lundi 27 février 2017

Politique. Après l’affaire Fillon, comment éviter de tomber dans le piège du « tous pourris » ?

Politique. Après l’affaire Fillon, comment éviter de tomber dans le piège du « tous pourris » ?

Jeudi, 23 Février, 2017
L'Humanité

Avec les contributions de Éric Alt, magistrat, Isabelle Attard, députée EELV du Calvados et Daniel Lebègue, président de Transparency International France.
Rappel des faits. Les révélations au sujet de l’emploi d’assistante parlementaire de Penelope Fillon ont créé un climat de fin de régime. Quel rebond pour le débat démocratique ?

  • Il est urgent de lancer des réformes institutionnelles par Éric Alt, magistrat (*)
     
François Fillon avait tweeté : « Il y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l’argent public. » Il n’avait pas anticipé l’effet boomerang. Mais, grâce à lui, nous en savons plus sur les privilèges de nos représentants. Sans doute sont-ils majoritairement honnêtes et rares sont ceux qui font un usage désinvolte de leurs « enveloppes collaborateurs ». Mais, sauf quelques notables exceptions, ils n’ont pas eu le courage de remettre en cause leurs petits avantages : absence de contrôle des frais de mandat, distribution des fonds de la réserve parlementaire pour maintenir des clientèles. Ils ne se sont pas inquiétés du spectacle de l’inviolabilité parlementaire invoquée non pour protéger la fonction, mais pour se soustraire à la justice. Grâce à lui, nous savons que la justice est égale pour tous, mais que certains se veulent toujours plus égaux que d’autres. Le parquet national financier fait son travail et ce serait un scandale… Sans doute préfèrent-ils la Cour de justice de la République, qui ménage les intérêts des puissants. Ou des procureurs qui demandent des consignes à la chancellerie…
Grâce à lui, nous en savons plus sur les parlementaires consultants, qui gagnent plus en consultant qu’en légiférant. Le mandat n’est alors plus qu’une activité annexe, qui peut être pratiquée en dilettante. Nous attendons ce que le déontologue de l’Assemblée nationale va dire d’un député qui facturait légalement 200 000 euros ses consultations à un assureur et qui souhaitait favoriser l’assurance privée en limitant le champ de la Sécurité sociale.
Grâce à lui, nous prenons la mesure de la dégradation de notre système présidentialiste, de l’addiction de certains de nos représentants à la richesse et au pouvoir, de la porosité entre le politique et l’économique… Mais en prenant conscience que le pire est probable, nous réalisons que le meilleur est possible.
Le meilleur n’est pas utopique. Ce serait tout simplement le retour à nos fondamentaux, inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789, dont le préambule rappelle que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ». Il s’agit seulement de donner de l’effectivité aux principes qui fondent la République. Car l’égalité devant la loi, l’égalité devant l’impôt, la liberté d’expression (la liberté de la presse), le droit pour les citoyens de demander compte aux agents publics de leur administration, leur égale admissibilité aux emplois publics, la séparation des pouvoirs (l’indépendance de la justice) sont autant d’obstacles aux abus et à la corruption. Il s’agit aussi de donner de l’effectivité aux droits économiques et sociaux, proclamés par la Déclaration de 1946, et toujours « particulièrement nécessaires à notre temps ».
Le décalage est aujourd’hui considérable entre ces principes fondamentaux et la réalité d’une monarchie républicaine, d’un pouvoir oligarchique et d’une souveraineté populaire devenue « zombie » – comme le dit si bien la politologue Chantal Mouffe. Les premières manifestations de rue contre la corruption témoignent qu’un seuil d’exaspération a été atteint.C’est pourquoi il y a urgence démocratique à faire des réformes institutionnelles majeures, à restituer au peuple une souveraineté dont il a été dépossédé, à sortir d’une culture politique frelatée. L’association Anticor propose, dans sa charte éthique pour la présidentielle, une déclinaison contemporaine des fondamentaux de la République. Ce serait déjà un premier pas pour retrouver un idéal politique où les citoyens reprennent la main pour décider de leur destin.
(*) Vice-président d’Anticor, association luttant contre la corruption et visant à rétablir l’éthique en politique.

Institution. Que peuvent les profs face au sexisme à l’école ?

Institution. Que peuvent les profs face au sexisme à l’école ?

Entretien réalisé par Mina Kaci
Mercredi, 22 Février, 2017
L'Humanité

Françoise Vouillot, enseignante-chercheuse, synthétise le rapport sur la formation des personnels de l’éducation à l’égalité entre filles et garçons que le Haut Conseil a remit le 22 février 2017.
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a remis une étude sur la formation des personnels de l’éducation nationale au principe d’égalité. Sa corapporteure, Françoise Vouillot, déplore la persistance des stéréotypes et rappelle le rôle de l’école dans ce combat.
En quoi l’école est-elle centrale pour construire une société égalitaire ?
Françoise Vouillot Les élèves passent, en moyenne, entre quinze et dix-huit ans de leur vie à l’école, à raison de trente heures par semaine. C’est un temps crucial dans le développement intellectuel, social et émotif des futurs citoyens et citoyennes. Ce temps correspond à une période primordiale du petit humain. À l’école, on ne fait pas que découvrir les maths, la géo ou l’histoire, on y apprend aussi à devenir des filles et des garçons, des femmes et des hommes. Mais, comme ailleurs, l’école reste traversée par les stéréotypes de sexe et par les normes de masculinité et de ­féminité, par du sexisme, par ce que ­Françoise Héritier appelle la « valence différentielle des sexes », où le masculin vaut plus que le féminin. En famille et dès les premières années d’école, ils vont être exposés à ces normes de sexe, dont les enseignants n’ont pas toujours conscience.
Le comportement des enseignants est-il vraiment différent selon qu’ils s’adressent aux filles ou aux garçons ?
Françoise Vouillot Nous nous appuyons sur plusieurs années de recherche en ­sociologie ou en sciences de l’éducation qui montrent, dans différentes facettes de la vie à l’école, la réalité de certains comportements. Par exemple, on pense souvent que les garçons sont, « par ­nature », plus doués pour les maths et la physique. De même, en classe, les enseignants ont tendance à interagir plus fréquemment avec les garçons qu’avec les filles. Les sanctions disciplinaires, elles, concernent très majoritairement les premiers, avec pour conséquence de les amener à considérer le système punitif comme un moyen de se faire valoir et d’affirmer sa virilité. Les recherches ont également mis en lumière que les garçons occupent davantage l’espace à la récréation, tandis que les filles restent cantonnées sur les côtés de la cour.
Comment expliquez-vous le comportement des enseignants ?
Françoise Vouillot Les personnels ont été eux aussi, dans leur vie, imprégnés par les rôles assignés au masculin et au féminin ainsi que tous les stéréotypes de sexe qui façonnent la société.
Quel bilan faites-vous de la formation des enseignants sur cette question ?
Françoise Vouillot Depuis la loi de refondation de l’école, en 2013, il existe un module de formation à l’égalité entre filles et garçons dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espe). Sans nier les progrès, on constate néanmoins que l’offre de formation demeure incomplète. Dans l’enquête réalisée par le HCE, seule la moitié des Espe – douze sur les vingt-quatre qui ont répondu à notre étude – considèrent avoir formé la totalité de leurs étudiants et étudiantes. Cela reste très hétérogène : l’Espe de Créteil, par exemple, délivre une cinquantaine d’heures, tandis que d’autres organisent juste un débat de deux heures.
Pourquoi une telle situation ?
Françoise Vouillot Il y a vraiment un manque de personnels compétents pour assumer ces formations. Le cahier des charges du ministère n’est pas opérationnel pour l’instant car les moyens humains ne suivent pas. Et puis, les étudiants des Espe eux-mêmes ne sont pas toujours demandeurs, peu conscients de ces enjeux. Sans doute estiment-ils que nous sommes déjà dans une école égalitaire et républicaine.
Quelles propositions faites-vous ?
Françoise Vouillot Déjà, dans tous les Espe, on ne devrait habiliter que les maquettes de formation qui contiennent un module suffisamment long sur la question de l’égalité, pour être sûr que l’ensemble des ­enseignants soit sensibilisé. D’autres ­recommandations insistent également sur la nécessité d’une formation continue des acteurs du système éducatif, afin qu’ils changent leurs représentations, exercent un œil critique sur leurs outils ­pédagogiques et modifient leur pratique ­professionnelle.
Six recommandations du HCE
Dans les six propositions émises par le Haut Conseil à l’égalité, il est souligné la nécessité de conforter la présence de personnes ressources sur l’égalité dans chaque école supérieure du professorat et de l’éducation. De même, il est recommandé de faire de l’égalité une connaissance requise pour obtenir des diplômes d’enseignant, de personnel d’inspection, de direction, de conseiller d’orientation, de psychologue et de conseiller principal d’éducation. Il est, entre autres, suggéré de sensibiliser les présidents de jury de concours et d’intégrer cette question dans l’évaluation des stages des professeurs débutants.

