jeudi 28 juillet 2016

Réchauffement climatique : la Commission européenne met son incompétence en exergue

Réchauffement climatique : la Commission européenne met son incompétence en exergue

gérard le puil
Vendredi, 22 Juillet, 2016
Humanite.fr

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En France, le transport touristique est responsable de 8% des émissions globales de gaz à effet de serre, dont les deux tiers sont générées par l'avion, selon le Réseau action climat (RAC).
En France, le transport touristique est responsable de 8% des émissions globales de gaz à effet de serre, dont les deux tiers sont générées par l'avion, selon le Réseau action climat (RAC).
Photo : AFP
Le 20 juillet, le collège des commissaires a produit pour les Etat membres de l’Union une feuille de route uniquement fondée sur le marché spéculatif du carbone. Elle a décidé de ne pas prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre des transports maritimes et aériens afin de pousser encore plus loin le libre échange dont le développement en soutien  des délocalisations de productions multiplie les pollutions.
Sept mois après l’adoption d’un texte par la Cop 21 à Paris en décembre 2015, la Commission européenne a fait connaître le 20 juillet un projet de feuille de route à la fois incomplet et incongru pour réduire de 30% en moyenne les émissions de gaz à effet de serre (GES) des pays de l’Union dans les secteurs de la construction, de l’agriculture et de la forêt, des déchets, des transports. Ainsi le fret maritime et l’aviation ont été exclus de tout effort dans ce domaine, prétextant qu’il s’agit d’un sujet mondial, mais dans le but de ne pas perturber les échanges commerciaux sur de longues distances dans le cadre de la mondialisation libérale stimulée par les règles de l’OMC et les accords de libre échange que la Commission européenne ne cesse de négocier avec l’accord des Etats membres.
Dans le projet présenté par le commissaire espagnol Miguel Arias Canete, en charge du Climat et de l’Energie - mais très lié aux intérêts pétroliers dans son pays avant de prendre cette fonction-  les émissions de GES des pays membres doivent diminuer de 30% d’ici 2030 en moyenne par rapport à ce qui avait été décidé en 2005 en partant des émission datant de 1990. Le taux d’effort ira de zéro pour la Bulgarie à 40% d’émissions en moins pour la Suède en passant par 38% pour l’Allemagne 37%  pour la France et le Royaume Uni, lequel vient de voter pour la sortir de l’Union et n’aura que faire des objectifs fixés par la Commission européenne. De même, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays Bas, l’Autriche, la Finlande se voient fixer un objectif de réduction de leurs émissions de 35 à 39%, tandis que l’on descend à 33% pour l’Italie, 26% pour l’Espagne, 17% pour le Portugal et 16% pour la Grèce.
Les pays dont l’adhésion à l’Union européenne est la plus récente, se voient attribuer des objectifs beaucoup plus modestes en termes de réduction des GES. Pour la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Roumanie et la Pologne la fourchette de réduction sera comprise entre 2% et 9%. Mais les propositions de la Commission sont entachées d’anomalies et autres bizarreries tandis que la philosophie libérale du projet condamne ce dernier à une totale inefficacité.

Bruxelles occulte le bilan carbone des délocalisations industrielles

Ces objectifs chiffrés concernent des secteurs non couverts par le marché européen du carbone. Comme si ceux qui le sont fonctionnaient de manière efficace et irréprochable depuis leur entrée en vigueur. Parce qu’elles sont déjà soumises au marché du carbone, la production électrique et l’industrie ne sont pas concernées se voient demander une réduction de leurs émissions de 43% d’ici 2030 via le fonctionnement déficient du marché européen du carbone. Or nous savons que, dans l’industrie, beaucoup de patrons européens se sont servis du marché du carbone pour transférer des productions dans des pays à bas coûts de main d’œuvre depuis la mise en place de ce marché. Le bénéfice devait être double pour eux. Le prix de revient final des productions délocalisées dans des pays à bas salaires diminuait, ce qui augmentait parallèlement les marges des entreprises qui délocalisaient. Comme les pays pauvres n’avaient pas à fournir un bilan carbone dans le cadre du protocole de Kyoto, le bilan des délocalisations n’était plus comptabilisé dans le portefeuille de CO2 des entreprises. En revanche on pouvait vendre en Europe des tonnes de carbone non consommées pour se faire encore plus d’argent. Mais, comme il y avait plus de vendeurs que d’acheteurs, le prix du carbone a chuté. On pouvait donc, à partit de là , polluer à moindre coût en Europe grâce à ce marché fondé sur la loi de l’offre et de la demande !
Du fait de ces délocalisations, le bilan carbone final des productions transférées dans des pays lointains à bas coûts de main d’œuvre n’a cessé d’augmenter pour au moins deux raisons. La première tient au fait que l’énergie électrique utilisée dans ces pays est surtout produite dans des centrales au charbon et pas seulement en Chine. La seconde raison est imputable aux longs transports de ces productions délocalisées et réimportées dans des pays comme la France. Cette politique augmente doublement les émissions de GES. Elle va continuer et s’accentuer à travers les nouvelles propositions faites par la Commission puisque cette dernière cherche à mettre en place un marché du carbone pour l’agriculture et la forêt. On fait mine de croire que la marchandisation du carbone permettra de diminuer les émissions sans avoir besoin de recourir, pays par pays comme au niveau de l’Union à des politiques planifiées, tournées vers le long terme. Voilà qui donne une idée de la veulerie et du dogmatisme qui prévalent au collège des commissaires et dans leur armée de technocrates déconnectés du réel.
Cette incompétence du collège des commissaires résulte du fait que l’on y considère bêtement que le marché du carbone avec un prix de la tonne suffisamment dissuasif peut fonctionner comme une baguette magique qui réduira les émissions de GES. Sans voir, par exemple, que les accords de libre échange que l’Europe a négocié où qu’elle continue de discuter avec des pays comme le Maroc, le Canada, les Etats Unis et quelques autres sont des vecteurs du réchauffement climatique pour au moins deux raisons. La première tient à l’allongement des distances de transport entre le lieu de production des marchandises et leur lieu d’utilisation ou de consommation quand elles sont alimentaires. Là, pour le coup, le fait de ne pas prendre en compte le bilan carbone du fret maritime et aérien révèle une malhonnêteté du collège des commissaires que les gouvernements et les parlementaires des pays membres se doivent de dénoncer.
La seconde raison tient au fait que ces importations - surtout de nourriture dans les secteurs où l’Europe est autosuffisante et souvent exportatrice - favorisent des gaspillages énormes faute de rationalité économique en phase avec la lutte contre le réchauffement. Car la concurrence de tous contre tous sur fond de dumping social et environnemental ne permet pas de mettre en place des politiques agricoles à faible bilan carbone. A cela s’ajoute une fuite en avant au sein même de l’Union européenne dans une agriculture  industrielle et énergivore alors qu’il conviendrait de favoriser l’agro-écologie. Hélas ce raisonnement de bon sens n’est pas compréhensible pour un Commissaire  technocrate comme Pierre Moscovici, pas plus qu’il ne l’était pour Pascal Lamy avant lui pour ne prendre que deux exemples chez des Français envoyé à Bruxelles par la France. Alors que chaque année devient plus chaude que la précédente dans l’Union européenne, il est urgent que les gouvernements des pays membres et le Parlement européen discutent et avancent  quelques dispositions porteuses d’une vision à long terme pour les transports, l’agriculture et la forêt et qu’on les mette en place rapidement.

Pour un usage intelligent de la taxe carbone

Dans le domaine des transports, il faudrait qu’une taxe carbone sur les carburants évite de provoquer des distorsions de concurrence entre pays membres et que son produit soit utilisé partout pour promouvoir les transports en commun et à d’autres actions susceptibles de réduire l’usage de la voiture. Dans le bâtiment, il faudrait des constructions à énergie positive, un plus gros usage du bois afin de réduire les volumes de béton énergivores. Il faudrait aussi octroyer aux bailleurs sociaux comme aux propriétaires occupants à revenus modestes des aides tirées de la taxe carbone pour rénover l’habitat afin de réduire la consommation d’énergie fossile qui est souvent du gaz ou du fioul. Il faudrait enfin rapprocher le lieu de travail et le domicile des salariés, ce qui ne se fera pas en transformant les grandes régions européennes et leurs villes principales en pôle de compétitivité concurrents les uns des autres.
Pour l’agriculture , il est urgent de rechercher une autonomie optimale  qui concilie la réduction des labours en favorisant le travail simplifié du sol, le moindre usage des engrais  grâce à la culture des légumineuses pour lesquelles l’Europe est déficitaire alors qu’elle a la possibilité d’être autonome en améliorant le bilan carbone de sa production alimentaire .Quitte à produire moins de blé et de viandes  difficiles à vendre sur les marchés des pays tiers. Cette nouvelle politique agricole  passe par la production de plus de protéines végétales pour la nourriture du bétail comme des humains alors que nous important des millions de tonnes de tourteaux de soja pour nos élevages et des milliers de tonnes de lentilles, de haricots secs et de pois chiches pour nos repas, bien que ces denrées peuvent être produites chez nous. Surtout que ce sont des légumineuses, des plantes écologiques  qui puisent dans l’air les nutriments azotés que l’on apporte aux autres plantes sous forme d’engrais.
L’Europe doit aussi aider ses paysans à faire des plantations de haies et des systèmes d’agroforesterie qui combineront dans les prochaines décennies la production d’herbe et de céréales avec la production de bois d’œuvre et des fruits sur une même parcelle. C’est d’autant plus urgent que les forêts, du fait de leur forte densité de leur plantation, risquent au cours des prochaines décennies de souffrir beaucoup de la sécheresse et d’être ravagées par les incendies en raison du taux de mortalité qui ne cesse de progresser ces dernières années dans les massifs forestiers par manque d’eau. Mais il est vrai que l’on est loin de ces choses là  dans le collège des commissaires européens. Surtout quand on est d’abord intéressé par les week-ends prolongés à Paris ou ailleurs, ainsi que récemment révélé la presse française à propos de Pierre Moscovici.

