vendredi 16 septembre 2016

Extraction minière. La concertation ensablée à Lannion

Extraction minière. La concertation ensablée à Lannion

Stéphane Guérard
Mardi, 13 Septembre, 2016
L'Humanité
  
manifestation, à Lannion le 11 Septembre, contre l’extraction de sable par la compagnie armoricaine de navigation. PHOTO FRED TANNEAU/AFP
manifestation, à Lannion le 11 Septembre, contre l’extraction de sable par la compagnie armoricaine de navigation. PHOTO FRED TANNEAU/AFP
AFP
Symbole d’un projet mené sans dialogue, l’extraction de sable marin a débuté au large des Côtes-d’Armor, malgré une large opposition locale.
La baie de Lannion a vu, la semaine dernière, un curieux bateau manœuvrer sur ses flots bleus en bout de Côte de granit rose. Alors que la nuit de mardi à mercredi tombait, le Côtes de Bretagne, l’un des deux navires extracteurs de la Compagnie armoricaine de navigation (CAN), a débuté le pompage de sable coquillier au large de ces Côtes-d’Armor. Voilà six ans que sa venue était redoutée et combattue. Au gré d’une décision judiciaire favorable reçue la veille, ce début d’opération en nocturne est à l’image de la gestion obscure de ce projet minier. Le manque de concertation publique a fini par susciter crainte et rejet de la part de la quasi-totalité de la population locale et des élus.
Ce ne sont pas seulement les quatre mille opposants au projet réunis à Lannion dimanche qui le disent. En ce coin sauvage et taiseux de nord Bretagne, il faut y aller fort pour mettre les gens du cru en pétard. Leur colère a pourtant explosé. « Non au pillage » ou « Stop, la CAN dégage », pouvait-on lire au cours de la manifestation. « Le fait de commencer en pleine nuit, c’est des méthodes de voyous ! », s’est étranglé Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor.
Même Emmanuel Macron avait convenu que ce dossier était mal ficelé. C’était en avril 2015. En marge d’une réunion de concertation avec les opposants, le ministre de l’Économie d’alors, en charge comme ses prédécesseurs de ce dossier fumant, s’était laissé aller à quelques confidences. « Pour lui, ce dossier était un dinosaure, un échec collectif, l’exemple d’une époque révolue où les industriels et l’administration réglaient les choses dans leur coin, alors qu’aujourd’hui, les citoyens sont de plus en plus sensibles à ce genre de projet et veulent donner leur avis », nous racontait, quelques jours après l’entrevue, un membre du collectif du Peuple des dunes. Ces confidences n’avaient pour autant pas empêché le ministre de donner son feu vert à l’extraction, moyennant certaines limitations qui n’avaient contenté personne.

Domaine du lançon, le « garde-manger » de la faune marine locale

Il faut dire que le dossier était déjà bien mal emmanché. C’est en 2007 que le feuilleton du sable de Lannion débute. Le Grenelle de l’environnement préconise alors l’abandon, dès 2013, de l’extraction du maërl. Cette accumulation de débris marins riches en calcaire est utilisée de longue date par l’agriculture comme fertilisant naturel. Les exploitants bretons en sont friands pour leurs terres granitiques. Spécialiste de la nutrition végétale, animale et humaine, le Groupe Roullier (3,1 milliards de chiffre d’affaires en 2013, un poids lourd en Bretagne) possède justement une filiale dévolue au maërl : la CAN. En quête de substitut, le groupe malouin se convertit aux sables calcaires marins coquilliers. Disposant de trois lieux d’exploitation en Bretagne, il en vise un quatrième. La baie de Lannion recèle justement une belle dune sous-marine de quatre kilomètres carrés. Une demande d’extraction de 400 000 m3 par an sur vingt ans (soit l’équivalent de la tour Montparnasse chaque année) est déposée en 2010. Et pour mettre toutes les chances de son côté, la société rappelle que la préservation de vingt-cinq emplois est en jeu.
Mais pas besoin de se fâcher car le hasard fait toujours bien les choses. Sous insistance de Bruxelles, les zones Natura 2000 en mer viennent justement d’être dessinées. La baie de Lannion se trouve bien protégée par deux de ces vastes zones. Une seule portion n’est pas comprise… et la fameuse accumulation de sables coquilliers s’y trouve fort à propos. En deux ans et demi exactement, dont un mois d’enquête publique, fin 2010, toutes les procédures nécessaires à l’obtention de l’autorisation d’ouverture de travaux miniers ont été scrupuleusement suivies. L’affaire allait bon train… jusqu’à ce que les habitants du coin tiquent.
La dune marine est connue des pêcheurs. C’est là que le lançon, poisson « garde-manger » de la faune marine locale, a élu domicile, que les bars et lieux frayent et que les phoques aiment à pointer leur museau. Mais aucun état initial digne de ce nom de cette richesse naturelle n’a été dressé. La demande de concession s’en trouve fragilisée. La dizaine de pêcheurs locaux s’émeuvent. Les clubs de pêche loisir, très nombreux, aussi. Ce qui est mauvais pour le nautisme et le tourisme est néfaste à la région. Les collectifs citoyens s’érigent, alors que les agriculteurs, eux, se taisent. Les élus donnent de la voix. Le défaut de concertation premier du Groupe Roullier ajouté aux décisions unilatérales des administrations augmentent la défiance locale. Celle-ci atteint son paroxysme lorsque, en avril 2015, soit un mois après les élections départementales, Emmanuel Macron donne son feu vert au projet. La limitation (250 000 m3) et la progressivité de l’extraction, sa suspension de mai à août, ainsi que l’établissement d’un comité de suivi du milieu naturel n’atténuent pas le sentiment d’être confronté au fait du prince. Le feuilleton s’invite aujourd’hui dans la présidentielle. Jusqu’alors prudente sur l’affaire, Ségolène Royal a fustigé, la semaine dernière, la décision de Macron, fraîchement démissionnaire du gouvernement. La ministre a reçu, hier, les opposants. En attendant une ultime décision du Conseil d’État, la CAN fait valoir la légalité des procédures. Les opposants, la légitimité de leur nombre. Et les sables de Lannion de s’enliser.

À gauche, des appels à l’unité qui continuent à diviser

À gauche, des appels à l’unité qui continuent à diviser

Présidentielle
Adrien Rouchaleou
Mardi, 13 Septembre, 2016
L'Humanité
  
premier meeting de soutien à françois hoLlande, le 29 août 2016, à colomiers . PHOTO PASCAL PAVANI/AFP
premier meeting de soutien à françois hoLlande, le 29 août 2016, à colomiers . PHOTO PASCAL PAVANI/AFP
AFP
L’ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira, réapparaît pour appeler à une candidature unique qui semble surtout préfigurer un ralliement au président sortant François Hollande.
Université d’été des frondeurs, Fête de l’Humanité ou encore journées parlementaires dans la semaine à venir. À gauche, en ce moment, il y a beaucoup de mouvement… pourtant rien n’avance vraiment. Dernière arrivée dans ce jeu, Christiane Taubira, l’ex-garde des Sceaux dans les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, sort dans Libération du silence qu’elle observait depuis sa sortie du gouvernement en janvier 2016, tirant les conséquences d’un désaccord de fond avec le président de la République, François Hollande, qui envisageait alors de faire inscrire dans la Constitution la fameuse déchéance de nationalité.
Et si elle assure qu’elle s’engagera « fortement dans la campagne » pour l’élection présidentielle, Christiane Taubira se refuse à insulter l’avenir en n’apportant pas plus de précision sur ses intentions. « Je ne sais pas encore comment (je m’engagerai), explique-t-elle. Nous sommes dans une phase de grande confusion. » L’ancienne ministre de la Justice plaide néanmoins pour une candidature unique à gauche.