France Hollande en panne d’arguments face aux paysans

France Hollande en panne d’arguments face aux paysans

Lundi, 27 Février, 2017
Humanite.fr

Pour sa dernière inauguration officielle du Salon de l’agriculture, le chef de l'État a pris tout son temps. Mais, outre des banalités d’usage, il n’avait rien à dire aux paysans. Car il ne porte aucune réflexion protective sur ce que doit être une agriculture qu’il conviendrait, de soustraire aux ravages du libéralisme mondialisé auquel il ne s’est jamais opposé depuis qu’il est à l’Elysée
La presse quotidienne nationale de ce lundi matin a zappé l’inauguration du Salon de l’agriculture par François Hollande. Comme à son habitude, le chef de l’Etat s’y est pourtant longuement attardé. Mais il y a longtemps que sa parole ne suscite plus le moindre intérêt dans un monde paysan partagé entre la colère, la rencoeur et le découragement. D’où cet abandon de la parole présidentielle par la presse écrite. D’ailleurs, ce président en fin de mandat n’avait rien de positif à dire aux paysans comme en témoignent ses propos défensifs entendus sur les chaînes de télévision : « A ceux qui remettent en cause l’Europe, il faut rappeler ce qu’était l’agriculture avant l’Europe. Certes, il faut repenser la Politique agricole commune, mais il faut la préserver », a dit le chef de l’Etat. En raison de son flou, le propos du président de la République appelle quelques commentaires. En premier lieu, la situation des paysans n’a jamais été aussi dégradée qu’en ce moment depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Selon la Mutualité sociale agricole 50% des exploitants agricoles ont dégagé un revenu moyen de 350€ par mois en 2016. Ils étaient déjà  20% dans ce cas en 2014. Cela ne veut nullement dire que la sortie de l’Europe soit la solution. La bonne question c’est plutôt quelle politique européenne?

Des prix en baisse de  25 à 30% en deux ans

Les principales raisons de cette chute des revenus en 2016 sont la baisse du prix du lait de 25 à 30% par rapport à 2014 du fait de la sortie des quotas laitiers. Cette sortie s’est traduite par une augmentation de la production européenne de 4% en volume dès l’année 2015. C’est donc une décision politique prise en 2010 avec l’accord de Nicolas Sarkozy et de son Premier ministre François Fillon qui est à l’origine de la baisse du prix du lait. Mais depuis qu’il est président, François Hollande a contribué à aggraver la situation des éleveurs laitiers comme des éleveurs de porcs. En étant en pointe pour mettre en place des sanctions économiques contre la Russie en 2014, il a fait de sorte que les paysans français soient les premières victimes de l’embargo russe sur les productions européennes de viande porcine et de produits laitiers, ce qui a accentué la chute des cours au sein de l’Union européenne. Cette tendance s’est poursuivie en 2016, tandis que de mauvaises conditions climatiques ont réduit de 30% en moyenne la production céréalière française augmentant ainsi considérablement le nombre de paysans en difficulté. Enfin François Hollande ne semble pas trop savoir de quoi il parle quand, pour parer au plus pressé, il affirme : « il faut rappeler ce qu’était l’agriculture avant l’Europe». D’abord la France était déficitaire en produits agricoles et une demande plus importante que l’offre se traduisait par des prix plus rémunérateurs dans les années 50 qu’en 2016. Ensuite, les premières années de politique agricole commune (PAC) entre les six pays fondateurs (1) se sont traduites par des prix rémunérateurs garantis à travers une discussion annuelle des prix, des mesures de gestion des marchés, la taxation douanière relativement élevée des produits agricoles en provenance des pays tiers.

De l’Europe des 6 à celle des 28 pays membres

Mais cette politique  agricole fondée sur la préférence communautaire a été progressivement démantelée à partir des années 1980-1990 tandis que l’Europe continuait de s’élargir passant de 6 pays à 9 puis à 12, à 15, à 25 et enfin à 28. Il s’agit là d’un périmètre bien trop grand pour une zone de libre échange pour les produits agricoles. C’est d’autant plus vrai que les salaires des ouvriers agricoles comme des salariés de l’industrie agro-alimentaire sont aujourd’hui quatre à six fois plus bas qu’en France dans des pays comme la Pologne, la Roumanie ou la Bulgarie. Ce dumping social handicape la compétitivité de l’agriculture française comme celle de son industrie agroalimentaire. Comme si cela ne suffisait pas, la France a, sous la présidence de François Hollande, donné plusieurs mandats de négociation à la Commission européenne pour conclure des accords de libre échange avec des pays tiers qui veulent nous exporter sans droits de douanes de la viande et des céréales. Or nous n’arrivons pas à vendre tout ce que nous produisons, sauf à brader dans des pays tiers trop de produits finis à des prix qui ne couvrent pas leur prix de revient. Ainsi, l’accord conclu récemment entre l’Europe et la Canada va permettre à ce pays de nous exporter à droits nuls des dizaines de milliers de tonnes de viande bovine en morceaux nobles. Leur arrivée sur nos marchés fera chuter durablement les cours de la charolaise et des autres races à viande sur les champs de foire en France.
Quand François Hollande dit sur le Salon qu’il y a « une politique agricole commune qu’il va falloir repenser », il oublie de dire qu’elle a été repensée à plusieurs reprises depuis près de quarante ans afin d’y introduire toujours plus de libéralisme dans une stratégie de pillage du travail des paysans qui, aujourd’hui, met en danger notre souveraineté alimentaire. Ce dont l’ancien président du Conseil général du département de la Corrèze ne semble pas se rendre compte en parlant comme il l’a fait samedi sur le Salon de l’agriculture.
(1) Il s’agissait de la France, de la République fédérale allemande, de l’Italie, de la Belgique, des Pays Bas et du Luxembourg   

Pierre Laurent : « Notre responsabilité est de nous unir pour ouvrir une voie nouvelle »

Pierre Laurent : « Notre responsabilité est de nous unir pour ouvrir une voie nouvelle »

entRetien Réalisé paR auRélien soucheyRe et Maud VeRgnol
Lundi, 27 Février, 2017
L'Humanité

Le secrétaire national du PCF revient sur la situation à gauche, où la volonté populaire rejoint le travail patient des communistes pour un rassemblement à gauche. Pierre Laurent appelle, notamment, à un projet beaucoup plus ambitieux et transparent face à la droite et au FN.
 
Alors que la plupart des journaux titraient il y a encore une semaine sur l’enterrement du rassemblement à gauche, un climat nouveau s’est créé depuis ce week-end. Les électeurs écologistes ont approuvé hier à une très large majorité l’accord conclu entre Yannick Jadot et Benoît Hamon, alors que celui-ci a rencontré Jean-Luc Mélenchon vendredi soir. Dès le début de la semaine dernière, le PCF, avec son adresse au peuple de France, avait rappelé l’enjeu d’un tel rassemblement face aux dangers de la droite et du FN, en posant ses exigences pour « un pacte de majorité » qui garantisse le changement. Entretien.
L’accord conclu jeudi entre le candidat socialiste et EELV représente-t-il une première étape du rassemblement de la gauche que vous appelez de vos vœux ?
PIERRE LAURENT Une chose est sûre, et je m’en félicite, un climat nouveau s’est créé à gauche ces dernières semaines. Cela a été rendu possible par la poussée de la volonté d’unité chez les électeurs de gauche autour de programmes de rupture avec les politiques conduites par François Hollande. C’est heureux, parce que les menaces sont très graves. L’initiative qu’a prise le PCF en début de semaine dernière avec son adresse au peuple de France, au moment où les journaux titraient sur l’enterrement du rassemblement à gauche, a joué un rôle extrêmement positif. Les discussions doivent s’élargir pour passer d’un accord PS-EELV, avec ses acquis et ses limites, à un pacte de majorité de toute la gauche qui permettra de gouverner.