Cinq nouvelles catastrophiques en trois heures

Durant les trois heures passées à écrire cet article, quatre dépêches de l’Agence France Presse et une cinquième de Reuters sont venues confirmer l’urgence climatique, chacune à sa manière. La première indiquait que 60 baleines venaient d’être découvertes mortes et échouées sur les côtes du sud du Chili tandis que des chercheurs imputaient cette moralité élevée à la prolifération d’algues toxiques due au phénomène climatique El Nino, qui réchauffe la mer.
La seconde information provenait de Côte d’Ivoire où, dans le sud-est du pays, 20000 hectares de plantations de cacao ont été dévastés en quelques jours par des chenilles qui mangent les feuilles, les fleurs et même les jeunes pousses. La sécheresse est le principal facteur explicatif de cette prolifération des chenilles. Selon un responsable du ministère ivoirien de l’Agriculture, « la pluviométrie a beaucoup baissé dans la région depuis deux ans. De janvier à juin 2016, il y a eu seulement 13 jours de pluie contre 28 durant la même période en 2015 ».
La troisième information concernait l’agriculture en Ile-de-France où 30 000 hectares de terres agricoles ont été inondés il y a seulement huit semaines. Un agriculteur de l’Essonne  racontait que ses pois protéagineux sont d’une couleur qui oscille entre le marron et le verdâtre au lieu d’être clairs, que ses blés ont des grains rachitiques, atrophiés par la fusariose, un champignon friand d’humidité. « Ils ne contiennent aucune farine, il n’y a que l’enveloppe du grain. C’est quasiment impossible à utiliser pour la filière meunière », précisait-il.
La quatrième dépêche nous apprenait les récentes pluies qui se sont abattues ces dernières semaines sur des terres agricoles proche de Pékin ont fait au moins 24 morts et 70 disparus, détruisant au passage quelques 7 000 logements ainsi que de nombreuses cultures
La cinquième dépêche, de Reuters, cette fois, nous indiquait que « la Terre devrait connaître en 2016, son année la plus chaude  jamais enregistrée et le taux de dioxyde de carbone le plus élevé dans l’histoire, contribuant au réchauffement climatique » selon l’Organisation météorologique mondiale. Elle confirmait que « le mois de juin a été enregistré comme le 14ème mois consécutif avec des records de chaleur sur terre et sur mer » et que « la température moyenne des six premiers mois de 1016 était supérieure de 1,3°C  à celle de l’ère préindustrielle à la fin du 19ème siècle. Dans ce panel de nouvelles tombées en moins d’une demi -journée chacune des quatre premières est une conséquence catastrophique du réchauffement climatique. La cinquième nous montre que les choses vont empirer de manière accélérée dans les prochaines années.
Surtout si on  décide en haut lieu de croire qu’on peut les éviter en se contentant de mettre en place un marché du carbone à vocation  spéculative.  

Grèce. Fin de partie pour les évadés fiscaux

Grèce. Fin de partie pour les évadés fiscaux

Thomas Lemahieu
Mercredi, 27 Juillet, 2016
L'Humanité

Inimaginable pendant si longtemps, la lutte contre l’« argent noir » bat son plein à Athènes. Elle reste l’une des dernières cartes de Tsipras.
Malgré les vents contraires qui soufflent violemment depuis que le gouvernement Tsipras a dû, sous le chantage des créanciers, avaler un énième mémorandum austéritaire l’été dernier, l’air n’est peut-être plus aussi vicié qu’auparavant en Grèce. Signe des temps, cette perquisition survenue le 4 juillet au domicile de Christos Sclavounis, un ex-dirigeant de la filiale locale d’investissement de la puissante banque suisse UBS. Menant une enquête sur plusieurs dossiers d’évasion fiscale, les policiers ont saisi du matériel informatique et des documents. L’homme visé dans cette procédure n’est pas totalement inconnu à Athènes. En 2013, il avait été nommé par Antonis Samaras, le premier ministre Nouvelle Démocratie (ND, droite), à la tête du Fonds grec de stabilité financière, chargé de renflouer les banques avec l’argent de la dette publique. En mars 2015, deux mois après la victoire triomphale de Syriza, il avait abandonné son poste et, ces dernières semaines, il avait repris du service aux côtés de Kyriakos Mitsotakis, le nouveau patron du parti désormais dans l’opposition, pour élaborer son programme. Aujourd’hui, tout en quittant immédiatement ses responsabilités au sein de la ND, Christos Sclavounis s’insurge contre la « calomnie », rappelant dans les médias grecs qu’aucune poursuite n’est engagée contre lui.

Tout l’argent de la Grèce envolé vers Genève ou Zurich

Révélée par le Financial Times il y a quelques jours, l’affaire n’en demeure pas moins extrêmement symbolique. Toujours prompte à défendre le secteur bancaire, la presse dominante suisse parle d’une « razzia » policière et s’émeut en pointant les « relents politiques » de la perquisition, mais elle omet consciencieusement une partie du tableau… Selon le Financial Times, Bradley Birkenfeld, un ex-employé d’UBS aux États-Unis, a été approché par les autorités fiscales et judiciaires grecques, soucieuses de bien comprendre les mécanismes d’évasion fiscale proposés par la banque suisse. Une rencontre à l’ambassade de Grèce à Washington a été organisée. « Tout le monde sait que les clients ne vont pas en Suisse pour acheter du chocolat, rapporte le lanceur d’alerte au quotidien économique. Pourquoi la Grèce est-elle dans un état désastreux sur le plan économique ? C’est simplement parce que tout l’argent est à Genève et à Zurich ! »
La lutte contre l’évasion fiscale, c’est l’une des cartes que le gouvernement Tsipras a encore dans son jeu. Et il ne se prive pas de l’utiliser, à la différence des dirigeants précédents, qui, du Pasok ou de la Nouvelle Démocratie, rechignaient à s’attaquer à leur clientèle électorale. Depuis la fin de l’année dernière, la justice et les services fiscaux dans la capitale grecque travaillent sur des dossiers transmis, début 2015, par l’administration du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne). Ces documents qui ont été achetés par les autorités allemandes comportent une liste de 10 588 comptes des personnes privées ou d’entreprises grecques disposant de comptes dans les banques suisses. À la fin de l’année dernière, une première perquisition avait déjà eu lieu au siège de l’UBS à Athènes afin d’identifier les détenteurs de près de 200 comptes.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Tsipras, les scènes inédites se multiplient, à partir de la « liste Borjan » – du nom du ministre des Finances du Land allemand qui a livré les informations à la Grèce – ou des inventaires émanant des documents révélés par Hervé Falciani sur les comptes chez HSBC. C’est Leonidas Bobolas, représentant d’une très puissante famille d’oligarques, président d’un empire de la construction et propriétaire de la société d’autoroutes de l’Attique, qui est arrêté « en flagrant délit » d’évasion fiscale au printemps 2015 et qui ne s’en sort qu’en payant sur-le-champ une amende de près de 2 millions d’euros. Ou encore Stavros Papastavrou, membre du cabinet du premier ministre Antonis Samaras, chargé de négocier les conditions du plan de sauvetage de la Grèce avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), titulaire d’un compte secret chez HSBC doté de près de 5 millions d’euros, qui a fini, en février dernier, par verser près de 3 millions d’euros au fisc grec, quelques semaines avant que son nom apparaisse dans les Panama Papers comme responsable de plusieurs sociétés offshore…
Après la perquisition chez Christos Sclavounis, Syriza réclame des comptes à Kyriakos Mitsotakis, qui, très en verve quand il s’agit de se positionner comme recours après Tsipras, perd sa langue sur l’évasion fiscale : « Comme d’habitude, la Nouvelle Démocratie va répondre par le silence… Pendant des décennies, une caste de très riches intouchables a pu pratiquer à grande échelle le blanchiment et l’évasion fiscale. Contre l’intérêt public, Antonis Samaras avait refusé, quand il était premier ministre, les informations proposées par les Allemands. Mais l’ère du clientélisme et de la corruption est finie. »