Christiane Taubira croit toujoursà la possibilité de rassembler

Quant à savoir si ce candidat unique pouvait être François Hollande, qui polarise aujourd’hui beaucoup d’oppositions à gauche, elle n’en rejette absolument pas l’idée : « La question n’est pas de soutenir untel ou untel », affirme-t-elle, considérant que la gauche « a une responsabilité de trouver un candidat qui portera ses différentes sensibilités ». Christiane Taubira croit toujours à la possibilité de rassembler tout le monde malgré un long quinquennat de provocations et de surdité de l’exécutif à tout ce qui dépassait du périmètre sans cesse rétrécissant de la majorité gouvernementale : « Il y a bien des maisons dans la maison de la gauche. Elles ne sont pas irréconciliables », veut-elle croire avant d’estimer dans ce qui ressemble un peu à un appel au vote utile qu’« il y a urgence : le risque est là que l’extrême droite (…) arrive au pouvoir en France » et que la gauche disparaisse « pour un moment ».
Sans surprise, cet entretien a été très favorablement accueilli à la tête au Parti socialiste, où l’on considère clairement qu’il s’agit d’un premier pas vers un soutienau président sortant. Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, opine et se pose en centre de gravité de la gauche : « Moi, je tends la main à toute la gauche parce que si la gauche n’est pas unie (…) nous serons éliminés et ça durera longtemps », paraphrase-t-il. Mais pour autant, il n’envisage aucun geste dans ce sens : « Je n’y crois pas trop parce qu’on a beaucoup bataillé, on a perdu beaucoup de temps pour faire en sorte qu’il y ait une primaire de toute la gauche. Je dis que c’est un peu tard », justifie-t-il, rejetant toute la faute sur les autres : « En janvier, j’ai déjà dit que j’étais personnellement pour une primaire de Macron à Mélenchon. Entre-temps, Macron est parti dans d’autres rivages, Mélenchon a refusé, le Parti communiste veut une primaire des antigouvernementaux, les écologistes ont fait leur propre primaire, donc il ne reste plus au Parti socialiste qu’à organiser la primaire de la gauche de gouvernement, c’est ce que nous faisons. » Cambadélis oublie que la primaire qu’il a initiée est celle de la « Belle Alliance populaire », c’est-à-dire du rassemblement du PS… et des soutiens de François Hollande, en aucun cas celle de toute la gauche.
Dans la gauche plus éloignée de la majorité gouvernementale, ces appels à se regrouper sans remettre en question les politiques menées agacent. Ainsi, Cécile Duflot, candidate à la primaire des écologistes, l’affirme : « Quand on vit la troisième année la plus chaude de l’humanité, en fait ce n’est pas un débat tactique de qui est gentil ou pas gentil à gauche, c’est un débat de qu’est-ce qu’on fait pour que les générations déjà nées aient de l’eau à boire, de l’air à respirer, puissent vivre sur une autre planète saine. » L’ancienne collègue de Christiane Taubira au gouvernement (mais qui en est sortie bien plus tôt) estime que « l’efficacité, c’est les politiques qu’on choisit. (…) Ce n’est pas seulement de faire entrer tout le monde dans une boîte parce que vous voyez bien que le débat autour d’Emmanuel Macron ou d’autres a montré que les limites de la gauche, aujourd’hui, c’est très complexe ».
Un sondageIfop/fiducial pourSud Radio et Lyon Capitale, testant huit scénarios différents, donnait, hier, la gauche perdante dès le premier tour dans tous les cas.
Montebourg doute de la primaire
Candidat à la présidentielle, Arnaud Montebourg aussi doute de la « loyauté » dela primaire organisée par le PS. « Cet outil-là, il ne peut pas être un outil de convenance personnelle », sous-entendu pour la reconduction de François Hollande. Il réaffirme toutefois être candidat « dans le cadre d’une primaire » et être prêt à accepter le résultat si François Hollande l’emporte.

Nicolas Sarkozy travaille son côté anxiogène

Nicolas Sarkozy travaille son côté anxiogène

Lionel Venturini
Vendredi, 16 Septembre, 2016
Humanite.fr

 

Photo : France Télévisions
Invité du premier numéro de la nouvelle émission politique de France 2, le candidat à la primaire a balayé ses thèmes de prédilection, entre immigration et sécurité. 
Joli retournement dialectique pour Nicolas Sarkozy quand, interrogé sur sa sortie qu'il fallait "être arrogant comme l'homme pour penser que c'est nous qui avons changé le climat", selon des propos rapportés par l'hebdomadaire Marianne, l’ancien chef de l’Etat a opposé jeudi soir dans "L'émission politique" sur France 2 que le problème démographique était un problème "plus important" que le réchauffement climatique. "Combien d'habitants vont pouvoir habiter sur la planète ?" a-t-il demandé, estimant qu'il fallait résoudre le problème de la natalité galopante pour lutter contre le réchauffement.
 
Une manière pour lui de réintroduire subrepticement une de ses marottes, l’immigration, et de disputer au FN le thème de la menace de submersion démographique, qu’à l’extrême droite certains nomment « le grand remplacement ». «L'Europe ne peut pas accueillir toute l’Afrique » a-t-il lancé à propos des sept mille réfugiés que la France s’est engagée à accueillir -aucun d’Afrique, s’agissant de réfugiés syriens ou irakiens, d’ailleurs.
 
Sur la question du terrorisme, il a voulu justifier sa proposition d'interner des fichiers S suspectés de terrorisme au nom du "principe de précaution ». « A ce moment-là, il y a trois solutions. Soit il n'a rien fait et on le relâche, et éventuellement on lui présente nos excuses bien sûr (sic) ; soit ils sont en train de préparer, et les services spécialisés s'en rendent compte, un attentat, et dans ce cas-là c'est une procédure judiciaire ; soit ils sont en voie de grande radicalisation, et on les envoie dans un centre de déradicalisation ».  Avant de se risquer à un parallèle hasardeux ; « il y a chaque année en France 70.000 personnes victimes de troubles psychiatriques qui peuvent être dangereux pour eux-mêmes (se suicider) ou pour leur entourage, ces 70.000 personnes chaque année font l'objet d'un internement administratif (...). Ce qui est donc possible pour 70.000 personnes pour des raisons psychiatriques n'est pas possible pour 200-300 personnes ? » 
 
Pour autant, l’ancien chef de l’Etat a exprimé des regrets implicites sur son bilan de son quinquennat. Interrogé par un entrepreneur, responsable du Front National du Val d'Oise, Mikaël Sala, sur les travailleurs détachés, il a convenu que « ça n'a pas marché, ça a créé de la concurrence déloyale. Je ferai changer les règles européennes", a-t-il promis, en cas de réélection en 2017. Un message qui ne sera pas du goût de son soutien Angela Merkel. 
 
Nicolas Sarkozy, dont le parquet a requis le renvoi en correctionnelle pour financement illégal de campagne électorale dans le cadre de l'affaire dite "Bygmalion", a estimé jeudi avoir déjà été "lavé de toute accusation" dans ce dossier. D'après le parquet, la responsabilité de l'ex-chef de l'Etat est au contraire "pleinement engagée", notamment car il a donné des instructions en faveur d'une augmentation des dépenses, alors même que le dépassement du plafond des dépenses était acté dès… la troisième semaine de campagne.
Sarkozy président, un ministre mis en examen resterait au gouvernement : « je crois beaucoup à l'Etat de droit et à la présomption d’innocence » assure-t-il. En juillet, il n’hésitait pourtant pas à qualifier « d’arguties juridiques » cet état de droit face au terrorisme.

Loi travail, mobilisation dans la rue mais aussi sur le terrain juridique

Loi travail, mobilisation dans la rue mais aussi sur le terrain juridique

Daniel Roucous
Jeudi, 15 Septembre, 2016

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Conseil constitutionnel
Les syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL, Fidl, opposés à la loi travail dite « El Khomri » dans la rue, agissent aussi sur le terrain juridique.
La CGT avait déjà, en mars, saisit la considérant que de nombreuses mesures projetées alors par la loi n’étaient pas conformes au droit européen.
Nous avions alors expliqué de quoi il retournait
La CGT, rejointe par FO, compte persister sur ce terrain du droit européen comme l’ont confirmé leurs secrétaires confédéraux chargés des questions juridiques dans
Rappelons que certaines mesures de la loi travail sont applicables depuis le 9 août, date de sa parution au Journal officiel. Cependant les plus emblématiques (durée du travail, congés, accords collectifs, IRP (institutions représentatives du personnel), accords sur l’emploi, compte personnel d’activité, médecine du travail, travailleurs détachés) sont en attente de 141 décrets ( !) d’application que le gouvernement entend mettre en œuvre d’ici décembre comme vous pouvez en juger sur sont
D’autres mesures qui avaient été sorties de la loi travail (auparavant de la loi Macron) essaient d’y entrer par le biais de décrets d’application. C’est le cas du nouveau
applicable devant les Prud'hommes.
 Cette injustice dénoncé s’ajoute au fait que depuis le 1er août saisir les prud’hommes
L’autre recours juridique dont comptent user les syndicats sont les QPC (question prioritaire de constitutionnalité). Cependant ce n’est possible que sur des dispositions de la loi en vigueur autrement dit qu’après publication des décrets d’application. Et la QPC ne peut être posée devant le Conseil constitutionnel que par les salariés concernés par une disposition et non par les syndicats. Ceux-ci peuvent bien-sûr prendre en charge les recours dans chaque entreprise.
Explications et démarches sur le site du exemple à l'appui
D’ores et déjà la CGT encourage les syndicats d’entreprise à déposer deux QPC relatives à des dispositions de la loi travail applicables :
- les nouvelles de licenciement économique selon la taille de l’entreprise
- la possibilité d’inscrire dans le règlement intérieur le principe de neutralité qui, entre parenthèses, ne concerne pas que la neutralité religieuse, également la neutralité syndicale comme vous pouvez le lire
A suivre...