mardi 21 février 2017

Nouvelles du monde sur une terre qui se réchauffe

Nouvelles du monde sur une terre qui se réchauffe

Mardi, 21 Février, 2017
Humanite.fr

Le marqueur le plus déterminant de l’évolution du siècle en cours sera le réchauffement climatique. C’est pourtant le plus le moins pris en compte car le plus mal compris par les candidats à l’élection présidentielle de cette année 2017. A méditer en France en cette année électorale.
Le réchauffement n’exclut pas des périodes de froid intense en divers lieux de la planète. La modification des courants marins pourrait même nous valoir dans quelques décennies des hivers plus froids qu’aujourd’hui dans le cadre d’un réchauffement global. Des projections faites récemment par le CNRS et d’autres organismes internationaux indiquent que près de la moitié des modèles de projections simulent une baisse rapide de la température des eaux de l’Atlantique nord suite à la modification de ces courants marins induite par la fonte des glaces.
En attendant, la lecture, ou relecture, de dépêches d’agences apporte chaque jour son lot de nouvelles préoccupantes. Le 16 février, on apprend par une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) qu’un « phénomène climatique  exceptionnel caractérisé par un hiver extrêmement rigoureux a décimé cette année dans les steppes mongoles plus de 40 000 animaux d’élevage et menace des dizaines de milliers de nomades, a averti la Croix-Rouge jeudi dernier, lançant un appel international (…) « La raréfaction des pâturages pendant l’été empêche les chèvres, moutons et vaches de se nourrir suffisamment pour supporter ensuite les rigueurs hivernales, lorsque les températures  tombent sous 50 degrés Celsius », indique cette dépêche. Le 10 février, une autre dépêche de l’AFP débute ainsi : « Malgré quelques précipitations début février, la sécheresse hivernale, d’une ampleur inédite en Savoie, reste problématique et la préfecture appelle à la vigilance, notamment en montagne avec l’affluence des vacanciers. En l’absence de précipitations significatives entre mi-novembre et fin janvier, ce qui n’a jamais été observé depuis le 19ème siècle selon Météo France, le département a été placé le 5 janvier en vigilance sécheresse ». Ajoutons que beaucoup de départements français n’ont pas vu beaucoup de pluie cet hiver, même si certains ont été ponctuellement inondés. Ainsi, les pluies hivernales ont été trop rares jusqu’à présent dans la plupart des régions françaises. Beaucoup de barrages et de nappes phréatiques demeurent sous-alimentés en ce début d’année 2017.

Les conséquences du dumping social et environnemental

Le 9 février, une autre dépêche de l’AFP était ainsi titrée : « L’Europe en manque de légumes après les intempéries en Espagne ». L’information débutait ainsi : « Salades rationnées en Angleterre, flambée des prix de courgettes, les inhabituelles intempéries hivernales dans le sud-est de l’Espagne, potager de l’Europe, ont fait chuter la production, perturbant l’approvisionnement du reste de l’Europe (...). La production espagnole a chuté de 30% tout comme le volume des exportations  (.. .) L’Espagne fournit 80% des laitues d’Europe en cette saison le reste provenant d’Italie  et l’Italie souffre aussi. Les prix se sont mis à flamber en Europe : le double pour les salades en Allemagne, le triple en Finlande. Le prix des courgettes a été multiplié par 4 à 5 en France mi-janvier ». Voilà où mène aujourd’hui l’application aveugle de la théorie des avantages comparatifs fondée sur le dumping social et environnemental.
Le 7 février, une autre dépêche de l’AFP commence ainsi : « Une épaisse couche de smog gris enveloppe les villes polonaises cet hiver ; c’est le symptôme le plus visible de la dépendance de la Pologne au charbon, et un phénomène récurrent qui force des gens à rester chez eux où à s’équiper de masques filtrants (…) Environ 70% des ménages polonais brûlent du charbon de mauvaise qualité, voire des déchets dans leurs vieux poêles, tandis qu’une grande partie de l’électricité du pays vient de centrales à charbon (…) le charbon était à l’origine de 81% de l’électricité produite en Pologne en 2015 ». C’est dans ce pays que Whirpool veut transférer son usine qui produit des sèche-linge en 2018 supprimant au passage 290 emplois à Amiens et augmentant en Pologne le bilan carbone de la production de ses machines à sécher le linge. Ce qui se passe en Pologne devrait aussi faire réfléchir en France les candidats à la présidentielle qui préconisent une fermeture rapide de nos centrales nucléaires sans calculer ce que couteront et pollueront les importations de gaz, de fioul et de charbon pour remplacer l’atome dans notre production électrique.

Saisie de rémunération, comment ça se passe et jusqu’à quel montant ?


Saisie de rémunération, comment ça se passe et jusqu’à quel montant ?

Daniel Roucous
Mardi, 21 Février, 2017
Votre rémunération peut être saisie pour non paiement de dettes, d'impôts ou de pensions alimentaires. Jusqu’à combien ? Le barème 2017.
Le salaire, les indemnités journalières maladie-maternité-accident du travail, la retraite, l’ASPA (allocation de solidarité au personnes âgées – ex minimum vieillesse), les allocations de chômage etc. peuvent être saisis directement, en tout ou partie, auprès de l’employeur, de la caisse de retraite ou de Pôle emploi, dans le cas de pensions alimentaires non versées, d’impôts restant dus au Fisc, de loyers impayés, de dettes, d’achat à crédit non honorés etc.
Attention sont insaisissables : l’AAH, l’ASS et l’AI (Allocation d’insertion), les allocations familiales et de logement, les rentes accidents et maladies professionnelles, la retraite du combattant et le RSA (Revenu de solidarité active).
C’est le juge du tribunal de grande instance qui décide de la saisie et de son montant après une tentative non aboutie de conciliation.
Elle se fait selon ce et est calculée à partir du salaire net mais ne peut priver le débiteur d’un minimum de ressources équivalent au , soit par mois :
- 537,17 € pour une personne seule,
- 802,76 € pour deux personnes (un couple ou le débiteur + une personne à charge) ou 916,29 € si parent isolé avec un enfant à charge.
Ce barème fractionne la rémunération en tranches et dépend du nombre de personnes à charge (conjoint, partenaire d’un PACS, enfants, ascendants dont les ressources ne dépassent pas le RSA et que le débiteur héberge ou verse une pension aliementaire). A chaque tranche correspond une fraction saisissable qui s’additionne à la précédente.
Par exemple : le débiteur perçoit un revenu net de 1 500 € par mois et vit seul sans personne à charge. Il sera retenu  sur son salaire ou son revenu : 277,68 € (tranche de rémunération inférieure à 1 497,50 €) + 2,50 € (partie comprise entre 1 497,50 et 1 500 € = 280,18  € de retenue totale par mois.

En cas de difficultés financières, deux possibilités pour la personne menacée de saisie de rémunération :
- demander au juge aux affaires familiales (JAF) la révision de la pension alimentaire sur la base des articles et
- lorsque la saisie de salaire est en cours, obtenir du juge un délai de grâce ou un échelonnement de la créance et même la mainlevée de la saisie.
Références :

Liens utiles :

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La lente asphyxie des centres de protection maternelle et infantile

La lente asphyxie des centres de protection maternelle et infantile

Mardi, 21 Février, 2017
L'Humanité

Le département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, projette de déconventionner les structures de santé préventives destinées aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 6 ans. Les professionnels du secteur s’organisent pour éviter la casse de ce service public.
C’est un délitement silencieux, une asphyxie à bas bruit dont les premiers à faire les frais seront les plus fragiles. Hier, les professionnels de santé et de l’éducation réunis à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) ont dénoncé la décision du conseil départemental de se désengager du financement de plusieurs centres de protection maternelle et infantile (PMI). Une « rationalisation » qui aboutira à moins de puéricultrices, moins de psychologues… Le tableau décrit est inquiétant pour ce service public indispensable, qui veille au bon développement médical et psychosocial des enfants et de leur famille, notamment dans les quartiers populaires. La première alerte remonte à novembre 2016. « Lors d’une réunion avec les professionnels du secteur, une chef de service au conseil départemental a remis ouvertement en cause le conventionnement entre le département et la mairie de Gennevilliers pour le financement des deux PMI municipales de la ville », explique le Dr Julie Etcheberry, qui travaille à la PMI Timsit