Assurance chômage, les règles d’indemnisation à effet du 1er août

Assurance chômage, les règles d’indemnisation à effet du 1er août

Daniel Roucous
Mercredi, 27 Juillet, 2016

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AFP/Philippe Huguen
Pas de nouvelles règles d’indemnisation du chômage faute d’accord, sauf pour les intermittents du spectacle.
A effet du 1er août, c’est toujours la convention « chômage » du 14 mai 2014 qui s’applique. Elle sera renégociée en septembre faute d’accord le 30 juin. L’indemnisation des demandeurs d’emploi se passe donc ainsi :
- pas d’indemnisation pour celles et ceux qui ont travaillé moins de 4 mois ou 122 jours  ou 610 heures (quel que soit leur âge) au cours des 28 mois qui précèdent la rupture du contrat de travail. Possibilité de percevoir le RSA + une prime transitoire de solidarité pour les + de 60 ans ;
- 4 mois ou 122 jours ou 610 heures à 2 ans d’indemnisation pour celles et ceux qui ont travaillé de 4 mois à 2 ans (pour les moins de 50 ans) au cours des 28 mois précédant la rupture du contrat de travail ou 4 mois à 3 ans pour ceux âgés de 50 à 62 ans au cours des 36 mois précédant la rupture du contrat de travail ;
- 2 ans maximum d’indemnisation pour celles et ceux âgés de moins de 50 ans qui ont une durée d’emploi de plus de 2 ans,
- 3 ans maximum d’indemnisation pour celles et ceux âgés de 50 à 62 ans qui ont une durée d’emploi de plus de 3 ans.
La durée de versement de l’ARE est fixée à 182 jours au maximum en cas de chômage partiel.
Pour celles et ceux âgés de plus de 62 ans (âge légal de départ à la retraite) qui perçoivent l’ARE depuis au moins 1 an, sa durée de versement est prolongée jusqu’à la retraite à taux plein ou jusqu’à l’âge limite d’activité qui est de 67 ans, à deux conditions :
- avoir cotisé au moins 12 ans à l’assurance chômage dont une année continue ou 2 ans discontinus au cours des 5 ans précédant la fin du contrat de travail,
- et justifier de 100 trimestres au moins de cotisations à l’assurance vieillesse.  

 

Les intermittents du spectacle

De deux choses l’une :
- la fin de leur contrat est antérieure au 1er août 2016, les règles d’indemnisations sont celles de la précédente convention chômage,
- la fin de leur contrat intervient après le 1er août 2016, ils doivent justifier de 507 heures d’affiliation à l’assurance chômage au cours des 304 heures qui précèdent la fin de leur contrat. Dans ce cas ils sont indemnisés pendant 243 jours au plus.
En savoir +

Les montants de l’assurance chômage

Ils n’ont pas été revalorisés le 1er juillet 2016, ce sont donc ceux en vigueur depuis le 1er janvier :
- montant journalier de l’ARE (allocation de retour à l’emploi) = 11,76 euros + 40,4% du (salaire journalier de référence). Le total ne peut être inférieur à 28,67 euros ni supérieur à 75% du SJR,
- montant de l’AREF (allocation de retour à l’emploi formation) = 20,54 euros par jour.

INFOS +

- Décret relatif au régime de l’assurance chômage du 16 juillet 2016
- Convention UNEDIC 2014
- Règlement général annexé à la convention
- Nos articles concernant  les demandeurs d’emploi sur

BDS. Opération boycott au Leclerc de Plérin

BDS. Opération boycott au Leclerc de Plérin

Olivier Morin
Mercredi, 27 Juillet, 2016
Humanite.fr

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photo : Gwenn Herbin
Pour dénoncer le commerce de produits alimentaires issues des territoires occupés palestiniens, le Mouvement jeunes communistes de France ont opéré une opération de sensibilisation dans un magasin Leclerc des Côtes d'Armor.
Devant le magasin E.Leclerc de Plérin, ils sont près de 60 jeunes communistes, tracts et pétitions en mains, à la rencontre des consommateurs : « Les jus d'orange de la marque Jafaden sont fabriqués à partir de fruits cultivés sur des territoires palestiniens occupés par Israël », explique Mehdi Belmecheri-Rozental, coordinateur des relations international au MJCF (Mouvement jeunes communistes de France). « Ce sont les moins chers car ils sont étiquetés comme « marque-repère » et les classes populaires sont contraintes de se rabattre sur ces produits là ». Malgré quelques refus de prendre les tracts, l'accueil est majoritairement encourageant. Une femme âgée prend le tract et confie : « si seulement la France pouvait permettre de ne plus acheter ces produits ».
De fait, le MJCF est partie du constat que les négociations pour la paix en Palestine sont bouchées et lors de son congrès en 2014, le mouvement prend l'engagement de devenir membre observateur de BDS (Boycott désinvestissement sanction). « Un engagement que nous avons réaffirmé lors de l'Assemblée nationale des animateurs de 2016 », rappelle Camille Lainé, secrétaire générale du MJCF, présente également sur l'action. Elle ajoute : « nous avons aussi déjà manifesté devant des magasins de téléphonie de la compagnie Orange qui investit en Israël ».
Menée avec l'appui de l'AFPS (Association France Palestine solidarité), « l'action a aussi pour but d'en déclencher d'autres », remarque Camille Lainé. Helwann, un des militants, porte beaucoup d'espoir dans cette action pour « conscientiser des gens qui n'ont pas forcément l'habitude de ce genre d'action ». Emilie, 32 ans, a stoppé son caddie pour signer la pétition. « Ça veut aussi dire qu'il faut développer l'étiquetage des produits et privilégier la consommation locale ». Satisfait de l'accueil réservé par les consommateurs, Mehdi Belmecheri-Rozental explique que « le boycott fonctionne, comme en témoigne la réunion qui s'est tenue sur le sujet à la Knesset en Israël en 2015 qui le qualifie de "menace stratégique" ». Pour la solidarité avec le peuple palestinien, une vraie raison pour continuer à « agir ici et maintenant ».

Le contraste

Le contraste

Par Jean-Emmanuel Ducoin
Jeudi, 28 Juillet, 2016
L'Humanité

L'éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin : "l’attitude du maire de Saint-Étienne-du-Rouvray, Hubert Wulfranc, nous a impressionnés par son émotion simple et tremblante, sans jamais se départir du sens de notre humanité, mais également par ses mots qui résument tout et résonneront longtemps en nous : « Soyons les derniers à pleurer, à être debout contre la barbarie, dans le respect de tous. » "
Le temps est maintenant venu d’affirmer les choses clairement, avec le mépris qui sied aux circonstances. Ceux qui continuent de surfer sur les drames, sur les peurs, sur la surenchère, sur les pires pulsions réactionnaires qui tentent d’atomiser toute idée d’intelligence intime et collective, sont indignes de la France. Oui, indignes de cette France dont ils n’ont que le nom à la bouche, la main sur le cœur, et dont ils trahissent l’esprit à chacune de leurs sorties médiatiques, quand s’exprime le vice appuyé sur le bras de la haine. Nous n’avons pas de mots assez durs pour qualifier les postures mortifères des Sarkozy et consorts, des Le Pen et de la fachosphère, et même de certains pseudo-journalistes, qui en oublient le sens premier de leurs responsabilités impérieuses par temps de crises successives. Tous ces braves gens agissent comme s’ils se tenaient à l’affût depuis toujours. Mais que proposent-ils, sinon une rupture bonapartiste ou pétainiste avec notre corpus républicain ? Leur modèle de société ressemble aux pompes funèbres. Ils sont des receleurs de la mort au profit de leurs succursales idéologiques.
Quel contraste éloquent, n’est-ce pas, avec l’attitude du maire de Saint-Étienne-du-Rouvray, Hubert Wulfranc, qui nous a impressionnés par son émotion simple et tremblante, sans jamais se départir du sens de notre humanité, mais également par ses mots qui résument tout et résonneront longtemps en nous : « Soyons les derniers à pleurer, à être debout contre la barbarie, dans le respect de tous. » Et puis il y a les autres, la masse des citoyens, desquels nous nous sentons si proches, eux qui refusent de céder à la peur et aux pièges tendus par les terroristes et leurs cliques d’idiots utiles constitués à droite et à son extrême. En son for intérieur, notre société – pourtant très abîmée – refuse la théorie morbide dite de la « guerre de civilisations ». Vaincre le terrorisme et vivre en sécurité ne réclame pas des coups de menton, des claquements de talons sécuritaires et des discours guerriers, mais plus de République, donc plus de droits, plus de justice, plus de démocratie, plus de culture et surtout plus d’égalité, notamment pour que les héritiers de l’immigration se sentent des citoyens à part entière.