jeudi 15 septembre 2016

Adama Traoré : un pompier met en cause la version des gendarmes

Adama Traoré : un pompier met en cause la version des gendarmes

Laure Hanggi
Jeudi, 15 Septembre, 2016
Humanite.fr

 

« Il y a du monde autour de lui, mais personne ne s’en occupe » a déclaré ce sergent-chef, pompier depuis 27 ans.
« Il y a du monde autour de lui, mais personne ne s’en occupe » a déclaré ce sergent-chef, pompier depuis 27 ans.
Photo : Thomas Sanson/AFP
Selon un sapeur intervenu sur place, les militaires n’auraient pas pratiqué les gestes de premier secours sur Adama Traoré, alors que celui-ci avait perdu connaissance.
Que s’est-il passé le 19 juillet dernier, dans la gendarmerie de la ville de Persan (Val d’Oise) ? Ce jour-là, en fin d’après-midi, les gendarmes procèdent à l’interpellation d’Adama Traoré, 24 ans, dans la ville voisine de Beaumont-sur-Oise. Il est 17h45. Une heure et demie plus tard, le jeune homme est déclaré mort.
Aujourd’hui, la cause de la mort d’Adama Traoré demeure inconnue, les autopsies et les séries de tests effectuées n’ayant pas permis de la déterminer. Mais pour la famille, qui dénonce une bavure, ce sont les gendarmes qui auraient provoqué la mort d’Adama, en le plaquant au sol sur le ventre et en l’y maintenant sous le poids de leur corps, causant son asphyxie. Si les gendarmes réfutent ces accusations, le témoignage d’un pompier intervenu sur place accuse ces derniers de ne pas avoir pratiqué les gestes de premier secours, suite à la perte de connaissance du jeune homme. Ce dernier s’était plaint de difficultés à respirer après son arrestation et s’était évanoui durant le trajet vers la gendarmerie.

"Quand j’arrive, il n’est pas en PLS, il est face contre terre"

Révélé par l’émission du mercredi 14 septembre de Quotidien sur TMC, l’audition auprès de l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) de ce sergent-chef, pompier depuis 27 ans, met à mal la version des gendarmes, qui affirmaient avoir placé Adama Traoré en position latérale de sécurité (PLS) après sa perte de connaissance. « Moi quand j’arrive, il n’est pas en PLS, il est face contre terre. » « Il y a du monde autour de lui, mais personne ne s’en occupe. » Il demande alors à un gendarme de retirer les menottes des poignets d’Adama, mais celui-ci lui affirme que « l’individu simule » son malaise et qu’il est « dangereux ». C’est à ce moment là que le pompier remarque qu’Adama ne respire plus. Aucun massage cardiaque n’a été pratiqué avant l’arrivée des pompiers. Un des gendarmes le justifie dans son audition, citée par Libération, en affirmant qu’il ne détecte « aucune anomalie qui nécessitait des gestes de premiers secours. Ce que je constate, c’est qu’il ouvre les yeux à plusieurs reprises.» Le rapport des pompiers avait tardé à être versé au dossier d’instruction, alimentant la suspicion sur les circonstances de sa mort.
Joint par l'AFP, Yacine Bouzrou, avocat des proches d’Adama Traoré, n'a pas souhaité s'exprimer, pas davantage que le procureur de la République à Pontoise, qui a rappelé que l'affaire était aux mains d'une juge d'instruction. La famille a, quant à elle, réclamé samedi 10 septembre dernier, la prison pour les gendarmes ayant procédé à l’interpellation.

Etat de l'Union européenne. Juncker sans souffle

Etat de l'Union européenne. Juncker sans souffle

Jean-Jacques Régibier
Mercredi, 14 Septembre, 2016
Humanite.fr
  
Photo Jean-Jacques Régibier
C’est un discours sur l’état de l’Union sans ambition que le président de la Commission européenne a prononcé devant le Parlement européen. S’il a reconnu la nécessité d’une Europe plus « sociale », il s’est montré évasif sur les grands défis du moment.
Strasbourg. Correspondant. Le vote par le Parlement européen ce mercredi matin  du rapport du député Guillaume Balas ( Socialistes et Démocrates ) visant à lutter contre le dumping social, a eu au fond beaucoup plus d’intérêt que l’exercice convenu auquel s’est livré le président de la Commission européenne dans le traditionnel « discours sur l’état de l’Union », qui ouvre la saison parlementaire. Certes, Jean-Claude Juncker avait placé la question « sociale » en tête de ses priorités pour l’année à venir. « L’Europe n’est pas assez sociale », a-t-il jugé dès le débute de son discours, après avoir constaté que le chômage, spécialement celui des jeunes, était trop élevé, et qu’il « fallait remédier à ce problème. » Comment ? Pour l’instant, on n’en sait pas plus.
 
Le début de réponse véritable est donc venu, non pas de la Commission européenne, mais des députés qui on voté pour les mesures préconisées par Guillaume Balas dans son rapport destiné à lutter contre le « dumping social » - cette mise en concurrence des travailleurs de l’Europe entière par les entreprises ( parmi lesquelles de nombreuses entreprises publiques ) pour tirer les salaires et les droits sociaux vers le bas. Aujourd’hui, le dumping social recouvre aussi bien le travail illégal et dissimulé sur les chantiers publics, que les fraudes au détachement dans l’industrie, la concurrence déloyale liées aux différents taux de cotisations sociales dans les pays de l’Union européenne, ou bien encore les faux indépendants employés par les compagnies aériennes low coast, les opérations de cabotage illégales dans le transport routier etc…
 
Guillaume Balas, qui avait fait de la règle « à travail égal, salaire égal » pour tous les travailleurs d’Europe, la base de son rapport  ( Jean-Claude Juncker a lui aussi affirmé dans son discours : «  nous voulons que les travailleurs reçoivent la même rémunération pour le même travail » ), préconise des contrôles renforcés et des sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas le code du travail, mais il demande aussi surtout à l’Europe de changer ses règles, de façon à élever le niveau de protection sociale dans toute l’Union, en faisant prévaloir les droits des travailleurs sur les libertés économiques. Il est remarquable que ce rapport socialement ambitieux, qui tranche avec l’habituelle doxa néo-libérale de l’Europe, ait été très largement adopté par les députés des 28 pays de l’Union, qui commencent sans doute à prendre conscience qu’il serait temps de faire un peu mieux prévaloir les droits des travailleurs sur les « libertés économiques », ( c’est-à-dire sur les injonctions du capital ), si l’on veut répondre à la demande des citoyens.
 
Si l’on peut percevoir un léger souffle nouveau en cette rentrée européenne, c’est en tous cas plus du côté des députés que de la Commission européenne, dont le président est apparu fatigué, tant sur le fond que sur la forme. Rappelant que l’état de l’Union européenne « laissait déjà à désirer il y a un an », il a noté que «  le constat est valable un an après », ajoutant que « les choses n’ont pas évolué vers le mieux », et parlant de «  crise existentielle. » On était en droit d’espérer un peu mieux pour remonter le moral des troupes.
 
Lucide sur les conséquences d’une telle dérive, Jean-Claude Juncker a reconnu que ces « fractures » faisaient le lit des populismes qui «  ne règlent pas les problèmes, mais qui les apportent. »
 
Pour le reste, le président de la Commission européenne ne s’est guère hasardé en dehors d’un inventaire à la Prévert des domaines dans lesquels l’Union devrait améliorer ses performances : l’endettement, beaucoup trop important selon lui, la lutte contrer le réchauffement climatique ( «  l’accord de Paris doit devenir obligatoire pou tous » ), le rééquilibrage entre les pays de l’Est et ceux de l’Ouest de l’Europe ( « les 12 prochains mois seront décisifs pour réduire le clivage »), la réconciliation entre les deux parties de Chypre, la lutte contre l’évasion fiscale ( rires dans l’hémicycle ), la défense de l’industrie sidérurgique européenne contre la concurrence déloyale, la protection du secteur agricole, notamment laitier, la défense de l’euro «  qui nous a protégé de l’instabilité », ou l’accès à l’Internet à haut débit pour tous, le président de la Commission européenne se fixant l’échéance de 2025 pour que la 5G soit accessible dans toute l’Union européenne, ce qui créera par ailleurs selon lui, deux millions d’emplois supplémentaires.
 