Grippe aviaire. Les 600 000 canards des Landes vont être abattus

Grippe aviaire. Les 600 000 canards des Landes vont être abattus

avec afp
Mardi, 21 Février, 2017
Humanite.fr

Plus un seul canard d'élevage dans les Landes ! Alors que l'épizootie de grippe aviaire n'est toujours pas stabilisée, le ministre de l'Agriculture a annoncé ce mardi, avant de se rendre sur place, l'abattage de toutes les bêtes de ce département, premier producteur de foie gras en France.
"On a déjà abattu beaucoup de canards sur la partie est du département, on sait qu'il reste une zone sur laquelle on va agir pour abattre l'ensemble des canards pour essayer de stabiliser cette zone", a indiqué Stéphane Le Foll dans un entretien à France Bleu Gascogne, avant de répondre par l'affirmative lorsqu'on lui demandait s'il faudrait abattre les 600.000 canards d'élevage du département. Le ministre doit se rendre précisément mardi après-midi dans les Landes, à Mont-de-Marsan. Il doit y rencontrer éleveurs, producteurs de foie gras et agents des autorités sanitaires du département, ainsi que des élus de toute la région.
"Il ne reste plus que cette partie ouest (des Landes) qu'il faut qu'on traite, malheureusement", a ajouté M. Le Foll, pour qui "il va falloir aller vite dans l'abattage des canards pour qu'on puisse avoir une stabilisation de l'ensemble de la zone, c'est ça l'objectif". Des zones de protection vont être mises en place pour éviter les réimplantations de canards et les mouvements de canards.
Le ministre espère ainsi faire "action de prophylaxie" (prévenir l'extension de l'épizootie) et "bâtir ensuite une reprise de la production, à des délais qui vont être à affiner avec les professionnels mais ça prendra plusieurs semaines". La FDSEA des Landes, branche locale du principal syndicat agricole FNSEA, s'était dite jeudi dernier favorable à un abattage total des canards avec vide sanitaire pour lutter contre le virus de la grippe aviaire, estimant que les mesures prises jusque là étaient "dans l'impasse", comme le montre la multiplication des cas de H5N8 dans le Sud-Ouest.
Les Landes, premier producteur national de foie gras, représentent à elles seules un quart de la production française. Quelque 463 communes du Sud-Ouest avaient déjà fait l'objet d'un abattage préventif, après le dernier arrêté paru au journal officiel mercredi dernier. Dans la région, les Landes étaient d'ores et déjà le département le plus touché, avec 171 communes, devant le Gers (154 communes).
Stéphane Le Foll a indiqué qu'il n'y avait pas pour l'instant d'autre abattage prévu dans les départements voisins des Landes, dans un entretien avec la chaîne BFM TV. "On a mis en place et on va continuer à mettre en place des avances et des indemnisations sur les abattages dès mars", a assuré M. Le Foll avant de marteler: "l'Etat a été là l'an dernier, l'Etat sera là cette année". Repéré fin novembre sur des oiseaux sauvages, le virus H5N8 se propage depuis dans les élevages de palmipèdes du sud-ouest. Au 14 février, 246 foyers infectieux avaient été recensés dans des exploitations agricoles et 28 cas dans la faune sauvage.
Dès le 4 janvier, la France a lancé une politique d'abattage massif et préventif de palmipèdes dans la zone, pour tenter d'enrayer cette épizootie, amenée au départ par les oiseaux migrateurs et souvent transmise par les déplacements d'animaux d'un élevage à l'autre. "Les autorités sanitaires font face à un virus avec une propagation d'une virulence jamais vue et des délais d'incubation qui sont extrêmement courts", a rappelé Stéphane Le Foll. Les professionnels de la filière foie gras avaient d'ores et déjà évoqué la semaine dernière un virus "très agressif", qui met à mal les procédures habituelles, et qui entraîne une épizootie plus difficile à éradiquer que celle entraînée l'an dernier par une autre souche d'influenza aviaire, le H5N1.
Mais dans les deux cas, les professionnels du foie gras ont d'ores et déjà annoncé une facture très lourde: cette année comme l'an passé, l'influenza aviaire devrait coûter 270 millions d'euros à l'ensemble de la filière, mais cette fois dans une zone géographique beaucoup plus restreinte et avec un impact d'autant plus grand pour les entreprises concernées.

lundi 20 février 2017

2017 devra être décoloniale !


2017 devra être décoloniale !

Vendredi, 17 Février, 2017
Humanite.fr
Difficile de ne pas bondir, de ne pas se sentir en colère (mais aussi épuisé.e.s) face à tous les phénomènes, représentations, images, propos et petites phrases véhiculant du racisme et du colonialisme, qui traversent encore aujourd'hui les milieux culturels en France. Qui jalonnent le quotidien des artistes et des citoyen.ne.s racisé.e.s français.e.s, comme autant de petites et grandes agressions. Qui offensent au final l'ensemble de la société et de l'humanité.
Nous sommes en 2017 et les relents coloniaux et racistes sont toujours profondément ancrés dans notre pays, toujours prêts à se réactiver dans les consciences, les représentations, les discours. Tout un pan de l'histoire reste méconnu, l'ignorance crasse et les discours erronés s'affichent sans honte. L'exotisme simplificateur et idéalisé tient souvent lieu de représentation des racisé.e.s. Divertissement et humour se font au mépris et sur le dos des anciens colonisés, et de leurs descendant.e.s aujourd'hui citoyen.ne.s français.e.s.
Pendant ce temps, pouvoir, argent, parole, visibilité et légitimité demeurent concentrés aux mains d’un groupe d’hommes blancs privilégiés – caste qui la plupart du temps dénie pouvoir être vectrice de racisme, et qui s'offusque dès qu'on pointe ou interroge ses gestes ou ses discours. Le milieu artistique et culturel n’y échappe pas.
Retours sur quelques faits et épisodes marquants des temps actuels et des mois passés.
« Le Bal nègre »
L'ouverture du cabaret « Le Bal Nègre » à Paris fut une des preuves et illustrations de cette présence du colonial. Guillaume Cornut, trader et pianiste, décide de faire ré-ouvrir cette salle historique ayant connu son heure de gloire en France dans les années 1920-30. Ceci par « passion pour la culture afroaméricaine » et pour « renouer avec l'esprit des Années folles ». Occultant que ces années 1930 sont aussi celles de l'Exposition coloniale, que le mot « nègre » possède une historiographie complexe et qu'il n'a rien de neutre. Selon Guillaume Cornut c’est « au premier degré, un nom magnifique, dansant, chantant et coloré ». En 2017, une telle essentialisation raciste des personnes et des « musiciens de sang noir », comme Cornut les appelle, laisse sans voix... Au final, c'est bien l'exotisme et la nostalgie coloniale qui semblent être au coeur de ce projet. Suite à la polémique et à l'intervention du CRAN, le lieu est annoncé comme devant être prochainement débaptisé. Pour autant le projet de ce cabaret de divertissement demeure fondamentalement problématique. Précisément parce que cet homme qui se définit comme « passionné de jazz américain », culture qui demeure pour lui lointaine et mythifiée, ignore le contexte historique dans lequel une telle salle a pu exister en France. Il nie l’ascendance commune et douloureuse qui lie les africains américains et les antillais de nationalité française. Dans les propos dont il accompagne l’annonce de l’ouverture de sa salle, il perpétue les préjugés du début du 20è siècle, largement partagés y par compris par les intellectuels de l’époque, faisant revivre aux descendants de colonisés les termes nauséeux du « bon temps des colonies ».
Racisme anti-asiatique à la télévision
En décembre 2016, un sketch de Kev Adams et Gad Elmaleh, diffusé sur M6, égrène pendant dix minutes des poncifs, blagues et représentations caricaturales des Asiatiques, les deux humoristes ayant revêtu des costumes et perruques sortis d'un imaginaire asiatisant de pacotille. Plusieurs tribunes sur les réseaux sociaux dénoncent ce racisme, dont celle d'Anthony Cheylan de Clique TV. Mais à l'approche du Nouvel An Lunaire, la télévision refait des siennes : une annonce pour une émission de Cauet demande des « figurants chinois sachant faire l'accent » pour un « karaoké ». Puis le soir-même du Nouvel An, le 28 janvier 2017 sur TF1, l'émission Stars sous hypnose animée par Arthur réactive des absurdités et des approximations consternantes sur les Asiatiques : l'hypnotiseur Messmer demande à deux stars blanches de devenir maîtres de Kung Fu, de se verser des bols de riz sur la tête, de faire « le salut chinois » en poussant des « cris en chinois », etc... Sous couvert d'humour, ce sont des représentations insultantes, sans aucun fondement de réalité qui sont convoquées, ignorant et niant absolument la diversité des peuples et des cultures des différents pays d'Asie : « les Chinois » devient une catégorie générique fantasmée, dans laquelle l'on ne craint pas de mélanger allègrement les références aux cultures du Japon, de la Chine, du Viêtnam, etc. Et malgré les interpellations, aucune explication ni excuse bien sûr de la part de ces humoristes et animateurs.
« The Color line » au Musée du Quai Branly
Cette importante exposition est consacrée à des artistes afro-américains dont les oeuvres témoignent des exils, de l'esclavage et de la ségrégation aux USA. Avant même l'ouverture de l'exposition début octobre 2016, le livret pédagogique destiné aux jeunes visiteurs fait polémique : on y lit des énormités comme « les discriminations raciales se sont terminées aux Etats-Unis en 1964 ». Ou encore « La plupart [des esclaves] avaient été vendus par des Africains à des Européens, puis emmenés en Amérique pour travailler. Ce commerce va durer du 17ème au 19ème siècle. Certains étaient très malheureux et maltraités, alors que d'autres avaient une vie plus agréable.» Face à la mobilisation de militant.e.s et d'associations, le livret est retiré. Mais minimiser ou nier la responsabilité européenne de l'esclavage, énoncer des contre-vérités historiques insultantes sont des phénomènes malheureusement trop courants. Qui transmet l'histoire aux enfants et comment est-elle transmise ? Comment une institution comme le musée du Quai Branly a-t-elle pu confier la rédaction d'un document pédagogique à un éditeur aussi peu solide scientifiquement ? Et surtout, à quand une exposition nationale qui parlerait du racisme et de l'esclavage dans le monde colonial français ? En 2001, une loi est votée reconnaissant que la traite et l'esclavage sont « crime contre l’humanité », la France est le premier pays à le faire. Pourtant, seize ans plus tard (!), aucune grande exposition nationale n’a été programmée sur l’esclavage colonial français et le racisme qui l’a accompagné, ni aucune sur la représentation du non-Blanc dans l’histoire de l’art en France. Si des expositions locales ou partiellement privées existent sur le sujet, il semble que les institutions muséales nationales tardent à s’emparer du sujet, y compris pour permettre une lecture, dans les musées existants, des transformations sociétales ayant émergé du fait de l’esclavage et de la colonisation.