Alain Mergier : « Les Français sont tiraillés par un dilemme, entre droit et sécurité »

Entretien réalisé par Alexandre Fache
Jeudi, 28 Juillet, 2016
L'Humanité

Sociologue rattaché à la Fondation Jean-Jaurès, Alain Mergier décrypte les réactions de l’opinion à la vague d’attentats qui touche la France depuis 2015. Lucide sur les polémiques politiques, il s’interroge sur la capacité de notre État de droit à endiguer le fléau terroriste.
Co-auteur avec Jérome Fourquet de "Janvier 2015, le catalyseur" et de "2015, année terroriste", Alain Mergier analyse au long cours les évolutions de l'opinion après les attentats terroristes en France.
Après l'attaque de Nice, celle menée mardi à Saint-Etienne-du-Rouvray marque-t-elle un tournant ?
Alain Mergier. L’attentat de Nice a eu un impact très fort dans l’opinion ; avec celui mené à Saint-Etienne-du-Rouvray, nous avons peut-être franchi un nouveau cap, même si les événements sont encore très récents, et très mouvants. Deux points retiennent l’attention : la nature de la cible - une église, un prêtre, pendant son office -, qui donne évidemment à ce geste meurtrier un sens particulier ; et le profil judiciaire de l’assaillant identifié, qui a commis son geste alors qu’il était placé sous bracelet électronique, dans l'attente de son procès. Après Nice, la grande majorité (80%) des personnes que nous avons interrogées condamnaient la polémique politique qui avait suivi, fustigeant les tentatives de récupération. Pour beaucoup, il fallait avant tout "faire bloc", "resserrer les rangs", selon l'expression utilisée par Manuel Valls lui-même. En même temps, un questionnement commençait à apparaître: si vraiment "on est au maximum de ce que l'on peut faire", comme le dit l'exécutif, et que les attentats se poursuivent, ne faut-il pas aller au-delà? L'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray a renforcé cette interrogation et nourri les contradictions qui traversent beaucoup d'entre nous. De nombreux Français, environ deux tiers selon nos études, connaissent aujourd'hui une sorte de dilemme intérieur, de dilemme éthique: "je ne veux pas en rabattre sur les libertés et l'état de droit -ce serait une victoire des terroristes-, mais en même temps, ce droit est-il encore en mesure d'assurer la sécurité de chacun?" Ce questionnement nourrit le malaise général de notre société.
L'opinion sait pourtant qu' "il n'y a pas de risque zéro". Est-elle aujourd'hui moins encline à l'accepter?
Alain Mergier. L'opinion sait en effet qu'on ne pourra pas empêcher tous les attentats. Elle se dit en revanche que, si on peut en empêcher un maximum, il faut le faire. Or, en clamant jour après jour "nous sommes en guerre", les pouvoirs publics accompagnent l'idée qu'il faudra modifier notre état de droit, au moins temporairement, pour y parvenir. Au fond, l'idée qu'il n'y a pas de risque zéro, qui hier était opposée à toute transgression du droit, vient aujourd'hui la justifier.
Les déchirements de la classe politique après Nice ont largement indigné la population. Peut-il en être de même après Saint-Etienne-du-Rouvray, où de premiers témoignages d'habitants semblaient aller dans ce sens ?
Alain Mergier. Les Français décryptent beaucoup mieux la communication politique qu'on ne le croit. Ils savent que la polémique en place est d'ordre politicien. Mais là où ça se complique, c'est que les termes de cette polémique recoupent des débats, des interrogations que les gens se posent. D'un côté, il y a l'image de la polémique; de l'autre, la conviction qu'un débat est nécessaire. Et pour le moment, les deux ne se rejoignent pas.
L'objectif de Daech de "frapper partout et tout le temps" semble en passe d'être atteint avec ces attentats à répétition, en France ou en Allemagne. Quel impact cela peut-il avoir? Va-t-on vers un climat de peur permanente ?
Alain Mergier. Le 13 novembre avait déjà nourri l'idée que chacun pouvait être frappé, à n'importe quel moment. Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray ont fortement renforcé ce sentiment. Jusqu'à cet été 2016, il y avait grosso modo deux types d'attentats: d'un côté, des attaques très préparées, à la logistique lourde, nécessitant des réseaux très développés, et faisant beaucoup de victimes; et de l'autre, des attaques artisanales, menées par ce qu'on a appelé un peu improprement des 'loups solitaires', sans grande préparation, et qui faisaient peu de victimes. L'attentat de Nice a fait la jonction entre ces deux modèles: une attaque très difficile à détecter, mais qui fait énormément de morts. Ce qui augmente nettement le sentiment d'insécurité générale. Saint-Etienne-du-Rouvray y ajoute une dimension symbolique forte: tuer un prêtre dans son église, pendant la messe, qu'on soit religieux ou pas, cela porte. Car ces églises, ces clochers font partie intégrante de l'histoire de la France. Ce n'est pas un hasard, par exemple, si l'un d'entre eux figurait sur l'affiche de campagne de François Mitterrand en 1981, derrière le slogan "La force tranquille".
Le besoin de collectif que vous aviez observé après janvier et novembre 2015 est-il toujours présent ?
Alain Mergier. Oui, mais il est un peu sur la sellette. Il y a bien une volonté de resserrer les liens et, par exemple, de réprouver tout acte de violence qui viserait la communauté musulmane. Mais il y a aussi une attente plus forte vis-à-vis de l'Etat, qui dispose du monopole de la violence légitime. Et si cette attente est déçue, si cette confiance se fissure, alors la compréhension vis-à-vis d'éventuels actes de vengeance sera plus importante. On n'en est pas là pour le moment. Mais c'est un risque.
Les médias s'interrogent aussi sur leur rôle et la "tribune" qu'ils peuvent offrir malgré eux aux terroristes de Daech. C'est légitime ?
Alain Mergier. Oui, car Daech est aussi dans une guerre de l'image. Bien sûr, nous avons tous besoin d'une information précise, vérifiée, décryptée. Mais que les médias s'interrogent sur la façon dont, à un moment donné, ils peuvent 'jouer le jeu' des terroristes est une démarche saine. Cela passe par le fait de ne pas tout montrer, mais aussi par le choix des mots. Comme sémiologue, j'ai été très frappé par la phrase: "un prêtre égorgé dans son église". C'est semble-t-il ce qui s'est passé à Saint-Etienne-du-Rouvray, mais le choix du mot "égorgé", extrêmement puissant, a un impact terrible, beaucoup plus fort que "tué" ou "assassiné". Ce choix-là est-il légitime? Ne cède-t-on pas là à une forme de sensationnalisme? Il faut en tout cas y réfléchir.
Quels défis posent les profils très différents de ces jeunes qui décident de tuer au nom de l'Etat islamique ?
Alain Mergier. La multiplicité des profils rend plus difficile la compréhension du phénomène de radicalisation et de basculement vers le terrorisme. On peine à capter une logique qui serait à l'œuvre et c'est très perturbant. Et quand apparaissent certains éléments récurrents, comme par exemple la fragilité psychiatrique de beaucoup de ces jeunes, ils ne sont pas de nature à rassurer. Le fait que des fous (pour utiliser un vocabulaire simpliste) peuvent trouver dans l'idéologie de Daech un marchepied vers le passage à l'acte, ne l'est pas. Autre constante depuis le 13 novembre, plus inquiétante encore: ces gens sont là pour mourir. "Nous aimons la mort plus que vous n'aimez la vie", répètent les djihadistes en boucle. Face à cela, on ne combat pas à armes égales.
Face à ces défis, la droite dit aujourd'hui: "enfermement massif". L'opinion penche-t-elle aussi dans ce sens ?
Alain Mergier. Les Français savent bien que la prison ne peut pas être la seule réponse, et qu'elle est même souvent un lieu de radicalisation, au même titre qu'internet ou les mosquées extrémistes. Ils n'en font donc pas la panacée.
Plus largement, au plan politique, quel impact peuvent avoir ces attentats sur la campagne présidentielle de 2017 ?
Alain Mergier. Après l'attaque de Nice, nous avons observé que ces événements ne profitaient ni à l'exécutif en place, ni au parti Les Républicains. Quant à Marine Le Pen, elle captait un peu le mécontentement, mais pas massivement. En réalité, comme après les attentats de janvier 2015, l'effet est plus qualitatif que quantitatif: le Front national conforte son positionnement; ceux qui était tenté par ce vote de manière un peu indécise sont aujourd'hui beaucoup plus convaincus. Le FN apparaît comme une solution pratique pour sortir du dilemme que j'évoquais plus tôt. Mais tout cela peut encore changer radicalement d'ici 2017.

mardi 26 juillet 2016

Loi travail : des recours en série se préparent

Loi travail : des recours en série se préparent

Lionel Venturini
Lundi, 25 Juillet, 2016
L'Humanité

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Denis ALLARD/REA
Le Conseil constitutionnel est saisi à gauche comme à droite contre la loi adoptée sans vote jeudi dernier. Les députés qui ont échoué à déposer une motion de censure se tournent vers les citoyens.
Loi travail, déjà le retour : le Conseil constitutionnel est saisi de deux recours de parlementaires, dans la foulée de son adoption sans vote au Parlement la semaine dernière. La première, portée par la droite, pointe deux articles mineurs consacrés aux locaux syndicaux (article 27 du texte adopté) et au dialogue social dans les entreprises franchisées (article 64). Dans un courrier adressé aux sages et transmis à l’AFP, des députés « Les Républicains » et UDI indiquent qu’en application « du second alinéa de l’article 61 de la Constitution », ils défèrent au Conseil l’ensemble de la loi relative au travail, jugeant qu’elle « porte atteinte à plusieurs principes et libertés constitutionnels », en d’autres mots insuffisamment libérale. Plus prosaïquement, « Les Républicains » n’entendent pas laisser de répit au gouvernement.
À gauche, c’est dans un mémoire de sept pages que l’on conteste le déroulement même de la procédure adoptée par le gouvernement pour valider coûte que coûte le projet. Ce mémoire, que publie le député désormais non inscrit Pouria Amirshahi et une quarantaine de parlementaires issus des frondeurs PS, des élus du Front de gauche et des écologistes, pointe le « non-respect du débat parlementaire ». « La démocratie sociale (prévue par la loi Larcher de 2007) n’a pas été respectée dans l’élaboration de la loi », argumentent les signataires, jugeant que « les prérogatives du Parlement ont été bafouées ».

