, il reste peu de monde du bon côté de la ligne.

Sur la pauvreté, Hollande déchoit beaucoup


Sur la pauvreté, Hollande déchoit beaucoup

précarité
LAURENT MOULOUD
JEUDI, 24 DÉCEMBRE, 2015
L'HUMANITÉ
Les statistiques de l’Insee, publiées mercredi, affichent une hausse du taux de pauvreté en 2014. Neuf millions de Français vivent désormais avec moins de 964 euros par mois, sur fond d’accroissement des inégalités.
Cela restera l’un des échecs cuisants de ce quinquennat. Depuis 2012, le gouvernement a largement échoué à faire reculer la pauvreté en France. Les dernières statistiques de l’Insee, publiées hier, sont malheureusement sans surprise : en 2014, 14,2 % des 28 millions de ménages, familles monoparentales en tête, ont vécu sous le seuil de pauvreté (1), fixé à 964 euros par mois. Ce chiffre, en hausse par rapport à l’année dernière, résonne comme un triste bilan pour l’exécutif, dont les mesures engagées depuis trois ans et demi semblent n’avoir eu, pour l’instant, que très peu d’effet.
L’Insee tente d’être moins sévère. L’Institut rappelle que les années 2012 et 2013 ont été marquées par une légère « baisse » de ce taux de pauvreté, après le pic de l’année 2011 (voir infographie). Mais ce recul, comme nous l’avons déjà écrit, est à prendre avec des pincettes et ne saurait être mis au crédit du gouvernement. Au contraire. Il n’a été que la conséquence mécanique de la baisse du niveau de vie médian des Français à partir duquel le seuil de pauvreté est calculé. En clair : des personnes pauvres en 2011 ne l’étaient plus en 2012 alors qu’elles avaient le même revenu…

Une forte progression 
à partir de 2008

Ces derniers chiffres de l’Insee, encore provisoires (l’estimation définitive du taux de pauvreté 2014 sera publiée en septembre 2016), confirment, en tout cas, la tendance lourde de ces dernières années. « La pauvreté a fortement progressé à partir de 2008, avec l’accentuation des difficultés économiques liées à la crise financière », rappelle l’Observatoire des inégalités. Entre 2008 et 2012, quelque 800 000 personnes sont ainsi venues grossir les rangs des ménages pauvres. Qui regroupent aujourd’hui près de 9 millions d’individus.
 Humanité
Lors de la publication, en septembre dernier, de son baromètre annuel, le Secours populaire français (SPF) alertait déjà sur cet « enracinement » de la pauvreté. « La crainte de basculer un jour dans la précarité et de voir ses enfants connaître le même sort touche une part de plus en plus large de la population », soulignait notamment l’association. Révélant, au passage, que les deux tiers des Français (66 %) affirmaient avoir un proche dans la pauvreté et que 87 % estimaient que leurs enfants avaient un risque encore plus grand de connaître un jour cette situation.

Des riches toujours
plus riches

Pour l’Insee, ces mauvais chiffres 2014 s’expliquent, avant tout, par la mauvaise conjoncture économique qui frappe en priorité les personnes les moins qualifiées et les emplois précaires. « La hausse prononcée du chômage entraîne une baisse de l’ensemble des salaires cumulés sur l’année pour ceux qui ont alterné période d’emploi et de chômage ou ceux qui travaillent à temps partiel », note ainsi l’Institut. Conséquence logique et inquiétante : le niveau de vie des 30 % des individus les moins aisés baisse davantage, en 2014, que celui du reste de la population, entraînant un accroissement des inégalités. À l’évidence, les mesures sociales et fiscales prises par le gouvernement en direction des plus modestes, notamment la réduction de l’impôt sur le revenu et la revalorisation de certaines prestations comme l’allocation de rentrée scolaire ou encore du RSA et du minimum vieillesse, sont loin d’avoir suffi à rééquilibrer ce décalage.
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En la matière, la volonté politique manque cruellement, alors même que la question de la répartition des richesses et des niveaux de revenus se pose de manière aiguë. « Les inégalités de salaires ont nettement diminué entre le milieu des années 1960 et le début des années 1980, fait remarquer l’Observatoire des inégalités. Mais si l’on regarde les années récentes et la situation des plus hauts salaires, la situation s’inverse. » Les 1 % des salariés les mieux rémunérés percevaient 5,5 % de la masse salariale en 1996, contre 6,9 % en 2008. Et il en va de même pour les inégalités de patrimoine : entre 2004 et 2010, les 10 % les plus fortunés ont vu leur patrimoine moyen augmenter de 400 000 euros tandis que celui des 10 % les moins riches progressait de… 114 euros !
(1) 60 % du revenu médian.
 
Le Secours populaire fait des merveilles pour Noël. À quelques heures du réveillon, 600 enfants et familles, aidés par le Secours populaire (SPF) d’Île-de-France, sont invités au Théâtre de la Ville de Paris aujourd’hui pour découvrir en avant-première le spectacle Alice et autres merveilles, écrit par Fabrice Melquiot, d’après l’œuvre de Lewis Carroll. Au programme, également, un goûter et une distribution de cadeaux. L’initiative s’inscrit dans la démarche des Pères Noël verts qui offrent une fête à ceux qui sont oubliés par le Père Noël rouge, en leur distribuant cadeaux, colis alimentaires et en organisant pour eux des sorties 
ou des repas.