Sexisme et racisme à la FIAC 2016
La « chaise humaine » de l'artiste norvégien Bjarne Melgaard avait déjà fait scandale en 2014 : cette oeuvre représente une femme-objet noire, nue et ligotée, érotisée et fétichisée, jambes en l'air, servant de support de siège, où la milliardaire blanche Dasha Zhukova avait posé assise pour une interview (c'est la photo qui avait déclenché la polémique). D'autres oeuvres similaires de l'artiste, directement reprises des femmes-objets d'Allen Jones, sont exposées et vendues à la FIAC 2016 à Paris – notamment une femme noire semi-nue à quatre pattes servant de support de table basse design, où trônent quelques livres d'art et un portable Macintosh... L'artiste norvégien, bien évidemment, se défend d'être raciste, mais veut tenir sa réputation de provocateur...

Le T-shirt « Justice pour Adama » censuré dans un clip musical sur W9
Dans le clip Je suis chez moi de Black M, le chanteur et plusieurs de ses comparses portent le T-shirt « Justice pour Adama. Sans justice vous n'aurez jamais la paix ». En septembre, la chaîne M6 W9 choisit de flouter le T-shirt dans le clip en question, « par souci de neutralité face à une affaire encore non jugée ». Cette censure apparaît bien comme une prise de parti, alors que l'affaire Adama Traoré prend les dimensions d'une affaire d'Etat sur la question des violences et des meurtres policiers en France.

Un black-face à la télévision
En juin, dans l'émission de Cauet, Loris Giuliano vient danser sur le plateau ridiculement grimé en femme noire, black-face, perruque afro et seins-ballons sous une robe, et se frotter au chanteur Keen V pendant la chanson Fatoumata. Il ose même se vanter de cette plaisanterie sur les réseaux sociaux, avant, face à la polémique, de s'excuser pour « cette blague de mauvais goût », en niant toute intention raciste de sa part. Le CSA est interpellé sur l'affaire.

Les Molières et Touchi-Toucha
Décoloniser les Arts choisit en mai 2016 de dénoncer la sélection monochrome du jury des Molières (sur 86 artistes nommés, une seule artiste racisée), en se rassemblant silencieusement devant les Folies Bergère avec des pancartes interrogeant le racisme par omission du jury. Or à l'intérieur de la salle, Alex Lutz, maître de cérémonie de la soirée, a imaginé un stratagème pour faire taire les primés trop bavards : un personnage nommé Touchi-Toucha, grand noir sans parole au physique de videur, monté sur roulettes, ayant pour rôle de toucher les artistes pour écourter leurs discours... Personne dans la salle ne s'insurge contre cette représentation qui, sous couvert de plaisanterie, mélange une série hallucinante de clichés racistes et colonialistes. Aucune excuse ni explication non plus de la part d'Alex Lutz ou de France 2.
Annonces et castings
Nous aurions pu aussi lister de nombreuses annonces de castings pour la télévision ou le cinéma qui s'appuient sur des stéréotypes racistes et culturalistes, et que doivent affronter les comédien.ne.s racisé.e.s au quotidien. Et dans les théâtres ? En 2016, Décoloniser les Arts a mis en évidence le racisme par omission de nombreuses programmations de théâtres et scènes labellisées, et a interpellé les structures en question à travers une lettre ouverte (qui n'a reçu quasiment aucune réponse directe). En effet, les artistes racisé.e.s et leur travail ont bien peu de fenêtres de visibilité dans les lieux culturels. Les oeuvres porteuses de cultures minoritaires, de récits abordant l'histoire de l'esclavage, de la colonisation ou des immigrations sont considérées par un grand nombre de programmateurs et programmatrices comme marginales, peu prioritaires, secondaires, voire illégitimes ou non universelles. Certains théâtres et lieux plus attentifs à ces questions ont entrepris cette saison d'organiser des débats sur la « diversité », le racisme ou le décolonial. Point positif, mais il ne faudrait pas qu'il ne s'agisse que d'une façade, qui exonèrerait les structures et leurs décideurs de travailler à transformer réellement les imaginaires, les pratiques de programmation et la prise en compte des artistes racisé.e.s.
Et dans les écoles d'art ?
Il nous semble qu’aucun domaine n’échappe à cette présence du colonial et du racisme. Elle revient sourde, masquée ou franche. Nous avons ainsi pu lire dans le volume 5 de la revue Arts@sBulletin, sous la plume d’une professeure à l’École Normale Supérieure, un article où tous les poncifs sont recyclés, comme la vieille hiérarchie raciale qui construit une échelle civilisationnelle avec l’Occidental au sommet, l’Asiatique au milieu et l’Africain tout en bas. L’enseignement dans les écoles d’art reste occidentalo-centré.
Si nous choisissons dans cette liste rétrospective de mêler des exemples de la télévision comme du théâtre, des arts visuels comme des musées, du secteur public comme du secteur privé, c'est parce que l'inconscient raciste et colonial fait système. Un système socialement, historiquement et culturellement bien enraciné, capable d'atteindre tous les secteurs, tous les cercles et disciplines, tous les esprits. Un système capable de produire des caricatures grossières et affligeantes de personnes racisées, des approximations historiques et des phrases erronées, des dérapages énormes comme de petites maladresses, ou encore la mise en marge d'artistes racisé.e.s, de leurs oeuvres ou thématiques de travail.
Voulons-nous continuer à nourrir ce système ? Ou devons-nous travailler, tou.te.s ensemble, à endiguer ces mécaniques systémiques ? À contribuer à la formation et la prise de conscience de chacun.e, comme de nous-mêmes : pour que les artistes, les professionnel.le.s, les décisionnaires, les spectateurs-trices, jeunes et moins jeunes, confirmé.e.s ou en devenir, deviennent acteurs et actrices d'une société plus égalitaire et représentative, qui dise non au racisme et aux réflexes coloniaux intégrés, aux inégalités de traitement, aux représentations toxiques, aux mises en marge. Cela passe aussi par un travail d'honnêteté et de conscience. Dans les milieux de la culture, personne ne se revendique raciste, personne n'avoue avoir des intentions racistes. Pour autant, sans être intrinsèquement raciste, n'importe qui (y compris les personnes racisées) peut être vecteur de gestes, de propos ou d'actes véhiculant du racisme ou un imaginaire colonial. Il faut en prendre la mesure. Car ces actes et propos viennent reconduire le système, blesser, insulter ou minorer des personnes et leurs cultures – c'est-à-dire abîmer une part de notre humanité.
Nous appelons de nos voeux un art et une culture où les racisé.e.s cessent d'être objets de moquerie, de divertissement, d'exotisme, de fantasme.
Où les personnes et artistes racisé.e.s puissent au contraire prendre la parole et créer légitimement, avec leurs propres voix et leurs outils : donner à entendre des pans d'histoire méconnus, faire exister des cultures minorées et entrecroisées, diversifier les formes sans céder aux sirènes formatées des esthétiques dominantes, rendre fondamentaux les récits complexes sur l'esclavage, la colonisation, les immigrations... Ou bien d'ailleurs faire tout autre chose, sans assignations.
Nous observons qu’aucun des candidats à l’élection présidentielle ne s’est saisi de ce thème. On nous parle tout au plus de « diversité », mais cette dernière ne pourra avoir de sens que si elle est accompagnée de cette décolonisation que nous visons. Le recyclage de discours coloniaux faisant de la colonisation une « rencontre », tout comme l’évitement du rôle et de la place de la question raciale dans ce pays, nous font comprendre à quel point ceux qui souhaitent nous diriger choisissent de nous ignorer. Nous le savons depuis Aimé Césaire, pas de colonisation innocente, et sans effet-retour sur la société qui a colonisé.
Cette décolonisation des imaginaires, des pratiques et des institutions – qui contribuera à une connaissance accrue de l'histoire, à une représentativité de l'ensemble de la population, mais aussi à un élargissement du sensible, une ouverture de l'universel vers le pluriversel – est impérative, nécessaire, politiquement urgente. 