« Ouvrir les fenêtres et les portes de l’Assemblée »

Il n’y a pas eu, du fait du choix du gouvernement de recourir très tôt dans le débat au 49-3, « de délai raisonnable pour étudier le projet de loi ». L’usage répété même de cet article qui consacre le pouvoir du gouvernement sur les législateurs « dévoie l’usage historique et les objectifs qui ont fondé la mise en place de cet article ». Enfin, si le 49-3 a été mis en œuvre à trois reprises, le Conseil des ministres « n’en a, lui, délibéré qu’une seule fois », alors que la rédaction même du texte évoluait, et aurait justifié un nouveau feu vert formel du Conseil des ministres.
Avec les autres recours déposés, le seuil nécessaire des 60 parlementaires est franchi, quoique ce point juridique de jonction des saisines devrait être tranché aujourd’hui par le Conseil constitutionnel.
Face au nouvel échec du dépôt d’une motion de censure par les députés, les opposants à la loi travail font par ailleurs revenir celle-ci par le biais d’un soutien à la « motion de censure citoyenne » initiée dans le sillage du mouvement Nuit debout (motiondecensure.fr) avec 150 personnalités, et qui recueillait hier plus de 540 000 signatures, « soit 937 fois l’Assemblée nationale », proclament les initiateurs. 28 députés (1) « déplorant cette impasse » d’une motion de censure appellent désormais à porter cette motion dite « citoyenne ». « Pour une fois que l’on peut ouvrir les fenêtres et les portes de l’Assemblée, on n’allait pas se priver », se félicite le communiste André Chassaigne. La lutte contre le texte n’est pas éteinte encore, il reste aux syndicats, outre le retour de la mobilisation à compter du 15 septembre, le recours ultérieur aux questions préalables de constitutionnalité.
(1) Laurence Abeille, Pouria Amirshahi, François Asensi, Isabelle Attard, Danielle Auroi, Alain Bocquet, Marie-George Buffet, Jean-Jacques Candelier, Fanélie Carrey-Conte, Patrice Carvalho, Gaby Charroux, André Chassaigne, Sergio Coronado, Cécile Duflot, Jacqueline Fraysse, Édith Gueugneau, Christian Hutin, Jean Lassalle, Jean-Luc Laurent, Christophe Léonard, Noël Mamère, Philippe Noguès, Christian Paul, Barbara Romagnan, Jean-Louis Roumegas, Nicolas Sansu, Éva Sas, Paola Zanetti.

Par centaines de milliers pour la démocratie et la laïcité

Par centaines de milliers pour la démocratie et la laïcité

Pierre Barbancey
Lundi, 25 Juillet, 2016
L'Humanité

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REUTERS
Une manifestation énorme s’est tenue hier, place Taksim à Istanbul, à l’appel du premier parti d’opposition, le Parti républicain du peuple, pour refuser toute dictature et dire « non au coup d’État de la junte et non au coup d’État du palais ».
Dix jours après une tentative de coup d’État perpétré par des militaires de haut rang, le président turc, Recep Erdogan, essaie toujours de stabiliser son pouvoir, fortement ébranlé. Des milliers de magistrats, de fonctionnaires et d’universitaires accusés d’être liés à la confrérie de Fethullah Gülen, pourtant principal allié d’Erdogan pendant des années, ont été arrêtés ou exclus. L’état d’urgence a été décrété. Jusqu’à hier, les partisans du président et les membres de son Parti pour la justice et le développement (AKP) occupaient les principales places du pays. Ce dimanche, tout a changé. Forcé de donner des gages, celui qui, il y a encore deux semaines, était considéré comme l’homme fort de la Turquie a été contraint d’autoriser des rassemblements de l’opposition. Samedi, le Parti démocratique des peuples (HDP), qui défend notamment la cause kurde, a réuni des milliers de personnes dans la banlieue d’Istanbul. Dimanche, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), deuxième parti le plus important du pays, a rassemblé des dizaines de milliers de Turcs sur la place Taksim, pour dire « Ni dictature, ni coup d’État. Turquie démocratique ». La gauche relève la tête et l’idée de la formation d’un front démocratique regroupant le HDP, le CHP, les écologistes, des syndicats et des associations fait son chemin pour une alternative au régime de l’AKP.
Casquette bien vissée sur la tête, la moustache fournie comme il faut, Hassan, qui travaille dans une station-service de la banlieue d’Istanbul, est venu ce dimanche sur la place Taksim avec ses enfants. Une place déjà noire de monde malgré la chaleur. Mais qu’importe pour ces centaines de milliers de personnes. Il fallait répondre à l’appel du Parti républicain du peuple (CHP), la formation sociale-démocrate, la plus importante de l’opposition à l’Assemblée. Un acte politique fort puisque, depuis le coup d’État avorté du 15 juillet, seul le parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP), a pu mobiliser ses partisans. Cette fois, et même si l’AKP a annoncé sa participation (ce qu’il était impossible de constater), les portraits d’Erdogan ont été remplacés par la figure historique de Mustafa Kemal Atatürk, le père de la République, dont l’image flotte fièrement sur cette place symbolique : en 2013, c’est là qu’avait éclaté la révolte populaire embrasant tout le pays mais soumise à une dure répression. Depuis, même pour le 1er Mai, aucune manifestation n’avait été autorisée sur ce lieu. « Je suis là pour la démocratie, pour qu’elle soit debout, dit gravement notre pompiste. Nous devons nous approprier la démocratie, c’est un devoir civique. Pour l’avenir de nos enfants, pour l’avenir de la République. Pour dire non à tout coup d’État, qu’il soit civil ou militaire. »
Ce dimanche, sur cette place Taksim, l’atmosphère était bien différente de la veille. Pas de « Allah Akbar » (Dieu est grand), pas de chants religieux. Au contraire. C’est l’hymne à la vie, à la lutte, à la dignité. Les banderoles donnaient le ton. « Ni dictature, ni coup d’État. Turquie démocratique », pouvait-on lire. « Jeunesse debout contre le coup d’État et la dictature », était-il affirmé plus loin. Il fallait entendre Bella Ciao repris par ces dizaines de milliers de personnes. Des jeunes et des vieux. Des filles portant le voile et d’autres arborant des piercings. Des moustachus et des imberbes. Des grosses dames et des tailles mannequins. Et puis aussi, en turc, Liberté, de Paul Éluard, mis en musique par Livaneli, un compositeur d’Istanbul ami de Mikis Theodorakis. Ils sont arrivés par grappes, des différents quartiers d’Istanbul mais aussi de plus loin. Un flot continu. Impressionnant et solennel, acceptant les fouilles à l’entrée et appréciant la réelle mais, pour une fois, discrète présence de la police.

« Nous voulons vivre ensemble, dans toutes nos diversités »

Comme ce cortège syndical à la tête duquel se trouvait Hasan Kütük, secrétaire général de la Confédération des syndicats de la fonction publique, venu d’Ankara. « Nous sommes là en tant que citoyen, en tant que responsable syndical », a-t-il indiqué à l’Humanité. Depuis quinze ans nous vivons une situation qui ne cesse de se dégrader au niveau de la démocratie et de l’État de droit. Nous sommes là pour la démocratie, l’indépendance et la liberté, parce que nous sommes contre toute forme de coup d’État ou de putsch. » À l’évidence, c’était le rendez-vous de la démocratie, pas du soutien à Erdogan. « Nous devons prendre en main notre Turquie laïque et démocratique », exhortait Shirin Yalinçakoglu, militante du CHP, émue par ce qui était en train de se passer, de cette fraternité évidente. De quoi la rassurer un peu, elle qui disait : « On est inquiet. On n’est pas sûr de pouvoir vraiment surmonter la situation. C’est ce souci qui nous pousse à manifester. »
Émue aussi, cette foule dressée, observant une minute de silence en mémoire de tous ceux tués lors du coup d’État avorté, alors qu’une trompette lançait la sonnerie aux morts de Tant qu’il y aura des hommes. Puis l’hymne national. C’est un moment historique. Le président du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, qui prend alors la parole, s’en rend-il compte ? Certainement. La révolution des Jeunes-Turcs, en 1908, n’a-t-elle pas eu lieu au mois de juillet ? « La tentative de coup d’État était fondamentalement un coup porté contre le Parlement, contre la démocratie et contre les partis politiques. Contre tout système démocratique, a-t-il lancé, en évitant soigneusement de personnaliser ses attaques. L’échec a montré aussi combien il était nécessaire d’avoir des fonctionnaires choisis pour leurs compétences et non pas pour leur proximité avec le pouvoir. » Fortement applaudi, il a souligné : « Nous voulons vivre ensemble, dans toutes nos diversités. Nous condamnons tous les soutiens extérieurs et intérieurs de cette tentative de coup d’État. (…) La Turquie mérite une véritable démocratie, pas une démocratie de seconde zone qu’on lui impose. L’important c’est un État de droit, démocratique, social et laïc. C’est irréfutable. » Son discours était une sorte de feuille de route du CHP pour la reconstruction de l’État en ce sens.