Pour « renforcer » l’économie européenne, Jean-Claude Juncker a annoncé  qu’il allait doubler à la fois la durée et le montant du fonds d’investissement pour le faire passer à 500 milliards « à l’horizon 2020 », et à 630 milliards « dès 2022 », l’objectif étant d’attirer les investisseurs privés dans les secteurs de la recherche, l’infrastructure ou de l’énergie. En matière de Défense, il a plaidé pour que l’Europe travaille « à bâtir une force militaire commune », et pour qu’elle se dote d’un « quartier général européen ».
 
Dans le domaine civil, il propose la création d’un « corps de solidarité », capable d’intervenir dans le monde en cas de crise majeure ( réfugiés, séisme ), de manière à faire profiter les jeunes d’une première « expérience humaine ». 100 000 jeunes devraient en bénéficier dans un premier temps.
 
Si la droite, les libéraux et certains socialistes, se sont montrés en général indulgents face aux objectifs affichés par le président de la Commission européenne, pour la Gauche unitaire européenne, Gabrielle Zimmer a parlé de « replâtrage » et d’un « statu quo qui mène à l’erreur », rien n’étant fait pour permettre aux habitants de « mieux vivre en Europe », que ce soit dans le domaine du logement, de l’emploi ou des perspectives d’avenir. « Si nous ne changeons pas, nous tournons en rond », a martelé la présidente de la GUE, qui dénonce la réduction des dépenses publiques en Europe , et la privatisation des services publics. La députée Iratxe Garcia Perez ( Socialistes et Démocrates ) a parlé elle, d’un « panorama désolant », alors que la crise des réfugiés et la crise économique affecte de nombreux pays européens. Elle reproche à Jean-Claude Juncker de s’en tenir à « des propositions vagues » et d’avoir abandonné la solidarité européenne en infligeant notamment de lourdes pénalités à l’Espagne et au Portugal, sans répondre par ailleurs au chômage massif des jeunes. On remarquera également que le président de la Commission européenne n’a fait aucune allusion dans son discours sur l’état de l’Union à la situation de la Grèce, un an après le plan d’austérité drastique qui a été imposé au pays par l’Europe, et alors que la Grèce s’est trouvé toute l’année en première ligne pour tenter d’apporter son aide aux réfugiés. Il n’est pas certain que les Grecs apprécieront ce nouvel oubli.

Laïcité dans l'entreprise: la CGT souhaite un "débat national"

Laïcité dans l'entreprise: la CGT souhaite un "débat national"

Loi travail
Jeudi, 15 Septembre, 2016
Humanite.fr
  
La définition de la laïcité et de l'expression religieuse dans l'entreprise doit faire l'objet d'un "débat national", a estimé ce jeudi le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, opposé à ce qu'il y ait "un règlement par entreprise".
Pour Philippe Martinez, la question de la laïcité est un bonne exemple du fait que la loi travail va dans le mauvais sens en favorisant le cas par cas, entreprise par entreprise. Une disposition prévoit ainsi que le règlement intérieur d'une entreprise puisse "contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés", sous certaines conditions. Pour aider les employeurs, le ministère du Travail présentera un guide le 20 octobre.
"Il ne peut pas y avoir un règlement par entreprise. La question de la laïcité c'est bien plus sérieuse que cela, il faut des règles de vie commune, quel que soit l'endroit où l'on travaille (...) c'est un débat national qu'il faut avoir", a souligné Philippe Martinez sur France Info. Dans les entreprises "il y a besoin de définir ce que c'est un espace commun où l'on respecte la confession des uns et des autres mais il faut travailler ensemble, il faut vivre ensemble".
De façon "marginale", "certains salariés essaient d'entrer dans les syndicats pour construire autre chose", a-t-il dit, en tentant par exemple d'"imposer" un type de "nourriture à l'ensemble de la communauté de travail".
Philippe Martinez n'est pas non plus favorable aux salles de prière en entreprise. En revanche, continuer à autoriser le port du voile, s'il ne s'agit pas d'un service public, "c'est le respect des salariés", estime-t-il. Le débat doit avoir lieu, sans "stigmatiser les uns et les autres", a-t-il insisté.

Pour Clémentine Autain, pas d’autre solution que Jean-Luc Mélenchon

Pour Clémentine Autain, pas d’autre solution que Jean-Luc Mélenchon

Julia Hamlaoui
Jeudi, 15 Septembre, 2016
Humanite.fr

 

Clémentine Autain juge que le choix de « Jean-Luc Mélenchon a « des inconvénients politiques mais un atout majeur : il trace le sillon d’une gauche en rupture avec trente ans de politiques néolibérales et productivistes ».
Clémentine Autain juge que le choix de « Jean-Luc Mélenchon a « des inconvénients politiques mais un atout majeur : il trace le sillon d’une gauche en rupture avec trente ans de politiques néolibérales et productivistes ».
Photo : AFP
Dans un mail à vocation interne mais qui a circulé sur les réseaux sociaux, Clémentine Autain soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017 tout en estimant nécessaire « un cadre commun de campagne ».
« Ne pas attendre Godot, prendre parti et agir.» C’est l’invitation qu’a lancé Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble, aux militants de sa formation dans un courrier où elle estime nécessaire de soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle de 2017 tout en « en bataillant pour la construction d’un cadre commun de campagne ». Ensemble n’ayant pas encore tranché sa position, le mail devait contribuer au débat interne et « n’avait pas vocation à être rendu public », explique son auteure, mais mercredi soir il circulait sur les réseaux sociaux.
Clémentine Autain y constate des « désaccords avec la démarche » et « certains partis pris » du candidat de la « France insoumise », citant « la Syrie, les réfugiés, le Brexit, François Mitterrand, la conception du rassemblement, etc ». Mais dans la situation actuelle et pour « éviter une situation d’éclatement », elle juge que le choix de « Jean-Luc Mélenchon, qui fut notre candidat en 2012 » a « des inconvénients politiques mais un atout majeur : il trace le sillon d’une gauche en rupture avec trente ans de politiques néolibérales et productivistes ». Une rupture pas assez claire du côté  des autres candidats éventuels, selon la porte-parole d’Ensemble qui regrette qu’un «  rassemblement inédit » n’ait pas « émergé ».

"Ne pas choisir aujourd’hui, c’est prendre le risque de la confusion et de l’inutilité"

Elle estime également qu’il ne s’agit pas de se « rallier » mais « de contribuer à faire entendre la voix d’une gauche de transformation sociale et écologiste ». « Ne pas choisir aujourd’hui, c’est prendre le risque de la confusion et de l’inutilité. C’est aussi laisser Jean-Luc Mélenchon tracer sa route sur les seules intuitions et convictions de sa mouvance politique. Nous devons faire irruption, sur nos propres bases politiques, en bataillant pour la construction d’un cadre commun de campagne », poursuit-elle s’appuyant sur l’appel «  » lancé par des personnalités et citoyens d’horizons divers qui va dans le même sens. Interrogé à ce sujet à la Fête de l’Humanité, Jean-Luc Mélenchon répond, pour l’heure, « bienvenue à tout le monde mais il y a un calendrier, il y a une forme. La France insoumise ce n’est pas une camisole, ce n’est pas un parti, c’est un lieu dans lequel chaque personne individuelle peut faire sa campagne individuelle alors ne me demandez pas sans cesse de tout remettre en cause », ajoute-t-il.

Loi El Khomri : retour de la contestation sur tous les fronts

Loi El Khomri : retour de la contestation sur tous les fronts

Jeudi, 15 Septembre, 2016
L'Humanité

 

Manifestation contre la loi travail, le 28 juin 2016, à Paris. Pour la CGT, la mise en place généralisée des 32 heures sans perte de salaire, permettrait « arithmétiquement » de créer 4,5 millions d’emplois.
Manifestation contre la loi travail, le 28 juin 2016, à Paris. Pour la CGT, la mise en place généralisée des 32 heures sans perte de salaire, permettrait « arithmétiquement » de créer 4,5 millions d’emplois.
Photo : Julien Jaulin/Hanslucas
Manifestations, propositions alternatives, bataille juridique… Les syndicats sont sur la brèche. Après les meetings, la rue. Le mouvement social poursuit sa rentrée. Si l’abrogation de la loi travail reste le principal mot d’ordre, les organisations syndicales veulent faire entendre leurs revendications pour 2017. Lire la suite
C’est la reprise. Après l’adoption de la loi travail par la force fin juillet, quelques jours de vacances estivales, et les tours de chauffe à Nantes et à la Fête de l’Humanité, les salariés sont de retour sur le devant de la scène. Rassemblements, manifestations, grèves… de nombreuses actions sont prévues aujourd’hui dans toute la France, avec un objectif : obtenir l’abrogation de la loi travail. Au total, 110 rassemblements sont organisés, comme à Paris où le cortège partira à 14 heures, place de la Bastille. Une 13e journée d’action que certains, craignant la reprise du mouvement social, considèrent comme un « baroud d’honneur ». À commencer par le gouvernement qui, à la demande de la CFDT, du Medef et de la CGPME, s’empresse d’accélérer la publication des 127 décrets, nécessaire à l’application du texte. Un échéancier a d’ailleurs été établi ce vendredi. Les premiers décrets sont promis pour ce mois-ci, puis étalés entre octobre et janvier. Les plus dangereux concernant le référendum d’entreprise, les accords « offensifs » ou encore l’inversion de la hiérarchie des normes sur le temps de travail seront publiés en octobre. Le compte à rebours a commencé, mais l’intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL, Fidl) reste unie et déterminée à « tout faire pour que cette loi n’entre pas dans les entreprises ». Lire la suite

mercredi 14 septembre 2016

L’agriculture biologique pourra-t-elle nourrir la planète ?