Risque de coup de froid en Atlantique nord


Risque de coup de froid en Atlantique nord

Entretien réalisé par Marie-Noëlle Bertrand
Vendredi, 17 Février, 2017
L'Humanité
climat. Publiée jeudi, une étude du CNRS revoit à la hausse la probabilité d’un refroidissement rapide de l’Atlantique nord. Entretien avec l’un de ses coauteurs, Giovanni Sgubin (1).
Le risque de refroidissement de l’Atlantique nord est identifié depuis longtemps. Qu’est-ce qui vous conduit à conclure qu’il est plus proche de nous qu’envisagé ?
Giovanni Sgubin Cette possibilité d’un refroidissement dans l’Atlantique nord avait, jusqu’à présent, toujours été étudiée au regard d’un éventuel ralentissement de la circulation des courants marins à grande échelle, la circulation thermohaline. La plus connue de ses composantes est le courant du Gulf Stream : il entraîne de l’eau chaude en surface au nord, et favorise ainsi la douceur climatique qui caractérise l’Europe. Puis il tombe en profondeur et repart vers le Sud. Une des possibilités étudiées consistait à envisager un ralentissement de cette circulation induite par le réchauffement climatique. Tout indique que ce processus serait lent. Notre étude, elle, porte sur la possibilité plus localisée d’un ralentissement du phénomène de convection en mer du Labrador. Et, dans ce cas, le processus pourrait être plus rapide.
Pouvez-vous nous le décrire ?
Giovanni Sgubin La mer du Labrador est située au sud-ouest du Groenland. Elle est un siège majeur de convection de l’océan Atlantique : pendant l’hiver, lorsque les températures de l’atmosphère sont très froides, les eaux superficielles, déjà relativement salées, donc denses, se refroidissent. Ce refroidissement augmente encore leur densité et elles finissent par tomber en profondeur. S’opère alors un mélange des eaux superficielles et de fond, plus chaudes. Tout cela conduit au final à un transfert de chaleur vers la surface. Le changement climatique va bouleverser deux choses : d’abord, la température va sensiblement augmenter. Mais surtout, du fait d’un accroissement des précipitations dans cette région, l’eau de surface va ­devenir moins salée. Cela va réduire sa densité. Passé un certain seuil, elle ne plongera plus au fond, et le transfert de chaleur n’aura plus lieu.
Quel impact cela peut-il avoir sur l’ensemble du climat ?
Giovanni Sgubin Si cette interruption de la conduction devait se produire, elle pourrait aboutir, localement, à un refroidissement brusque – en moins de dix ans – des eaux de surface qui perdraient 2 à 3 °C. Cela pourrait avoir des effets sur les températures des côtes ouest de l’Europe et est de l’Amérique du Nord. Nous avons étudié 40 modèles climatiques, dont 11 particulièrement fiables. Sept de ces 40 modèles, soit 17,5 %, montrent que cette interruption pourrait se produire. Parmi eux, 5 figurent au rang des modèles les plus fiables. Autrement dit, 45 % des modèles fiables nous indiquent qu’une baisse rapide des températures en Atlantique nord pourrait se produire avant la fin du siècle. Jusqu’alors, cette probabilité était quasiment nulle.
Complique-t-elle notre capacité à construire une stratégie d’adaptation aux bouleversements climatiques ?
Giovanni Sgubin Tous les modèles d’adaptation étudiés aujourd’hui se réfèrent à l’hypothèse d’un réchauffement de cette région. Cela dit, nos résultats n’augmentent pas profondément le niveau ­d’incertitude quant aux climats futurs : le Giec (Groupe intergouvernemental ­d’experts sur le climat – NDLR) le prend déjà en compte dans ses conclusions. Nous ne faisons qu’établir un lien entre cette incertitude et un phénomène ­océanographique.

Debout pour la justice et l’égalité

Debout pour la justice et l’égalité

 
Humanite.fr

Texte collectif. Combien de Théo souffrirons-nous encore ? Parce que ça ne peut plus durer, parce que rien ne se fera sans implication citoyenne, nous lançons aujourd'hui cet appel : Debout pour la justice et l'égalité !
Un témoignage nous hante depuis le 2 février : celui d’un jeune travailleur aulnaysien hospitalisé depuis lors, Théo Luhaka. Les constats médicaux sont dramatiquement clairs : le jeune homme est blessé au niveau du visage et du crâne, porte « une plaie longitudinale du canal anal » et a subi une « section du muscle sphinctérien », ce qui a nécessité une prescription de 60 jours d'incapacité totale de travail. Une matraque l’a atteint gravement sur une dizaine de centimètres, ce qui pourrait entraîner une infirmité permanente. Nul doute que la vie de Théo Luhaka est bouleversée à jamais.
Qui est responsable de ce crime abject, de ce viol intolérable ? Le témoignage de Théo Luhaka, appuyé par de nombreuses vidéos, est sans appel : des fonctionnaires de police, chargés d’assurer la sécurité de notre peuple, sont accusés. Et remontent ces mots d’Émile Zola : « La France a sur la joue cette souillure » (« J’accuse »). Assurément, on ne saurait sombrer dans les amalgames visant à faire penser que tous les policiers du pays sont des violeurs en puissance ou des complices malfaisants. Cependant, 12 ans après la mort de Zyed et Bouna fuyant des forces de police perçues comme des agresseurs à Clichy-sous-Bois, quelques mois après celle d’Adama Traoré dans le Val-d’Oise, nul ne pourra plaider le « dérapage d’individus isolés », le nuage égaré dans un ciel serein.
La situation est grave et appelle une réaction.
En premier lieu, la justice doit faire son travail, tout son travail, avec la fermeté qui s’impose.
Le viol n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Il est, selon l’article 222-23 du Code pénal, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». On le sait, le sentiment d’impunité face au viol et aux violences sexuelles en général est massif. Il est difficile d’en parler, d’être pris au sérieux par les autorités lorsqu’on se décide à porter plainte, a fortiori quand l’accusé est un agent des forces de l’ordre dans l’exercice de ses fonctions. Nous saluons le courage de Théo et nous mettons en garde tous ceux qui minimisent ce crime qu’est le viol : banaliser le viol nous met en danger toutes et tous.
Le racisme n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Un fonctionnaire de police, en aucun cas, quelles que soient les circonstances, quelle que soit la personne à laquelle il s’adresse, ne peut proférer d’injures racistes. Non, « bamboula », ça ne reste pas « à peu près convenable » comme l’a prétendu un policier du syndicat Unité SGP Police. Ces paroles qui minimisent et justifient l’intolérable sont une honte pour ceux qui les prononcent et pour ceux qui ne les condamnent pas ; elles disent aussi la profondeur du problème raciste qui concerne, on est contraint de le constater, plus que quelques individualités policières marginales. Le racisme est une arme de destruction massive : quand on est au service de la République, on ne le minore pas, on le combat avec la dernière des énergies.
L’homophobie n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Des humoristes en quête d’audience croient utile à leur carrière de faire rire sur ce drame et de donner dans une homophobie tranquille, associant viol et relation homosexuelle. C’est abject. Théo a été victime de sévices et d’insultes (« fiotte », « salope ») qui n’ont rien d’une relation homosexuelle mais tout d’un sadisme phallocratique.
La discrimination n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Comment ne pas constater que ces abominations ne concernent pas indistinctement tous les habitants de notre pays ? A-t-on jamais entendu qu’un vieux banquier du 7e arrondissement de Paris avait eu l’anus accidentellement ravagé par une matraque policière lors d’un contrôle d’identité impromptu ?
Ça suffit ! Ne laissons pas faire. Le peuple de France a fait 3 Révolutions, a fait surgir la Commune de Paris, a lutté dans la Résistance et mené tant de combats pour que ce mot figure au plus haut : l’égalité.
Ce chemin révolutionnaire et républicain, tout montre que nous nous en sommes écartés. Il est grand temps de le reprendre. C’est un nouveau contrat qu’il faut forger, entre la police républicaine et notre peuple, entre les citoyens de ce pays quels que soient leur passé, leur couleur, leur sexe, leur lieu de vie, leur classe. C’est urgent et ça ne se fera pas sans notre implication déterminée : debout pour la justice et l’égalité !
 
