mercredi 20 janvier 2016

Biodiversité. Protéger la nature, enjeu de civilisation

Biodiversité. Protéger la nature, enjeu de civilisation

Marion d’Allard
Mercredi, 20 Janvier, 2016
L'Humanité
  
85 % de la biodiversité française se trouve dans ses outre-mers, ici le cirque de Cilaos, sur l’île de la Réunion.
Photo : richard Bouhet/AFP
Les sénateurs examinaient, hier, le projet de loi biodiversité, lequel devrait aboutir à la mise en œuvre d’un mécanisme de protection des espèces.
Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité a repris son chemin parlementaire et fait étape, hier, au Sénat. Examiné en séance publique, il fera l’objet d’un vote solennel le 26 janvier prochain avant de repasser devant l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Avec pour objectif de renforcer la protection des espèces et des espaces naturels, ce texte devrait enfin transcrire dans la loi française les dispositions encadrant la gestion et l’exploitation des ressources naturelles prises par la communauté internationale en 2010, lors de la signature du protocole de Nagoya, au Japon.
« Il était plus que temps que la France avance dans ce sens », se réjouit Younous Omarjee, député européen (GUE/NGL) pour les outre-mers de l’océan Indien. « Nous sommes face à la sixième extinction des espèces, sans doute la plus grave », explique l’élu, qui rappelle que « 85 % de la biodiversité française se trouve dans ses outre-mers », particulièrement touchés par l’érosion de cette immense richesse naturelle. « En 1992, à Rio, l’accord comportait deux grands axes : la lutte contre les bouleversements climatiques et la protection de la biodiversité. Force est de constater que si sur la question du climat, les choses ont bougé, celle de la biodiversité est restée en recul et en ce sens le protocole de Nagoya est un élément fondateur de cette bataille », poursuit Younous Omarjee. Même son de cloche du côté des ONG, qui ont signé, lundi, un texte appelant à un « sursaut » face au déclin des espèces, notant en outre que parmi les causes à l’origine de ce déclin figurent en bonne place celles directement liées à l’activité humaine comme la surexploitation des ressources, les pollutions ou la destruction des milieux.

Depuis les années 1980, les cas de biopiraterie se multiplient

Mais pour Younous Omarjee, il s’agit aussi, à travers ce texte de loi, de tenter de « mettre un terme au pillage de certaines ressources par des grandes firmes au détriment des populations locales, qui ne profitent jamais d’aucune retombée ». Une appropriation illégitime, appelée biopiraterie, dont usent et abusent certaines grandes entreprises, industriels de la pharmacie, des cosmétiques ou de l’agriculture, au moyen, le plus souvent, de dépôts de brevets ou de marques sur une espèce, une variété végétale ou une semence régionale. Depuis les années 1980, les cas se multiplient malgré l’entrée en vigueur de la Convention sur la diversité biologique en 1994, qui donne souveraineté aux États sur leurs ressources naturelles, et donc un droit de regard et de sanction en cas de biopiraterie. Reste à construire un cadre législatif national établissant une juste répartition des ressources. Le protocole de Nagoya fera un pas de plus dans cette direction en incitant chaque État à la mise en œuvre d’une législation accès et partage des avantages (APA). La création de ce cadre juridique est l’un des enjeux de la loi française sur la reconquête de la biodiversité.
« Il faut redéfinir notre concept de ressources et comprendre enfin que notre rapport au vivant est un véritable enjeu de civilisation », ajoute Younous Omarjee, pour qui il serait temps, aussi, que « la France mette un peu de cohérence dans ses politiques ». Car, conclut l’élu, « on ne peut pas dans le même temps projeter une grande loi de protection des ressources et se prononcer, par exemple, contre l’interdiction de la pêche en eaux profondes, qui ratisse et détruit le fond des océans ».

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