L’agriculture biologique pourra-t-elle nourrir la planète ?

les grands débats de le fête
compte rendu réalisé par Marion d’Allard et Marie-Noëlle Bertrand
Mercredi, 14 Septembre, 2016
L'Humanité
  
Installé depuis quatre ans en haute-marne où il fait du maraichage bio, Baptiste vend ses productions sur le marché hebdomadaire de son village.
Installé depuis quatre ans en haute-marne où il fait du maraichage bio, Baptiste vend ses productions sur le marché hebdomadaire de son village.
Photo : Corinne Rozotte/Divergence
D’un côté, une population mondiale qui augmente et, avec elle, ses besoins en nourriture. De l’autre, une agriculture conventionnelle soutenue par un système intensif, responsable de la dégradation des ressources. Au centre, une question posée samedi à la Fête de l’Humanité : comment l’agriculture peut-elle répondre au double enjeu environnemental et alimentaire ?
L’agriculture biologique peut-elle nourrir la planète ? La question tend à se poser avec d’autant plus de sérieux que le système intensif qui domine est attaqué pour ses impacts environnementaux et sociaux délétères. Marc Dufumier, professeur émérite d’agriculture comparée à AgroParisTech, Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, Fanny Gaillanne, conseillère PCF-Front de gauche de Paris, porteuse d’un projet de halles alimentaires solidaires dans la capitale, et Claude Gruffat, de Biocoop, premier réseau bio en France, en ont débattu samedi, dans l’espace consacré à l’économie sociale et solidaire de la Fête de l’Humanité.
N’en demandons-nous pas trop à l’agriculture biologique en faisant d’elle la réponse aux déséquilibres environnementaux et sociaux induits par les systèmes actuels ?
FH 2016/Samedi 10/09/2016. Marc Dufumier. Halle Leo Ferré (Village ESS Economie Sociale et Solidaire). Débat : "L'agriculture biologique peut-elle nourrir tout le monde ?" Avec (de g à dr) Claude Gruffat (président de Biocoop), Fanny Gaillanne (conseillère PCF/FDG de Paris), Christiane Lambert (Vice-presidente de la FNSA) et Marc Dufumier (Président de la plate-forme pour le commerce équitable. Débat animée par Marie-Noelle Bertrand. Fête de l'Humanité, 10/09/2016. ©Bruno ArbesúMarc Dufumier Non seulement nous ne lui en demandons pas trop, mais nous ne lui en demandons pas assez. Si 800 millions de gens ont faim, ce n’est pas par manque de production alimentaire. Au contraire. Il y a aujourd’hui excédent de nourriture. Le problème est que trop de gens n’ont pas les moyens de l’acheter. C’est la pauvreté qui est à l’origine de la faim et de la malnutrition. Dans les pays du Sud, les exploitants familiaux ne peuvent rivaliser avec les excédents alimentaires que nous exportons. Ces pays seraient-ils capables de se nourrir si nous renoncions à exporter là-bas nos produits bas de gamme ? C’est la question à se poser. Et l’agriculture biologique est bien placée pour répondre à cet enjeu. Soyons un peu techniques : l’énergie alimentaire nous vient du soleil. Elle est gratuite et renouvelable. Nous pouvons en faire un usage intensif afin que les plantes la transforment en énergie alimentaire. De même, l’énergie que nous appelons sucre ou amidon n’est autre que de l’hydrate de carbone. Où la plante trouve-t-elle ce carbone ? Dans le gaz carbonique. Y a-t-il pénurie de CO2 dans l’atmosphère ? Non. Mais nous avons aussi besoin de protéines. Or une protéine, ce sont des hydrates de carbone ajoutés à de l’azote. L’azote, c’est de l’air. Faisons donc aussi un usage intensif de l’air. Quant aux hydrocarbures nécessaires à la fabrication d’engrais de synthèse, nous pouvons, là encore, les remplacer par l’énergie solaire. En résumé, c’est cet usage intensif de ce qui ne nous coûte rien et nous permet d’économiser ce qui nous coûte qui nous permettra de nourrir correctement l’humanité. Or tout cela ressemble fort à de l’agriculture biologique…
FH 2016/Samedi 10/09/2016. Christiane Lambert . Halle Leo Ferré (Village ESS Economie Sociale et Solidaire). Débat : "L'agriculture biologique peut-elle nourrir tout le monde ?" Avec (de g à dr) Claude Gruffat (président de Biocoop), Fanny Gaillanne (conseillère PCF/FDG de Paris), Christiane Lambert (Vice-presidente de la FNSA) et Marc Dufumier (Président de la plate-forme pour le commerce équitable. Débat animée par Marie-Noelle Bertrand. Fête de l'Humanité, 10/09/2016. ©Bruno ArbesúChristiane Lambert J’ai en mémoire une phrase d’Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture du général de Gaulle, qui, à l’époque où la France hésitait entre le développement de son agriculture et la politique de l’importation, disait : nous avons besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde. Nous avons besoins de plus d’alimentation, car la population mondiale va augmenter. Nous serons 9 milliards en 2050. Selon les démographes, plus de 50 % de la population mondiale se trouvera bientôt en Asie du Sud-Est. En parallèle, la surface agricole mondiale n’a augmenté que de 3 % en vingt ans. En France, même, elle diminue. Il nous faut donc produire mieux avec moins. Bref, l’agriculture biologique peut contribuer à nourrir la planète, mais seulement en complémentarité avec d’autres types d’agricultures qui, elles, peuvent progresser. Le système conventionnel évolue, de gré ou de force. La politique agricole commune (PAC) a mis en place la conditionnalité des aides : les agriculteurs ne les perçoivent qu’à condition de respecter 21 directives environnementales ou sur le bien-être animal. Plus récent : ce que l’on appelle le verdissement de cette même PAC pousse au maintien des prairies pour la biodiversité et à la diversité culturale. Les agriculteurs ne sont pas sourds ni autistes. Certains de leurs cahiers des charges ne sont pas bio mais portent d’autres libellés – tels que l’agriculture équitable – et définissent des démarches de plus en plus avancées. Enfin, les barrières entre ces modèles d’agricultures sont poreuses : aujourd’hui, via ma Cuma (1), j’utilise les mêmes appareils que mes collègues qui travaillent en bio.
L’amélioration de l’agriculture conventionnelle peut-elle suffire à répondre aux enjeux ?
Marc Dufumier Toute notre agriculture va devoir changer. Les antibiotiques dont on retrouve des traces dans la viande favorisent l’antibio-résistance ; les traces de perturbateurs endocriniens dans les fruits et légumes font courir le risque d’une multiplication, d’ici une quarantaine d’années, des cancers hormonaux dépendants... C’est, dès à présent, qu’il faut stopper cela ! Or, une chose est claire : l’utilisation des produits phytosanitaires ne diminue pas. On échoue totalement dans ce domaine. C’est vrai que monsieur Pisani disait qu’il y a de la place pour toutes les agricultures. Mais il parlait des diversités de terroirs, au Nord, au Sud... En aucun cas de faire coexister une agriculture bio avec une agriculture industrielle.
Comment rendre accessible à tous le bio qui, aujourd’hui, coûte plus cher que le conventionnel ?
FH 2016/Samedi 10/09/2016. Fanny Gaillanne. Halle Leo Ferré (Village ESS Economie Sociale et Solidaire). Débat : "L'agriculture biologique peut-elle nourrir tout le monde ?" Avec (de g à dr) Claude Gruffat (président de Biocoop), Fanny Gaillanne (conseillère PCF/FDG de Paris), Christiane Lambert (Vice-presidente de la FNSA) et Marc Dufumier (Président de la plate-forme pour le commerce équitable. Débat animée par Marie-Noelle Bertrand. Fête de l'Humanité, 10/09/2016. ©Bruno ArbesúFanny Gaillanne À Paris, 14,4 % des habitants des quartiers en zones sensibles urbaines sont touchés par l’insécurité alimentaire, contre 5,3 % dans les autres quartiers. Cette difficulté d’accès à une alimentation de qualité est donc financière et géographique. Avec notre projet de halles alimentaires, nous voulons réfléchir à toute la chaîne. Christiane Lambert parlait des hectares de terres agricoles qui diminuent, mais les paysans aussi souffrent et disparaissent. Nous parions donc sur un système visant la juste rémunération des producteurs via les circuits courts, la relocalisation des productions et, au final, les prix justes. Mais ce n’est pas la seule chose en jeu. À bien observer la cartographie de la vente de produits en circuits courts ou en Amap, on s’aperçoit qu’elle ne correspond pas à la cartographie des quartiers populaires dans notre ville. Ces halles alimentaires ne seront pas uniquement des lieux de distribution, mais aussi des espaces où l’on parlera d’alimentation. On pourra imaginer des rencontres, des cours de cuisine… Nous n’en sommes pas encore à imposer une véritable politique publique de l’alimentation à Paris, mais les métropoles doivent prendre en compte cet enjeu. Il nécessite des aides de la part des collectivités.
FH 2016/Samedi 10/09/2016. Claude Gruffat . Halle Leo Ferré (Village ESS Economie Sociale et Solidaire). Débat : "L'agriculture biologique peut-elle nourrir tout le monde ?" Avec (de g à dr) Claude Gruffat (président de Biocoop), Fanny Gaillanne (conseillère PCF/FDG de Paris), Christiane Lambert (Vice-presidente de la FNSA) et Marc Dufumier (Président de la plate-forme pour le commerce équitable. Débat animée par Marie-Noelle Bertrand. Fête de l'Humanité, 10/09/2016. ©Bruno ArbesúClaude Gruffat Pour construire Biocoop, nous nous sommes appuyés sur trois principes. D’abord, ne pas mettre les acteurs en situation de compétition. Ensuite, assurer l’équité, soit la juste répartition de la valeur ajoutée et le juste prix pour le producteur et le consommateur. Enfin, garantir la transparence, laquelle implique que l’on dise à l’avance ce que l’on prévoit de faire, afin que les autres soient en situation d’anticiper les besoins. Nous avons ainsi intégré quatre familles d’acteurs à la coopérative : les magasins, les producteurs, les consommateurs et enfin les salariés. C’est unique : je ne connais pas d’autres modèles d’entreprises qui associent des parties prenantes ne partageant pas les mêmes intérêts à court terme. Après quoi nous avons fait des choix en cohérence avec notre volonté de défendre l’environnement et un nouveau modèle de consommation. Nous avons choisi l’agriculture bio, paysanne et de proximité pour modèle agricole. Et nous avons choisi le commerce équitable pour modèle de commercialisation. Les bananes, le thé, le sucre, chez Biocoop, sont tous bio et équitables : il n’y en a pas d’autres. C’est un choix militant, en rien compétitif, dans la mesure où ces produits sont plus chers. Et bizarrement, les consommateurs répondent présent. Parce que ces choix sont une « mise en preuve » qu’un autre monde est possible. Utiliser les terres d’ici, pour créer des emplois ici et nourrir les gens d’ici, et laisser les terres de là-bas, pour créer des emplois là-bas et nourrir les populations de là-bas, c’est un choix qu’il faut porter.
Cette cherté relative est-elle inéluctable ?
Fanny Gaillanne Cette idée est très ancrée dans l’imagerie collective : le bio, c’est cher. Il y a différentes expériences sur ce point – celle des urbains et celle des ruraux, singulièrement. Et il est clair que les personnes qui se rapprochent des associations type Amap ou qui se rendent dans les Biocoop sont issues des catégories sociales moyennes ou supérieures, ou sont déjà sensibilisées à l’environnement. Quoi qu’il en soit, elles font ce choix de mettre un prix plus élevé dans leur alimentation. Je pense que ce n’est pas inéluctable. Longtemps, on a individualisé notre rapport à l’environnement, via des injonctions culpabilisantes – Mangez bio ! Achetez de la lessive sans phosphate ! –, sans suffisamment mettre en cause le système global. Mais je suis convaincue que l’on peut changer les choses. Si l’on ne parle que de la « marque » bio, qui signifie juste que le prix est plus cher et sans se soucier d’où viennent les produits et de leur bilan carbone, le bio ne peut pas être une solution. Il ne faut pas oublier qu’il y a derrière un système global qui influe sur les prix et l’image que l’on a de cette agriculture et de notre aptitude à y accéder.
Claude Gruffat Oui le bio est plus cher, et je le revendique. On ne peut pas dire : je fais de l’environnement et du social ici, et le vendre à concurrence de produits fabriqués à l’autre bout de la planète, sur un social et un environnement dégradés. Cela n’empêche pas de travailler sur cette question. D’abord, je vous invite à vérifier, le bio n’est pas plus cher aujourd’hui que certains produits conventionnels dans le secteur des fruits et légumes. La consommation de produits de saison renforce ce fait. Concernant les autres produits, la façon même de consommer permet d’améliorer l’accessibilité prix. Nous avons opté pour la vente en vrac : d’abord, c’est démarqué, et le consommateur ne paye pas le packaging. Cela lui offre aussi le moyen de se servir en fonction de son juste besoin et limite de fait le gaspillage. Rappelons-le enfin : le bio, de par son mode de production et de transformation, ne génère pas d’externalités négatives. À savoir de factures archivées pour la postérité. La dépollution des sols ou de l’eau a un coût qui devra être payé un jour ou l’autre. Or, si l’on incluait ce coût en rayons, le conventionnel serait nettement plus cher que le bio.
Christiane Lambert Je suis d’accord : un agriculteur en bio, même s’il perçoit des aides, fait le choix de rendements inférieurs. Cette année, celui du blé est en moyenne de 54 quintaux à l’hectare. Dans ma région, un producteur bio n’en tirera que 17 quintaux. Ce qui m’inquiète, c’est de voir la grande distribution lancer des promos sur des produits bio. Sous prétexte de le démocratiser, les enseignes tirent le prix payé aux producteurs vers le bas.
Marc Dufumier L’idée que le bio étant cher il n’est bon que pour les bobos, et que partant, les couches modestes n’auraient le droit qu’aux perturbateurs endocriniens, m’insupporte. Avec les 9 milliards d’euros consacrés au verdissement de la PAC, on pourrait faire en sorte que l’intégralité de la restauration collective, dans les crèches, les écoles, les lycées, soit bio dans six ans. Cette politique d’achat serait payante pour les paysans et permettrait à tous d’accéder au bio. Vous auriez des agriculteurs qui ne vivraient non plus de mendicité et de subventions à l’hectare, mais de la rémunération de leur travail et de la qualité de leur production. C’est ce que beaucoup demandent !