« L’attente de la société, ce n’est pas la peine de mort, mais la paix »

La veille, c’est le Parti démocratique des peuples (HDP) qui a brisé le monopole de l’AKP dans les rues d’Istanbul. Le rassemblement organisé à Gazi, dans la banlieue, a été particulièrement réussi. Et si les blindés de la gendarmerie ont tenté d’investir le parc sous prétexte de protection, la foule les a vite renvoyés, ayant une autre appréciation de ce qu’est une véritable protection. « À Cizre, à Sur, quand nous nous sommes dressés devant ces chars, ces généraux étaient des héros et nous, nous étions des traîtres », lançait d’ailleurs Selahattin Demirtas, le coprésident du HDP, allusion à la répression massive et sanglante qui frappe les Kurdes depuis un an. Il faisait également remarquer à l’adresse d’Erdogan et du pouvoir central : « Les auteurs du coup d’État, vous les avez fait grandir dans vos mains pendant quatorze ans. » Avant de lancer : « L’attente de la société ce n’est pas la peine de mort mais la paix et la négociation. » Des portraits du leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, étaient alors brandis par des manifestants. Un leader kurde dont on n’a plus de nouvelles depuis avril 2015, même sa famille et ses avocats, n’ayant pas l’autorisation de lui rendre visite. « L’état d’urgence est un produit de la mentalité putschiste, a asséné Demirtas. Si les putschistes avaient réussi leur coup, ils auraient décrété l’état d’urgence, torturé, suspendu la convention européenne des droits de l’homme. Et vous faites pareil ».

Un espoir est en train de naître en Turquie

À l’évidence, rien ne sera plus comme avant en Turquie. Recep Erdogan sort affaibli de cette crise et sa tentative pour reprendre la main risque fort de rater. Parce qu’en dénonçant comme responsable du coup d’État la confrérie de Fetthullah Gülen, il rappelle que c’est en s’alliant avec elle qu’il a accédé au pouvoir. Que le loup n’était pas entré par effraction dans la bergerie mais avec le consentement, si ce n’est plus, du berger. Alors que les purges continuent, il est évidemment à craindre qu’elles ne soient utilisées contre toute forme d’opposition au pouvoir personnel – et qu’il entend renforcer – d’Erdogan. Mais, affaibli, il l’est. Pour la première fois il reçoit, aujourd’hui, des partis d’opposition (le CHP et le MHP d’extrême droite, mais pas le HDP).
C’est ce qu’ont bien compris ces centaines de milliers de personnes, réunies samedi et dimanche pour dire « non au coup d’État de la junte et non au coup d’État du palais ». Un espoir est en train de naître en Turquie. L’espoir de la construction d’une alternative laïque, démocratique où les progressistes prendront toute leur place. C’est bien ce qui est en jeu avec cette idée qui fait son chemin de la formation d’un front démocratique, marqué à gauche. Où pourraient se retrouver le CHP (mais pour l’instant, seule son aile gauche y aspire), le HDP, les petites formations de gauche, des ONG, des associations de femmes, de défense des droits de l’homme. Un nouveau combat commence. Qu’il ait pris forme sur la place Taksim ne doit sans doute rien au hasard.

Turquie. Les journalistes en état d’arrestation

Turquie. Les journalistes en état d’arrestation

Pierre Barbancey
Mardi, 26 Juillet, 2016
L'Humanité

Istanbul, envoyé spécial. Quarante-deux journalistes sont sous le coup d’un mandat d’arrêt pour soutien présumé au coup d’État avorté. Les attaques contre les journalistes et les médias ont commencé il y a plusieurs mois déjà.
Des mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre de 42 journalistes dans le cadre des purges tous azimuts lancées après le putsch du 15 juillet. Cinq d’entre eux auraient déjà été interpellés. Le président Recep Tayyip Erdogan avait prévenu, samedi, dans un entretien à France 24, que, « si les médias soutiennent le coup d’État, qu’il s’agisse de médias audiovisuels ou autres, ils en paieront le prix ». Le 19 juillet, le régulateur turc des médias audiovisuels avait retiré leur licence à de nombreuses chaînes de télévision et de radio soupçonnées de soutenir le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis depuis 1999, accusé d’être l’instigateur du putsch. Cette décision concernait 24 chaînes de télévision et radios et 34 journalistes, considérés comme proches de ce religieux. Ils avaient été privés de leur carte de presse. Depuis l’échec du coup d’État, plus de 11 000 personnes ont été placées en garde à vue et plus de 5 800 placées en détention. Plus de 1 000 établissements d’enseignement, 15 universités, plus de 1 200 associations ou fondations et 19 syndicats ont déjà été fermés. À ce compte-là, ce n’est plus une purge mais les écuries d’Augias.
En réalité, derrière ces attaques se cachent les règlements de comptes entre les deux ex-alliés, Recep Erdogan lui-même et Fethullah Gülen, dont le divorce est apparu en 2013, lorsque ont éclaté des affaires de corruption éclaboussant des caciques du pouvoir et des proches du président turc, largement relayées par des médias proches ou appartenant à la mouvance Gülen. L’une des journalistes recherchés n’est autre que Nazli Ilicak, figure éminente de la presse conservatrice, limogée du quotidien progouvernemental Sabah en 2013 pour avoir critiqué des ministres impliqués dans le scandale de corruption. Elle a créé une revue l’an passé, Özgür Düsünce (la libre-pensée), mais était également chroniqueuse dans un journal taxé de güleniste, Bugün.

Depuis des mois, les médias de gauche sont particulièrement visés

Est-ce que l’appartenance d’un(e) journaliste à un média fait de lui (elle) un soutien réel de la ligne éditoriale ? La question vaut d’être posée (y compris en France). L’inquiétude est grande, d’autant qu’Amnesty International affirme avoir réuni des « preuves crédibles » attestant de tortures, et même de viols, de personnes détenues en Turquie après la tentative de coup d’État ratée qui a fait 270 morts. Autre élément d’inquiétude, la situation nouvelle, l’état d’exception en vigueur, pourrait servir d’écran pour poursuivre les attaques contre les journalistes et les médias, commencées il y a plusieurs mois déjà et qui n’ont aucune affinité avec Gülen. C’est le cas, par exemple, de Can Dündar, ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet, inculpé avant la tentative de putsch.
Les médias de gauche, qui ouvrent leurs antennes et leurs pages aux revendications kurdes, sont particulièrement visés depuis des mois. Inan Kizilkaya, rédacteur en chef du quotidien Özgür Gündem, explique ainsi que depuis qu’il a pris ses fonctions, le 27 mars dernier, il y a « pratiquement un procès chaque jour. Près de 100 instructions ont été ouvertes à mon encontre pour “propagande d’un groupe terroriste”. C’était pareil pour mon prédécesseur, Reyhan Çapan, qui vient de faire appel d’une condamnation à trois ans et demi de prison. Depuis que la guerre a recommencé contre les Kurdes, l’État est passé à l’offensive contre nous. Il y avait déjà des problèmes s’agissant de la liberté de la presse mais ce qui restait a été balayé ». Depuis le mois de septembre, 13 journalistes ont été arrêtés au Kurdistan, seuls 4 ont été relâchés. Les journalistes qui les soutiennent sont aussi inquiétés. C’est le cas de Faruk Eren, coordinateur de l’information sur la chaîne IMC et président de la section des journalistes au sein de la centrale syndicale Disk. Rédacteur en chef d’un jour à Özgür en signe de solidarité, il est maintenant poursuivi pour « propagande de la terreur ». Nos deux confrères en appellent à la solidarité internationale. « Tout peut nous arriver. Quand on va seul à un procès, on se sent vraiment vulnérable. Mais quand on y va accompagné ou soutenu par une campagne de solidarité, on se sent beaucoup plus fort. »
 
Zehra Doğan, invitée du prochain festival de Douarnenez, jetée dans une prison turque
Attendue fin août pour parler de la liberté d’expression et de la situation actuelle des Kurdes à , la jeune journaliste kurde, Zehra Dogan, a été arrêtée le 21 juillet au soir à Mardin, dans le sud-est de la Turquie, alors qu’elle était assise à une terrasse de café avec des amis. Se basant sur les tableaux qu’elle peint et sur les informations qu’elle partageait sur les réseaux sociaux, la police l’accuse d’ « être membre d’une organisation terroriste (NDLR : le PKK) ». L’organisation du festival demande sa libération immédiate.