 
Premiers signataires :
Guillaume Roubaud-Quashie (professeur d’histoire-géographie, directeur de La Revue du projet), Gilles Dehais (président de SOS Homophobie), Augustin Grosdoy (coprésident du MRAP), Emmanuelle Piet (présidente du Collectif féministe contre le viol), Suzy Rojtman (coporte-parole du CNDF), Louis-Georges Tin (président du CRAN), Abdelkrim Branine (rédacteur en chef de BEUR FM), Frédéric & Guillaume Coyère (graphistes), Didier Daeninckx (écrivain, prix Goncourt de la nouvelle 2012), Seloua Luste Boulbina (philosophe), Alain Ruscio (historien), Alice Zeniter (écrivaine, prix littéraire de la Porte Dorée 2010), Malik Zidi (acteur, César 2007), Éliane Assassi (sénatrice de Seine-Saint-Denis), Hélène Bidard (maire adjointe de Paris), Sidi Dimbaga (maire adjoint de Bagneux), Camille Lainé (SG MJCF), Denis Ömur Öztorun (maire adjoint de Bonneuil-sur-Marne), Philippe Rio (maire de Grigny).
Dominique Vidal (journaliste), Eric Fassin (politiste - Paris-8), Pierre Serna (historien - Paris-1), Bertrand Badie (politiste - Sciences-Po), Jean-Loup Amselle (anthropologue - EHESS), Catherine Coquery-Vidrovitch (historienne - Paris-7), Paul Ariès (rédacteur en chef des Z'Indigné(e)s), Chantal Jaquet (philosophe - Paris-1), Sophie Wahnich (historienne - CNRS), Davy Castel (psychologue - Amiens), Corinne Luxembourg (géographe - Arras), Jean-Numa Ducange (historien - Rouen), Jérôme Valluy (sociologue - Paris-1), Pierre Crépel (président de l'Académie des sciences, belles lettres et arts de Lyon), Gilles Candar (historien, président de la Société des études jaurésiennes), John Barzman (historien - Le Havre),  Stéphanie Loncle (Arts du spectacle - Caen), Roland Pfefferkorn (sociologue - Strasbourg), Jean-Paul Scot (historien - CPGE) Yvette Lucas (sociologue - CNRS), Ivan Lavallée (informaticien - Paris-8), Patrick Ribau (géographe - Paris-7), Isabelle Garo (philosophe - CPGE), Catherine Mills (économiste - Paris-1), Anne Jollet (historienne - Poitiers), Florian Gulli (philosophe - Besançon), Janine Guespin (microbiologiste - Rouen), Jocelyne Dakhlia (historienne - EHESS), Amar Bellal (rédacteur en chef de Progressistes), Marie-Claude L'Huillier (historienne - Bretagne occidentale) Michel Fize (sociologue - CNRS), Guy Burgel (géographe - Paris-10), François Eychart (président de la société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet), Olivier Le Cour Grandmaison (politiste - Evry), Lenny Benbara (journaliste - Le Vent se lève) Pascal Acot (philosophe - CNRS), Jean-Noël Aqua (physicien - Paris-6), Natacha Coquery (historienne - Lyon-2), Robert Clément (président du CG 93 1993-2004), Ian Brossat (maire adjoint - Paris), André Chassaigne (député), Anthony Daguet (maire adjoint - Aubervilliers), Pascale Labbé (conseillère départementale de Seine-Saint-Denis) Francis Wurtz (député européen honoraire).

Le grand bingo du CAC 40 payé cash par les salariés


Le grand bingo du CAC 40 payé cash par les salariés

Vendredi, 17 Février, 2017
L'Humanité
Déjà 56 milliards : à mi-parcours de leur publication, les bénéfices des grandes entreprises s'annoncent exceptionnels.
Depuis le début du mois, les résultats des entreprises du CAC 40 tombent les uns après les autres. Ce jeudi, un peu plus de la moitié de ceux des 40 entreprises qui constituent l’indice phare parisien sont connus. Et le cru 2016 s’annonce excellent. À mi-parcours seulement de leur publication, les bénéfices, avec 56 milliards d’euros cumulés, frôlent déjà ceux réalisés par la totalité du CAC 40 en 2015, où ils avaient terminé à près de 60 milliards d’euros. Un trou d’air à l’époque, après une année 2014 où ils avaient approché les 70 milliards d’euros. En 2016, le redémarrage en fanfare des bénéfices s’est nourri de baisses des « coûts » essentiellement réalisées sur la masse salariale. À l’instar de Danone, Michelin, ArcelorMittal ou encore Vinci. Quatre groupes qui, en dépit de chiffres d’affaires en baisse, ont réussi à accroître leurs profits. Fin 2015, Michelin, malgré des résultats en hausse, annonçait la fermeture de trois de ses usines afin de « moderniser ». Restructurations aussi chez Sanofi ou BNP. Dans le Puy-de Dôme, le géant de la pharmacie envisage de vendre ou de démanteler le site de Vertolaye, parmi les pistes envisagées pour parvenir au 1,3 milliard d’euros d’économies à réaliser en 2017, après 650 millions déjà réalisés en 2016. Et il vise désormais 1,5 milliard pour 2018. Chez BNP Paribas, l’objectif n’est pas différent. Malgré un bénéfice de 7,7 milliards d’euros, en hausse de 15 %, la banque « a déçu » les analystes financiers

Jean-Luc Mélenchon, la preuve par les chiffres

Jean-Luc Mélenchon, la preuve par les chiffres

JuLia HamLaoui, GréGory marin et auréLien soucheyre
Lundi, 20 Février, 2017
L'Humanité

Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France insoumise soutenu par le PCF, a présenté hier le chiffrage  d’un programme qui fait la part belle à l’investissement public.
Jean-Luc Mélenchon est souvent interrogé, si ce n’est critiqué, sur la faisabilité de son programme. « Où est votre chiffrage ? » lui lance-t-on régulièrement sur les plateaux de télévision. La question est légitime. Le souci, c’est qu’elle est la plupart du temps posée quand le candidat de la France insoumise propose d’éradiquer la pauvreté, de préparer une planification écologique, d’augmenter les salaires et de renouer avec une retraite à 60 ans, comme s’il était communément admis que le progrès n’est plus finançable. Le député européen, en meeting, a coutume d’inverser la question : « Et le malheur, combien il coûte ? Et la bêtise ? Et la destruction de la planète ? On me demande sans arrêt comment je paie ceci ou cela. Quand est-ce qu’on va demander combien coûtent les gens qui meurent à cause de la pollution ? » Le candidat soutenu par le PCF précise ensuite, régulièrement, que le progrès, lui, rapporte… C’est cette philosophie, économiquement chiffrée, qui a été présentée hier, lors de l’émission Combien ça coûte, l’Avenir en commun ? diffusée en direct sur YouTube.