Trois ans de prison requis contre Cahuzac pour fraude et blanchiment

Trois ans de prison requis contre Cahuzac pour fraude et blanchiment

Mercredi, 14 Septembre, 2016
Humanite.fr
  
Photo : Lionel Bonaventure /AFP
Le parquet a requis mercredi trois ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité à l'encontre de l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac pour fraude fiscale et blanchiment. Deux ans ont été requis contre  son ex-femme.
Patricia Cahuzac, a certes "surpassé" son mari "dans la dissimulation de ses avoirs au fisc" a expliqué la procureur Eliane Houlette. "Le seul élément qui distingue vos situations, c'est que lui était ministre", a-t-elle lancé. L’ancien maire et ancien député a "trahi tous ses serments".
Le procureur Jean-Marc Toublanc a lui insisté sur "l'organisation d'une vie familiale enracinée dans la fraude pendant 20 ans": "à aucun moment il n'y a eu une prise de conscience. Pas même quand Jérôme Cahuzac est devenu président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale" en février 2010 et "se fait remettre 20.800 euros en espèces sur le trottoir parisien"…
Etaient jugés également le banquier François Reyl et l'homme d'affaires Philippe Houman. A l'encontre du banquier suisse et de l'intermédiaire, accusés d'avoir "organisé l'opacité" des avoirs, passés de Suisse à Singapour via des sociétés offshore, le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende. Contre la banque Reyl, qui a "mis sa technicité au service" de la fraude, il a demandé 1,875 million d'amende et une interdiction d'exercer toute activité bancaire en France pendant cinq ans.