Roms : l’État s’arrange avec la loi pour expulser plus et plus vite

Roms : l’État s’arrange avec la loi pour expulser plus et plus vite

Loan NGuyen
Mardi, 26 Juillet, 2016
L'Humanité

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DAVID MAUGENDRE
Pour chasser ces citoyens roumains à moindres frais, le procureur de la République de Montpellier et la préfecture de l’Hérault ont monté un système de connivence, à base de PV illégaux, qui leur permet de multiplier et d’accélérer les procédures de renvoi.
À l’heure où les immigrés sont pointés du doigt comme un danger, l’État semble prêt à tout pour prouver son inflexibilité vis-à-vis des étrangers. Quitte à flirter avec l’illégalité. L’Humanité a eu accès à des procès-verbaux de police, que nous reproduisons en partie ici, qui attestent un véritable système de collusion entre le procureur de la République de Montpellier et le préfet de l’Hérault pour expulser des Roms en masse, au mépris de la séparation des pouvoirs et du respect de la loi. La manœuvre est simple : le procureur de la République établit des réquisitions soi-disant aux fins de rechercher les auteurs de « vols » ou de « recels » pour justifier l’envoi de forces de police dans des camps de Roms, qui procèdent alors à des contrôles d’identité et des vérifications de situation administrative sur place, systématiquement sans avocat.
Au terme de ces auditions groupées, les policiers confisquent les pièces d’identité et convoquent les Roms à venir les chercher quelques jours après au commissariat. Les procès-verbaux d’audition sont communiqués directement au service des étrangers de la préfecture de l’Hérault. Au moment où ils viennent récupérer leurs pièces d’identité, on leur délivre alors une obligation de quitter le territoire français (OQTF)… En vérité, il n’a jamais été question de rechercher les auteurs de « vols » ou de « recels ». Mais de se servir de ce prétexte pour débusquer des étrangers en situation soi-disant irrégulière.
Tout au long de cette chaîne bien huilée, de nombreuses violations du droit apparaissent. À cet égard, les procès-verbaux d’audition, qui remontent jusqu’à 2012, sont éloquents. « L’opération policière autorisée par le procureur de la République est un contrôle d’identité, qui doit répondre à des règles très précises. À partir du moment où la police commence à poser des questions, ce n’est plus un contrôle mais une audition, donc la police agit hors du cadre des réquisitions », précise Me élise de Foucauld, qui défend une dizaine de citoyens roumains. Audition qui doit normalement se tenir dans un commissariat avec, si la personne le souhaite, la présence d’un interprète et d’un avocat. « Là, c’est comme si la police procédait à une garde à vue sur le bord de l’autoroute, s’insurge-t-elle. On ne leur notifie pas le droit à un avocat alors que certaines questions font cinq lignes, sont purement juridiques, et ont des enjeux d’auto-incrimination. Même avec un interprète, ils ne sont pas en mesure de comprendre. »

Depuis quand la PAF rechercheles voleurs et les receleurs ?

Deuxième point d’importance : la réquisition du procureur est de pure forme. Celle-ci est établie sur la base d’une recherche d’auteurs de « vols » ou de « recels » alors que la façon dont est mené le contrôle montre que l’intention n’a jamais été là. Les PV sont prérédigés avec des questions uniquement orientées sur la situation administrative des personnes. Et les policiers qui sont mobilisés ne sont pas des officiers de police judiciaire mais de la police aux frontières (PAF). « Depuis quand le boulot de la PAF est de rechercher les voleurs et les receleurs ? Certaines OQTF sont même datées du jour du contrôle. Ça veut dire que même elles ont été prérédigées ! » dénonce l’avocate, pour qui « les procédures qui découlent de ces opérations sont illégales sur tous les plans ».
Malgré ces entorses multiples au droit, l’espoir de faire annuler ces expulsions reste mince. « À ce stade, aucun juge ne peut vérifier la légalité de ces contrôles », reconnaît Me élise de Foucauld. Du fait de ces agissements hors cadre, le juge judiciaire ne peut exercer son droit de regard sur la procédure que le parquet a initiée. Raison pour laquelle l’avocate a décidé d’assigner le procureur de la République de Montpellier devant le tribunal de grande instance pour « violation du principe de séparation des pouvoirs, détournement de pouvoir et détournement de procédure ». Une démarche encore inédite.
Du côté de la préfecture, qui bénéficie de cette manœuvre puisque ces auditions groupées lui permettent d’établir des OQTF massives à moindres frais, on ne semble pas non plus craindre de voir ces décisions retoquées en justice. « Le préfet se cache derrière la séparation des pouvoirs pour dire que le juge administratif, saisi lorsque l’on conteste une expulsion, n’a pas à se prononcer sur la légalité d’une procédure judiciaire. Il y a un vide juridique dans lequel ils se sont engouffrés, ils y sont à l’abri et peuvent y faire tout ce qu’ils veulent », affirme Me Foucauld. À l’exception d’une décision du Conseil constitutionnel de 2013 qui juge que l’administration ne peut pas se fonder sur des éléments de preuve récoltés de manière illégale, la jurisprudence a toujours été favorable à cette dernière. De fait, sur la dizaine d’OQTF contestées devant le tribunal administratif, la justice a déjà confirmé la moitié d’entre elles.
Cette manière de tordre et d’enfreindre les procédures interroge d’autant plus que la finalité de la manœuvre semble pour le moins vaine, voire contre-productive. Non seulement les personnes concernées font état de leur volonté de revenir en France. Mais, de plus, ces expulsions ont un impact négatif sur le processus d’insertion des migrants, à l’heure où l’État ne cesse de les exhorter à « mieux s’intégrer ».
« Je crois qu’il y a un manque de conscience réel des conséquences sur les parcours d’intégration des Roms », estime un travailleur social de l’association Area, qui accompagne les habitants de deux bidonvilles de Montpellier, en partie financée par la Fondation Abbé-Pierre, mais également par... la préfecture de l’Hérault elle-même. « Tous les deux-trois mois, la police descend dans les bidonvilles, confisque les pièces d’identité des Roms et les convoque au commissariat pour leur délivrer des OQTF. Quand on discute avec les agents de la PAF, ils admettent que ça ne sert à rien, mais ça leur fait du chiffre à bon compte », poursuit-il. Le problème, c’est que ces expulsions suspendent les ouvertures de droits de ces personnes. À leur retour en France, il faut repartir de zéro pour qu’elles se réinscrivent à Pôle emploi, à la CAF, à la Sécu... « Ça devient difficile de motiver les gens, ils ne se sentent pas les bienvenus », insiste notre travailleur social.
« Une OQTF, c’est dix heures de travail social », résume, pour sa part, Catherine Vassaux, directrice de l’association Area, qui se dit dans une démarche de dialogue et de « recherche de solutions » avec les représentants locaux de l’État. Un sentiment de gâchis d’autant plus fort que la préfecture de l’Hérault – via la direction départementale de la cohésion sociale – investit de manière substantielle dans les dispositifs d’insertion. Et qu’une partie de ces citoyens roumains expulsés, qui travaillent ou sont inscrits à Pôle emploi, rentrent dans les critères d’un séjour régulier.
Contrairement à beaucoup de croyances, les Roms qui vivent dans les bidonvilles ne sont pas nomades par choix. Dans le campement Pablo-Picasso de Montpellier, qui abrite une trentaine de personnes, nombreux sont ceux qui souhaitent travailler et voir leurs enfants scolarisés. « Même si j’ai travaillé, que j’ai des fiches de paie, que je me suis inscrit dans une formation, quand les policiers sont venus pour nous parler d’OQTF, ils n’en avaient rien à foutre », résume Ionut, tout juste majeur, en France depuis l’âge de 12 ans.
Un jeune Roumain déterminé : « J’ai envie de me battre pour y arriver »
Le jeune Roumain semble tellement intégré qu’il a pris jusqu’à l’accent du Sud et les expressions d’argot des jeunes Français. Il a travaillé dans la restauration, dans la maçonnerie, a cumulé les missions d’intérim. Il espère pouvoir commencer son CAP des métiers de l’hygiène en septembre, mais la menace d’expulsion qui plane au-dessus de sa tête pourrait compliquer un peu les choses. Qu’à cela ne tienne, Ionut a la rage de réussir. « J’ai envie de me battre pour y arriver. Si j’avais pu trouver du travail en Roumanie, je ne serais pas venu ici », rappelle-t-il.Une détermination qui n’est pas forcément représentative du sentiment général dans le campement. « Quand on veut faire quelque chose, on nous bloque, on détruit tout ce qu’on a fait », explique en roumain Elisabeta (1), qui espérait voir ses enfants de 10, 7 et 3 ans faire leur rentrée à l’école en septembre. En France depuis dix ans, cette maman de 28 ans semble lasse et résignée face au sort qui lui est fait. Pour autant, elle reviendra en France si elle est expulsée. « Je ne veux pas que mes enfants restent dans la même situation que moi, je veux qu’ils étudient, qu’ils trouvent un travail, qu’ils puissent être libres de devenir ce qu’ils veulent. »
Si ces pratiques sont avérées à Montpellier depuis 2012, il semble probable qu’elles soient utilisées au-delà de l’Hérault. « Dans certains bidonvilles de France, la PAF débarque en minibus et fait venir les Roms un à un pendant cinq minutes pour faire les auditions et remplir le même genre de PV préremplis et cela satisfait les tribunaux », rapporte Manon Fillonneau, déléguée générale du collectif Romeurope, qui fédère une quarantaine d’associations et ONG de défense des droits des Roms.
Si, faute d’accéder aux PV en question, les associations qui suivent ces citoyens roumains ignorent sur quelles réquisitions se fonde l’administration, il paraît clair que ces procédures d’audition sont irrégulières. Pour Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Bobigny (Seine-Saint-Denis) spécialisé en droit des étrangers et président du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti), ce genre de manœuvre relevant de la confusion des pouvoirs est classique. « Partout en France, les procureurs de la République et les préfets se rencontrent, notamment sur la question de l’immigration clandestine. Si une complicité s’installe, des systèmes comme ceux-ci peuvent se mettre en place », analyse le juriste. « On a beau s’élever contre ce genre de pratiques, le parquet nous dit qu’il est indépendant et qu’il fait ce qu’il veut », peste-t-il. Malgré nos appels répétés, le procureur de la République de Montpellier n’a pas souhaité répondre à nos questions. Tout comme le directeur de la police aux frontières de l’Hérault, Laurent Siam, qui a refusé de communiquer sur le sujet. La préfecture de l’Hérault a, pour sa part, déclaré : « Dans la mesure où l’affaire est portée devant les tribunaux, nous nous en remettons à la décision de justice et ne pouvons nous exprimer sur des cas individuels et tant que la décision n’a pas été rendue. »