CETA. Entre les multinationales et les citoyens, le Parlement européen a choisi


CETA. Entre les multinationales et les citoyens, le Parlement européen a choisi

Jeudi, 16 Février, 2017
Humanite.fr
Le vote en faveur du CETA a confirmé la domination, au sein du Parlement européen, des partisans d’une Europe libérale favorisant les multinationales au détriment de l’environnement, de la santé, des droits sociaux et de la transparence démocratique. Le ralliement d’une majorité de sociaux-démocrates à la droite libérale et conservatrice, a assuré la victoire du OUI.
Justin Trudeau, a eu beau venir faire le service après-vente du CETA au lendemain du vote du Parlement européen, il n’aura pas réussi à convaincre par des arguments vérifiables, que cet accord était bon pour les citoyens. On a même frôlé un grand moment de solitude politique quand le premier ministre canadien - en authentique représentant de commerce d’une multinationale de luxe - s’est hasardé, devant des députés au sourire équivoque, à vanter le nouveau tarif des bottes canadiennes de marque Manitobah qu’allait nous offrir le CETA: « moins 17% ! » ( sic !) Que le premier ministre d’un pays de 36 millions d’habitants - aussi jeune et sympathique soit-il - profite de la tribune d’une grande institution internationale pour lancer les soldes de printemps, n’est pas seulement pathétique, c’est surtout très peu convaincant - a fortiori quand on constate que le prix moyen des bottes nationales tant vantées, tourne autour de 250 à 300 dollars la paire… Comme l’a avoué à plusieurs reprises Justin Trudeau, avec un brin de naïveté qu’on hésite à mettre sur le compte de sa méconnaissance des réalités européennes: « ce sont les classes moyennes que le CETA veut favoriser. » Des classes moyennes plus-plus, a-t-on envie d’ajouter, quand même.
 
Lors du débat précédent le vote de mercredi, la députée hollandaise Anne-Marie Mineur ( GUE-GVN ) a bien résumé l’enjeu général : « le commerce mine les bases de la démocratie, » a-t-elle dit , entendant par là, non pas qu’il fallait se passer du commerce ou l’entraver par principe ( personne n’y pense ), mais que ce qu’on appelle le « libre-échange », par son côté sauvage, et par les dérégulations qu’il instaure, était effectivement une menace pour une société démocratique. Car comme l’a rappelé Patrick Le Hyaric ( GUE-GVN ), « le CETA n’est pas un accord commercial, c’est un accord de libre échange. » Sa particularité, ce n’est donc pas simplement de favoriser le commerce, c’est très particulièrement de lever toutes les barrières, tant tarifaires ( les taxes ) que non tarifaires ( les règlements, normes, etc.. ) entre l’Union européenne et le Canada. C’est ce qu’exigent d’ailleurs les grandes institutions financières internationales, à commencer par le FMI. En votant pour le CETA, les parlementaires européens leur ont simplement obéi.
Avec le CETA disparaîtront effectivement toutes les taxes appliquées à certains produits en situation de concurrence dominante, destinées à protéger les producteurs nationaux qui sans cela risqueraient d’être mis en difficulté ou de disparaître. Le CETA affaiblira aussi des normes réglementaires, notamment en matière d’environnement et de droits sociaux. Il s’agit donc là de tout autre chose que d’un pur accord de commerce. Il s’agit de changer concrètement la façon dont les gens entendent vivre, dans quel type de société, et avec quelles règles démocratiques. Le député Vert allemand Klaus Buchner ( Verts-ALE ), l’a expliqué :« le CETA est truffé d’articles qui n’ont rien à voir avec le commerce, mais avec la destruction de la démocratie, » exhortant le Parlement à « refuser ce coup d’état institutionnel au service des puissances financières.» Même Tiziana Beghin, du mouvement « 5 étoiles », a dénoncé « le coup d’état silencieux » que représentait le CETA qu’elle refuse de qualifier de traité. « Nous allons voter un accord qui place les droits des multinationales et des investisseurs au dessus des droits sociaux et environnementaux, » a condamné pour sa part la députée belge Maria Arena, la première députée du groupe socialiste ( S et D ) à avoir pris la parole dans l’hémicycle pour appeler à voter contre le CETA. Elle sera suivie par le député français Emmanuel Maurel. Tous les autres députés sociaux-démocrates, qui interviendront appelleront au contraire à voter pour le CETA.
 
Au cours du débat de 4 heures qui a précédé le vote du CETA par le Parlement européen, un contraste flagrant est en effet apparu dans les arguments avancés par la vingtaine de députés qui se sont exprimés sur le sujet. D’un côté des conservateurs et des libéraux défendant une position purement idéologique qui peut se résumer en une phrase: le commerce avec le Canada est bon pour l’Europe - on entendait surtout qu’il est bon pour le commerce. Là encore, aucun preuve tangible pour justifier cette position. De l’autre, des arguments fondés sur de multiples rapports, des enquêtes, et des analyses, prouvant que dans de nombreux domaines, le CETA allait avoir des effets désastreux. Ces rapports, réalisés sur plusieurs années, sont publics, tout le monde y a accès, tout le monde peut les contester, mais personne ne les a beaucoup contredit jusqu’à maintenant. Se basant sur l’une de ces études, la députée italienne Eleonora Forenza ( GUE-GVN ) a par exemple rappelé, que 200 000 emplois seraient perdus en Europe à cause du CETA.
 
Qui a voté quoi ?
« Il y a un goût amer dans ce vote, » nous confiait Younous Omarjee juste avant le scrutin, « parce que si le groupe des Sociaux-démocrates en bloc avait rejeté cet accord, il y avait une majorité pour rejeter le CETA, et ça aurait constitué un moment fondateur pour une nouvelle politique commerciale européenne.»  Le vote a entièrement confirmé le pronostic du député de la Gauche Unitaire européenne.
Deux groupes politiques au sein du Parlement européen ont démontré leur parfaite unité dans le refus du CETA : la Gauche Unitaire européenne ( GUE-GVN ) et les écologistes ( Verts-ALE ). Aucune exception dans les rangs de la GUE, les 49 députés présents ont voté contre le CETA, et parmi eux, les quatre députés français  ( Marie-Christine Vergiat, Patrick Le Hyaric, Jean-Luc Mélenchon, et Younous Omarjee. ) Même chose ( presque ) pour les Verts-ALE, à l’exception de deux d’entre eux - un député croate, et un Estonien – qui ont préféré donner dire OUI au CETA.
A droite, pratiquement aucune voix des Libéraux n’a manqué en faveur du CETA, sauf 4, dont celle - notable - du député français Jean Arthuis ( ALDE ), qui a été ministre de l’économie et des finances de 1995 à 1997, et qui fait partie des opposants au CETA - il a voté contre. De même le parti des conservateurs ( PPE ) - parti dominant du Parlement européen - a voté massivement pour le CETA, sauf 4 députés qui ont voté contre, tandis que 7 d’entre eux ont préféré s’abstenir. Parmi eux, Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux, et Nadine Morano.
C’est au sein du groupe des sociaux-démocrates que le fossé entre partisans et opposants au CETA a été le plus profond : 96 POUR et 66 CONTRE. Si tous les socialistes européens avaient décidé de s’opposer au CETA, il n’est pas certain que le NON l’aurait finalement emporté. Mais en offrant presque 100 voix supplémentaires à l’accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada, le groupe socialiste ( S et D ) apportait au camp du OUI - celui de la droite et des libéraux - un renfort qui rendait illusoire la victoire du NON. C’est la raison pour laquelle de nombreux députés opposés au CETA criaient à la trahison des sociaux-démocrates dans les couloirs du Parlement européen, à l’issue du vote. Ne sont cependant concernés, aucun des députés socialistes français, puisque tous, ont voté CONTRE le CETA, rejoignant ainsi les Verts et la GUE. A l’extrême-droite de l’hémicycle, une majorité de députés s’est opposée au CETA, plus par opposition de principe à tout accord international, ou à tout vote en faveur d’une proposition européenne. Au final, le CETA est passé par 408 voix POUR, 254 CONTRE et 33 abstentions. Au cours du débat Jean-Luc Mélenchon ( GUE-GVN ) avait martelé que le CETA est « un très mauvais coup contre l’Europe, » ajoutant : « les générations futures s’en souviendront. »