Procès du mensonge

Dès le premier jour du procès, débuté le 5 septembre, Jérôme Cahuzac avait fixé une nouvelle ligne de défense, affirmant à la surprise générale avoir ouvert un premier compte à l'Union des banques suisses (UBS) de Genève en 1992 par l'intermédiaire d'un ami pour "financer les activités politiques" de feu Michel Rocard.
Ce procès est donc rapidement devenu le procès du mensonge et la "vérité" sera jugée "sur pièces", l'a prévenu le président Peimane Ghaleh-Marzban. Au fil des jours, l'ex-ministre s'est expliqué sur les circuits de l'argent: l'ouverture dès 1993 d'un compte en son nom propre chez UBS, nom de code "Birdie". Compte très vite géré par la banque Reyl, qui organise en 2009 le transfert de tous les avoirs - quelque 600.000 euros - à Singapour, via des sociétés offshore au Panama et aux Seychelles. La banque Reyl a nié toute "volonté d'opacité", assurant n'avoir répondu qu'au désir de "confidentialité accrue" du client. "On était très conscients de l'illégalité de tout cela" a reconnu son ex-épouse. Le couple de médecins versera aussi, de 2003 à 2010, des chèques de patients de leur clinique d'implants capillaires sur les comptes de la mère du chirurgien gagné par le virus de la politique.

Alstom : l'Etat complice de l’impuissance publique

Alstom : l'Etat complice de l’impuissance publique

industrie
Sébastien Crépel, Marion d’Allard, Olivier Morin et Lola Ruscio
Mardi, 13 Septembre, 2016
L'Humanité
  
François Hollande lors de sa visite à l’usine d’Alstom, au Creusot (Saône-et-Loire), le 7 décembre 2011. à ce moment-là, le candidat socialiste n’était pas avare de promesses aux ouvriers. photo jeff pachoud/afp
François Hollande lors de sa visite à l’usine d’Alstom, au Creusot (Saône-et-Loire), le 7 décembre 2011. à ce moment-là, le candidat socialiste n’était pas avare de promesses aux ouvriers. photo jeff pachoud/afp
AFP
Après l’annonce du projet de fermeture de l’usine de trains franc-comtoise, l’Élysée ordonne à ses ministres de plancher sur une solution qui ménage les actionnaires privés de l’entreprise, en écartant toute idée de nationalisation.
Regardez où je veux aller, ne vous occupez pas de savoir comment j’y parviendrai… ou pas. En substance, c’est ce que le gouvernement a annoncé, hier, au sortir de la réunion ministérielle de crise convoquée à l’Élysée après le choc provoqué par la décision d’Alstom de fermer son site de fabrication de trains de Belfort (Territoire de Belfort), sacrifiant 400 emplois sur 480. François Hollande a fixé « un objectif », celui de « faire en sorte qu’à Belfort les activités ferroviaires soient maintenues », a déclaré Michel Sapin après l’entrevue.
De stratégie industrielle de long terme et des moyens de garantir l’intérêt national dans la gestion d’Alstom, qui vit en bonne partie de la commande publique et dont l’État détient 20 % du capital, il n’a pas été question à l’Élysée, hier. Encore moins de prendre le contrôle de tout ou partie de l’entreprise, le nouveau secrétaire d’État à l’Industrie, Christophe Sirugue, ayant d’emblée exclu toute montée de l’État au capital.
Le ministre de l’Économie et des Finances a reçu pour mission de « travailler avec les élus, les organisations syndicales, la direction d’Alstom et l’ensemble de ceux qui, en capacité de passer un certain nombre de commandes en France, peuvent permettre d’assurer le plan de charge qui permettra de sauver » le site d’Alstom Belfort. En clair, l’État s’engage à réunir autour d’une même table l’ensemble des acteurs concernés pour assurer les commandes qui font défaut à l’usine. « Il y a des procédures d’appel d’offres. Nous allons simplement expliquer que notre intérêt commun, à la SNCF, à la RATP, aux régions, c’est de maintenir une filière ferroviaire forte », a expliqué le secrétaire d’État à l’Industrie. Une rustine qui débouchera peut-être sur un sursis bienvenu pour les employés de l’usine, mais très insuffisante, et qui résume à elle seule la doctrine du pouvoir en matière d’économie : temporiser plutôt que de prendre des décisions structurelles qui pourraient contrarier les intérêts des actionnaires privés, dont Bouygues, deuxième actionnaire après l’État avec 8 % du capital, suivi d’un ensemble de banques et de fonds d’investissement européens et américains détenant à eux tous la plus grosse part du gâteau.
Les salariés, eux, ne seront guère rassurés, échaudés par les précédents dans ce dossier. « Ce n’est qu’un objectif, on en prend acte, mais ce n’est pas suffisant, réagit Eddy Cardot, délégué CGT du personnel d’Alstom Belfort. On veut des choses concrètes de la part du gouvernement, comme des garanties qui assurent le maintien de l’activité à Belfort et de ses emplois. Pour le moment, il s’agit uniquement de paroles. »

La responsabilité d’Emmanuel Macron mise en cause

Et des belles paroles, les ouvriers de Belfort en ont déjà entendu. N’est-ce pas Emmanuel Macron, sévèrement mis en cause depuis hier et qui se dédouane aujourd’hui de toute responsabilité, qui avait déjà fixé le 28 mai 2015 comme ministre de l’Économie, avec les mêmes mots que François Hollande aujourd’hui, l’« objectif » (sic) de « zéro licenciement et des perspectives de redémarrage pour Alstom Transport » ? Celui qui a démissionné depuis du gouvernement était alors venu assurer les salariés de l’usine du soutien de l’État à l’occasion du découpage de la branche énergie du groupe pour la revendre au géant américain General Electric, privant Alstom de 70 % de son activité. Déjà menacés d’un plan social, les ouvriers avaient entendu le ministre leur vanter les « perspectives à court terme du marché » du TGV du futur de la SNCF, avec la commande de 400 rames, « 200 à l’international, 200 en France », et promettre 150 millions d’euros d’investissement…
Depuis l’annonce de la fermeture du site, la gêne du gouvernement est palpable dans ce dossier. La déclaration de Manuel Valls, dimanche, critiquant la « méthode inacceptable » d’Alstom, qui n’aurait pas informé préalablement l’État actionnaire de sa décision – ou plutôt : de sa volonté de rendre publique la décision, connue de longue date et attendue de tous, selon de nombreux connaisseurs du dossier –, résonne comme un aveu. Celui du choix délibéré de laisser sacrifier un fleuron de la construction ferroviaire, à rebours de toutes ses déclarations antérieures.
Le premier ministre a beau faire mine d’être tombé de sa chaise en apprenant le projet de fermeture de l’usine, l’État était au courant depuis longtemps : « Le plan a même été évoqué avec Bercy il y a plus d’un an mais il fallait laisser passer les élections régionales » de fin 2015, rapporte une source chez Alstom citée par le Journal du dimanche. « Cela fait trois ans qu’Alstom pose le cas de Belfort sur la table », confirme-t-on à demi-mot à Bercy, en évoquant un carnet de commandes n’allant pas au-delà de 2018. La précipitation de l’annonce et l’ampleur des réactions politiques ont finalement contraint François Hollande à réagir. Surtout après que l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, qui a laissé fermer ArcelorMittal à Gandrange contre toutes ses promesses, pose de nouveau en candidat qui ne « laisse pas tomber » les ouvriers… Mais aussi après les demandes qui montent à gauche d’aller jusqu’à la nationalisation, venant du PCF, du Parti de gauche ou de Jean-Pierre Chevènement.
Nonobstant les singularités du dossier Alstom, l’affaire a pourtant un goût de déjà-vu. Plus qu’une absence de volonté d’agir, c’est un déni idéologique que porte le gouvernement, et qui remonte au début du quinquennat, avec le refus de Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre de François Hollande en 2012, de nationaliser, même temporairement, l’usine sidérurgique d’ArcelorMittal de Florange. Un refus qui se justifiait d’autant moins sur le plan industriel qu’un rapport des affaires juridiques de Bercy affirmait que « la nationalisation sembl(ait) l’outil le plus adapté pour éviter la fermeture des hauts-fourneaux et permettre la sauvegarde de l’emploi ». La raison, Jean-Marc Ayrault l’a avouée sous cette interrogation : « Comment fera-t-on pour refuser aux salariés des chantiers de Saint-Nazaire ou à ceux de Petroplus une nationalisation que l’on aura acceptée pour Florange ? » Et tant pis pour l’enterrement des promesses de campagne de sauver le site…