Encadrement des loyers mode d’emploi à Paris bientôt en banlieue

Daniel Roucous
Mardi, 26 Juillet, 2016

Les loyers sont encadrés pour la deuxième année consécutive à Paris. C’est pour bientôt en agglomération parisienne, Lille et Grenoble.
Aux dernières nouvelles, les loyers sont de nouveau encadrés à effet du 1er août à Paris. C’est prévu par l’arrêté préfectoral qui vient de fixer les loyers de référence quartier par quartier
Cela fera donc un an le 1er août que les loyers sont encadrés à Paris. On peut calculer le montant encadré des loyers en cliquant sur
Certes cette obligation s’est heurtée à des bailleurs récalcitrants qui n’en ont pas tenus compte et se sont mis hors la loi. Bien évidemment les locataires en font les frais mais ont le droit pour eux et peuvent le faire appliquer notamment par un recours auprès des commissions de conciliation à défaut d’accord amiable.
Les coordonnées de ces commissions sont
Si c’est compliqué les locataires concernés peuvent se faire aider par l’ADIL (agence départementale d’information sur le logement) en cliqnat sur
Possibilité aussi d’interpeler son maire d’arrondissement comme le conseille le CLCV
En agglomération parisienne élargie à certaines villes des 77 et 78, les loyers ne sont pas encore encadrés. Ils le seront dans 412 villes en 2018 après que l’Observatoire des loyers ait collecté les données suffisantes pour établir des loyers de références comme promis par la ministre du logement dans son
Les communes qui seront concernées sont listées sur
Dans les autres agglomérations de plus de 50 000 habitants concernées par l’encadrement des loyers en application de la la loi ALUR du 24 mars 2014, rien n’est prévu sauf à Lille, fin 2016 et Grenoble d’ici 2018 !
Pourquoi plus de deux ans après la loi ALUR (accès pour un logement et un urbanisme rénové) et un an après son décret d’application, seule Paris encadre ses loyers alors que toutes les communes de plus de 50 000 habitants soumises à la taxe sur les logements vacants sont concernées ?
Parce que pour que la loi et son décret d’application du 10 juin 2015 n’ont aucun effet tant qu’un arrêté du préfet du département n’a pas fixé les loyers de référence !

Qu’est-ce que ça veut dire « loyers encadrés » ?

Ca veut dire que, dans les villes ou zones concernées, le bailleur ne peut ou ne pourra pas demander un loyer plus important que celui dit de référence fixé, chaque année,  par arrêté du préfet.
Ce loyer de référence qui peut être majoré dans la limite de 20% ou minoré jusqu’à 30%, est exprimé par un prix au m2 de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique.
Il est lui-même encadré par un décret n° 2015-931du 29 juillet 2015 du ministre du logement sur les points suivants :
- le loyer d'une nouvelle location ne peut excéder le loyer du précédent locataire sauf s'il n'a pas été révisé au-delà d'un an. Dans ce cas, il peut être réévalué dans les limites de la variation annuelle de l'indice INSEE de référence des loyers,
- le loyer d'une nouvelle location ou du bail renouvelé peut être augmenté dans la limite de 15% si le propriétaire a réalisé de stravaux d'amélioration ou de mise en conformité,
- le loyer sous-évalué d'un bail renouvelé peut être réévalué dans les limites de la moitié de la différence entre le loyer en cours et celui appliqué dans le voisinage à des logements comparables OU de 15% si des travaux d'amélioration ou de mise en conformité.
Attention pas question d'augmentation pour travaux d'amélioration ou de mise en conformité si le locataire a versé une contribution pour le partage des économies de charge.
Ainsi à Paris, le préfet vient de fixer les loyers de références à ne pas dépasser

Dérogations
Cependant, le bailleur peut ou pourra  prévoir un complément de loyer pour certains logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort. Mais là encore c’est encadré puisque c’est à trois conditions :
- les caractéristiques de location ou de confort définies par arrêtés des préfets n’ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de base lors de la conclusion du bail ou de son renouvellement,
- ces caractéristiques sont déterminantes pour la fixation du loyer par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique,
- ces caractéristiques ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur comme charge due par le locataire, ni à la contribution pour le partage des économies d’énergie lorsque le bailleur réalise des travaux d’économie d’énergie.
Le locataire qui conteste le complément de loyer dispose de trois mois à compter de la signature du bail ou de son renouvellement pour saisir la commission de conciliation. C’est gratuit et on peut se faire aider par l’Adil (coordonnées ci-avant).
Mais c’est au bailleur de justifier ce complément.


INFOS +
- mode d’emploi de l’encadrement des loyers expliqué par la CLCV
- l’observatoire des loyers à Paris et banlieue c'est
- tout sur l’encadrement des loyers sur le site du
- liste des communes concernées par l’encadrement des loyers mais qui ne l’appliquent pas faute d’arrêté préfectoral

Après quatre attaques, l’Allemagne tente d’apaiser les esprits

Après quatre attaques, l’Allemagne tente d’apaiser les esprits

Lundi, 25 Juillet, 2016
Humanite.fr

Le danger d'attaques et d'attentats demeure élevé en Allemagne, a déclaré lundi un porte-parole du ministère de l'Intérieur à la suite d'une série de quatre attaques qui ont marqué le sud pays et tout particulièrement la Bavière. Surtout, le gouvernement veut éviter tout amalgame avec les réfugiés.
"Le danger d'attaques est élevé depuis longtemps et le demeure", a dit Tobias Plate lors d'un point de presse à Berlin.  De son côté, le journal Neue Osnabrücker Zeitung écrit ce lundi que la police allemande dispose de 410 pistes vers d'éventuels "terroristes" parmi les réfugiés présents en Allemagne.  Le ministre de l’Intérieur, appelle à la prudence mais veut calmer les esprits. "Nous ne devons pas porter de soupçon généralisé contre les réfugiés, même s'il y a des procédures qui sont engagées dans des cas isolés" contre eux, a déclaré Thomas de Maizière.
  • C’est que dimanche soir, un réfugié syrien de 27 ans souffrant de troubles psychiatriques s’est fait exploser près d'un festival de musique dans le sud de l'Allemagne. Le demandeur d'asile est mort dans l'explosion de sa bombe, qui a blessé 12 personnes, dont trois grièvement. Les autorités n’ont pas hésité à parler d’attentat. Selon les informations les plus récentes, le téléphone portable de l'auteur de l'attqaue contenait une vidéo brandissant, en arabe, la menace d'une attaque, et une allégence à Daesh.
    Le jeune homme, dont la demande d'asile avait été rejetée il y a un an, avait l'intention d'"empêcher" la tenue du festival de musique auquel participaient plus de 2.500 personnes. Il a essayé d'entrer dans l'enceinte du festival mais a dû faire demi-tour dans la soirée faute de ticket d'entrée. Il s’est fait exploser peu après vers 22H00 (20H00 GMT) devant un restaurant du centre-ville, à proximité immédiate du festival.
    Le Syrien, qui résidait à Ansbach, avait tenté par deux fois dans le passé de mettre fin à ses jours et séjourné dans une clinique psychiatrique, selon le ministre, qui a précisé ne pas savoir si l'homme avait eu des intentions suicidaires. Il était également déjà connu des services de police, notamment pour un délit lié à la drogue.
  • Dimanche toujours, non loin de la Bavière, un demandeur d'asile, syrien également, de 21 ans a tué à la machette une femme avec qui il venait de se disputer et a blessé trois autres personnes, dans une crise de rage a priori passionnelle.
  • En outre vendredi soir, un jeune de 18 ans souffrant également de troubles psychiatriques, obsédé par les tueries de masse avait tué neuf personnes à Munich, toujours en Bavière, et en avait blessé grièvement 11 autres lors d'une fusillade. La police allemande a d’ailleurs annoncé dimanche l'arrestation d'un ami de l'auteur, un jeune Afghan de 16 ans. Les deux jeunes hommes "étaient encore ensemble" juste avant le passage à l'acte du tireur germano-iranien, aux environs du lieu de la fusillade.  Lire :
  • Le 18 juillet enfin, un demandeur d'asile se disant de nationalité afghane avait blessé à la hache cinq personnes dans un train à Wurtzbourg, encore en Bavière lors d'une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Même si le gouvernement fait tout pour éviter tout amalgame, cette accumulation redonne du grain à moudre à tous les opposants de la  politique d’accueil des réfugiés. Surtout en Bavière, une porte d'entrée en Allemagne des migrants et une région dirigée par un élu conservateur de la CSU, farouche opposant à l’accueil des réfugiés.