Alstom fait le choix de délocaliser sa production

Le raisonnement vaut aujourd’hui pour Alstom, qui mène sa barque au gré des intérêts de ses actionnaires et de la croissance de ses bénéfices, avec la complicité active de l’État. « Nous ne savons pas où la direction d’Alstom amène le groupe. Nous n’avons aucun document, aucune information quant à la stratégie industrielle », dénonce Daniel Dreger, secrétaire adjoint CGT du bureau du comité de groupe européen. Mais pour le syndicaliste, derrière ce manque de transparence se cache surtout la volonté de la direction de « dégraisser », de tailler dans ses effectifs en France pour les gonfler ailleurs, là où Alstom, depuis plusieurs années, a fait le choix de délocaliser ses chaînes de production, sans que l’État n’y trouve rien à redire. Pologne, Afrique du Sud, Inde, Maroc… « La stratégie du groupe, c’est fabriquer de plus en plus dans les pays émergents et à moindre coût », résume le délégué CGT du personnel Eddy Cardot. Et de détailler : « Alstom a construit une usine ultramoderne au Kazakhstan, pour la fabrication des locomotives à traction lourde (transport de marchandises – NDLR). C’est autant de matériel que nous ne construirons plus sur le site de Belfort. »
Cette politique de délocalisation s’applique tout autant pour le marché domestique français que pour les commandes à l’export. Dans ces conditions, invoquer la baisse de commandes dans l’Hexagone a bon dos, même si elle est une réalité, fruit conjugué de l’austérité imposée au plan national et de celle décidée localement par certains exécutifs de collectivités enclins à serrer la vis de l’investissement public. Mais la raréfaction des commandes s’ajoute alors à une politique maison qui privilégie la construction hors de France. Par exemple, pour un train Régiolis (TER fabriqué par Alstom sur son site alsacien de Reichshoffen), 80 % des matériaux sont achetés à des sous-traitants dont seulement 40 % sont installés en France. « Une partie de cette fabrication pourrait tout à fait être relocalisée et prise en charge par Alstom », estime Daniel Dreger. À condition de faire le choix de maintenir l’emploi au détriment du profit de court terme. Car, comme le confirme le syndicaliste, « l’usine Alstom en Pologne tourne 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 avec des salariés beaucoup moins payés que nous ».

mobilisation citoyenne pour sauver alstom
Une pétition a été mise en ligne sur la plateforme change.org, vendredi dernier, pour soutenir les 480 salariés menacés par la fermeture du site de l’usine Alstom d’ici à 2018, à Belfort. Plus de 6 000 personnes l’ont déjà signée, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Lancée par le député maire de Belfort Damien Meslot (LR), le sénateur maire de Beaucourt Cédric Perrin et le président du conseil départemental du Territoire de Belfort Florian Bouquet, elle est adressée au PDG d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, et au président de la République. «La fermeture du site de Belfort n’est donc pas qu’une mauvaise nouvelle pour notre région mais aussi un coup dur porté à l’industrie française», peut-on lire sur le site de la pétition. En parallèle, une manifestation est organisée dans les rues de la cité du Lion, ce jeudi.

Jean-Luc Mélenchon : « la conscience est l’enjeu de la lutte ! »

Jean-Luc Mélenchon : « la conscience est l’enjeu de la lutte ! »

Jean-Jacques Régibier
Samedi, 10 Septembre, 2016
Humanite.fr
  
PHOTO GUITEL DORIAN CE3P
A l’Agora de la Fête de l’Humanité, le candidat à l’élection présidentielle a appelé à une grande mobilisation contre la peur et contre les forces de la finance. « Je ne suis pas candidat contre les partis », a-t-il assuré.
D’entrée de jeu, Jean-Luc Mélenchon a tenu à faire une mise au point sur le fond de ses intentions politiques, au moment où il se lance dans une nouvelle campagne présidentielle qu’il considère comme «  décisive » : «  où bien je suis élu, ou bien il me faudra changer de poste de combat ! » a-t-il asséné devant une Agora surchauffée. Son constat fondamental sur l’état de la société française au moment où débute cette campagne, c’est la désorientation complète dans laquelle se trouve la majorité des gens, aussi bien à gauche qu’à droite. Une situation explosive, conséquence, selon lui, de dix années de règne sans partage de la finance sur toutes les sphères de la société, et qui frappe toutes les catégories sociales, c’est ce qui est nouveau. Aussi bien celui qui travaille mais ne peut pas vivre de son salaire, que le cadre supérieur mis à la porte pour être remplacé par un jeune qui sera doté d’un contrat au rabais, et sous-payé. «  Les gens ne s’y retrouvent plus », résume Jean-Luc Mélenchon, «  neuf millions de personnes vivent dans la pauvreté », et pourtant, ce n’est pas la parole progressiste qui a la main. La seule chose qui est en mesure de rassembler, « c’est l’insoumission », scande-t-il sous une salve d’applaudissements, reprenant le titre du mouvement qui porte aujourd’hui ses couleurs. 
Mélenchon repousse la critique qui lui a été adressée d’une candidature en solo qui se ferait en marge des autres forces de gauche, et sans concertation avec elles. «  Je ne suis pas candidat contre les partis », veut-t-il convaincre, et il énumère, «  je suis écologiste, républicain, socialiste… »
Quelle chance sa candidature a-t-elle de déboucher sur un résultat qui changerait la donne politique et  la situation dans laquelle le pays se trouve englué ? Jean-Luc Mélenchon a fait ses calculs. Rappelant que Jean-Marie Le Pen était parvenu au second tour de la présidentielle de 2002 avec 4 millions huit cent mille voix, il considère en disposer de son côté déjà de 4 millions et pense qu’il est possible de convaincre deux millions de personnes supplémentaires, « il faut aller chercher les résignés, les abattus (…) Nous pouvons y arriver. » Même s’il considère qu’à l’heure actuelle, ce n’est pas le camp progressiste qui a la main (une situation commune à toute l’Europe où c’est la droite et l’extrême-droite qui dominent), il veut qu’on la reprenne, et en est convaincu : «  on sera au deuxième tour ! » Discours militant, mobilisateur, largement applaudi, mais comment rassembler suffisamment dans la conjoncture ? C’est sans doute là que Jean-Luc Mélenchon se distingue actuellement de tous les autres candidats déclarés à gauche. Il rejoint aussi une préoccupation parfois confuse, souvent en recherche de la bonne formulation, mais qu’on entend un peu partout ce week-end dans les débats, les textes ou les simples discussions qui se déroulent à la Fête de l’Humanité : c’est du côté des gens, de tous les gens, dans leur multiplicité, leur variété, dans leurs différentes manières de voir le vivre-ensemble, que la politique, c’est-à-dire, la démocratie, doit passer. Mélenchon cite Marx: c'est la conscience qui est l’enjeu de la lutte (pas la richesse). Pour conquérir cette «  hégémonie idéologique », il faut tabler sur la richesse de l’histoire de France dans ce domaine, spécialement bien sûr sur ses révolutions, la grande et toutes celles qui ont forgé le XIXème siècle. «  La résistance à l’exploitation, c’est culturel » pour Jean-Luc Mélenchon, il en voit la preuve dans la très forte mobilisation contre la loi El Khomri. « A la fraternité, à la force du lien social, le capitalisme veut substituer, un nouveau type de sentiment : la peur. La peur à la maison, au travail, dans la rue ». Les meurtres de masse s’inscrivent parfaitement dans ce type de logique contre laquelle Mélenchon se propose de lutter, en s’appuyant justement sur les mobilisations actuelles, dans la mesure ou, en plus de leur propre contenu, elles opposent un démenti puissant à toutes les tendances à la soumission et au repli sur soi. «  La politique, ce n’est pas que de la raison pure, c’est aussi des sentiments », ajoute le candidat à la présidentielle.
Sur les grands points programmatiques de sa candidature, Mélenchon rappelle sa conviction qu’il « faut sortir des traités européens » qui ont amené à une dégradation constante de la situation économique et de celle de l’emploi depuis plus de 10 ans en France. Il appelle à «  produire en France », non pas par nationalisme, mais parce qu’il faut «  cesser de tout délocaliser ». « La France doit être capable d’être auto-suffisante sur tous les grands chapitres de la production et de ses besoins », explique-t-il.
Jean-Luc Mélenchon rappelle qu’il est aussi pour que la France sorte de l’OTAN. Il refuse en effet de voir notre pays entraîné par les Etats-Unis dans une guerre contre la Russie, une hypothèse qu’il juge très sérieuse, si l’on finit par se laisser aller – c’est aussi le credo de l’Europe - dans un soutien aux «  illuminés de l’Ukraine contre la Russie ». Il  assigne au contraire une toute autre place à la France dans le monde : celle d’un pays universel, conformément à sa tradition, se plaçant à la tête d’un nouvel ensemble de «  pays non-alignés », indépendants des Etats-Unis, en lien avec tous ceux qui dans le monde, souffrent de l’hégémonie américaine.
Jean-Luc Mélenchon a tendu la main à tous les autres groupes politiques, rappelant que « la France insoumise » était un mouvement, pas un parti, ni «  une camisole ». Le mouvement appartient à ceux qui le font, pas à nous ! » a-t-il conclu sous les applaudissements nourris d’un public très nombreux, auquel il semble offrir une vraie alternative politique dans cette campagne.